Knoll - Interstice
Chronique
Knoll Interstice
Vous savez à quel point j'aime Full Of Hell. Tout comme vous savez à quel point le groupe me laisse désespérément tiède depuis quelques sorties. Pas foncièrement mauvais, loin s'en faut, mais je peine à retrouver la rage débridée, la fougue, qui avait, à mon sens, atteint son paroxysme sur leur collaboration avec Merzbow. Pas grave, c'est une route que je les laisse poursuivre (sans cesser de guetter leurs sorties), un succès d'estime amplement mérité qu'ils ont bien le droit de savourer. Je ne suis pas amer, non, pour la simple et bonne raison que j'ai trouvé un excellent dérivatif. Certes un poil vert, mais Ô combien efficace.
Pas question d'un fabricant de meubles ni d'une obscure étagère sortie des tréfonds du dernier catalogue Ikea : Knoll est une toute jeune formation des Etats-Unis, qui signe, avec "Interstice", ses tout premiers pas dans la cour des grands. C'est qu'il est beau, le poupon ! Facile, en même temps, quand les fées qui se penchent sur ton berceau sont Kurt Ballou, Bard Boatright, et Ethan McCarthy qui vient parachever le Grand Œuvre au moyen d'un artwork sobre et scabreux. Néanmoins, résumer l'incroyable force de frappe de nos six compères à la minutie des trois hirsutes sus-cités serait plutôt injuste, tant "Interstice" regorge de plans alambiqués, de riffs qui confinent à l'ultime, de crocs-en-jambe incarnés par ces plages de Noise toujours judicieuses, et jamais putassières. Si j'ai débuté mes bafouilles par une allusion à Full Of Hell, c'est que Knoll, de toute évidence, les aime autant que moi. Lorsque j'ai découvert le groupe au travers de son premier single, "Scattered Prism", j'ai réellement cru entendre la bande de Dylan Walker retrouver sa paire de couilles et larguer les longues plages bruitistes de cinq minutes sur le bas-côté. Impression confirmée par ce premier longue-durée, autoproduit : "Callus of the Maw" démarre, au plan près, de la même manière que "Burst Synapse" (issu de la collaboration avec Merzbow).
Si le décor est planté, et l'influence principale évidente, rien n'enlève à Knoll son apparente envie de bien faire, de rester méchant, mordant, sans compassion aucune pour l'auditeur. Un boxon d'inspirations en tous genres, parfois mal dissimulées, certes... Mais cet écueil est largement compensé par l'allant de l'album entier, au croisement du Grindcore, du Death Metal, de la grosse Industrie et de la Noise. Avec une petite lichette de Black Metal, tant qu'à faire ! Pour un résultat... Éprouvant. C'est le moins que l'on puisse dire.
"Interstice" est à prendre comme un crescendo de 12 titres, sommet atteint sur "Fjord Peaks", pièce ahurissante de brutalité et de saccades de près de 7 minutes. Tout y est désagréable au possible, et pourtant, on y retourne. De ces bourdonnements de machine jusqu'à la batterie proprement inhumaine, cette partie centrale qui enchaîne les crochets du droit sans jamais pouvoir remettre sa garde en place... Y'a pas, il conclut en beauté un album qui place la brutalité en fil d'Ariane, rouge sang, bien épais. L'impitoyable "Lambent Urn" où l'on cherche désespérément à reprendre son souffle, ce petit côté Portal allégé sur le démarrage et le chant soufflé du superbe "Impetus in Mire", ce mid-tempo taillé pour le pit qui entame "Inherent of Life", les pédales martyrisées de l'interlude Noise "Door To Moil" qui t'envoient littéralement te faire foutre... Pas moyen de reprendre pied. Tu trouves ça bordélique ? Pourtant, que de maîtrise ! Pas un seul membre n'est à la traîne. Le batteur est impérial, les guitaristes ont correctement appris leurs leçons, dispensant des parties qui font, immanquablement, serrer le poing (l'ouverture de "Grasp" !), la basse sait rester sinistre, et le chant... S'il m'impressionne à vouloir sonner plus Dylan Walker que Dylan Walker, notamment sur les parties hystériques, je dois bien avouer que son manque de nuances finit, malheureusement , par me taper un peu sur le système. C'est cohérent avec la teneur de l'opus, oui, mais... Un poil plus de variété, ou de place laissée aux instruments, n'aurait pas été de refus.
Mais baste ! Normal qu'une première sortie, surtout lorsqu'elle choisit l'ambition sur le confort, puisse parfois s'embourber. Ce qui reste certain, c'est que cet "Interstice" est tight, comme je m'y attendais. Assez impressionnant, dans la technique comme dans l'homogénéité du rendu, Knoll signe un premier essai foutrement réussi. Un disque qui vient gratter, à la pointe du schlass, la démangeaison que je ne parvenais pas à apaiser. Des défauts ? Certainement. Mais la passion qui suinte de chaque titre excuse (presque) tout. A découvrir le 26 Février prochain !
| Sagamore 17 Février 2021 - 1082 lectures |
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