Chroniquer un album culte est un exercice périlleux. Sera-t-on à la hauteur du chef d'oeuvre? Réussira-t-on à en extraire la substantifique moelle, à décrire avec assez de précision l'ambiance, le style et ce qu'il nous procure tout en le replaçant dans son contexte historique? Ou va-t-on se faire lyncher par des fans pointilleux toujours prêts à dégainer leurs claviers pour une virgule mal placée? Près de cinq ans et demi que je consacre une grande partie de mon temps libre à essayer de faire partager ma passion, de découvrir des groupes ou à tirer à boulets rouges sur d'autres avec plus ou moins de talent. Et si ma motivation est toujours intacte, j'avoue que maintenant, je m'en bas les couilles. Douze ans de metal et dix d'Internet vous créent un blindage efficace. Mais je n'aime pas les injustices et s'il y en a une sur notre fabuleux webzine, c'est bien l'absence de certains albums, dont le premier Slayer,
Show No Mercy, culte de chez culte. Il était donc grand temps de s'y mettre et qui s'y colle? C'est bi-bi, avec un putain de plaisir tant cet opus me rend fou. Petit retour en arrière...(*image qui devient floue et petite musique romantique*)
Slayer voit le jour au début des années 1980 à Los Angeles, invoqué par les guitaristes Jeff Hanneman et Kerry King. Ils recrutent rapidement l'immigré chilien Tom Araya, ancien partenaire de King dans Quits, au chant et à la basse. L'entité deviendra complète un peu plus tard avec l'arrivé derrière les fûts du Cubain Dave Lombardo, qui aurait selon la légende rencontré le futur chauve lors d'une livraison de pizza. Et même s'il s'adonne d'abord à des reprises de ses deux grandes influences Iron Maiden et Judas Priest, le groupe affiche déjà une imagerie plus sombre que les combos de l'époque avec sataneries, clous, piques et maquillages evil, à l'instar des vilains petits canards de Venom de l'autre côté de l'Atlantique. Le grand Brian Slagel voit du talent dans ce nouveau venu et fait apparaître Slayer sur la compilation
Metal Massacre III de son label Metal Blade Records avec "Aggressive Perfector". S'ensuit une signature sur le label de Slagel mais c'est sans budget que les quatre Californiens entrent en studio pour enregistrer leur premier full-length. Ce sera fait l'espace d'une nuit de novembre 1983.
Ce court laps de temps va donner à
Show No Mercy, livré à la face d'une scène metal en plein changement en décembre 1983, une spontanéité et une rudesse d'une efficacité implacable, bien représentée par des morceaux courts et une production typique de l'époque avec batterie/chant surmixés et pas mal de réverbération pour faire plus de bruit. Et cette putain de pochette comme on en fait plus, a-bo-mi-nable! Musicalement, ce premier full-length est bien à part dans la discographie de Slayer et nous montre un visage qu'on ne retrouvera plus. A l'époque, la bande à Araya évolue encore sous l'influence du heavy et de la NWOBHM et n'a pas totalement achevé sa transformation en groupe de pur thrash.
Show No Mercy est presque ainsi un album de speed, le cul entre la chaise mélodique et entraînante du heavy et celle à base de vitesse et d'agressivité du thrash. Tout en restant cohérent avec dix titres phénoménaux dont la plupart sont depuis longtemps entrés dans la légende, même un bijou rarement cité comme "Crionics" et son passage mélodique épique à partir de 2'21, un des morceaux qui mélange le mieux les deux faces des Américains. Il n'y a peut-être qu'un trop bref "The Final Command" un peu en deçà malgré une intro mémorable. Sinon, on tutoie laperfection piste après piste, avec un pic orgasmique sur "Black Magic". S'il n'y avait qu'une chose à retenir de
Show No Mercy (et Satan sait qu'il y en a pourtant!), ce serait en effet ce riff au motif mélodique qui hante encore tous les esprits, après une montée en puissance jouissive. Sans oublier le guest de Gene Hoglan sur les choeurs du refrain du morceau d'ouverture, le très prenant "Evil Has No Boundaries".
Globalement, la rythmique se fait ici plutôt rapide mais on reste assez loin de
Kill 'Em All, autre bijou sorti cinq mois avant.
Show No Mercy est sans doute un des albums les plus variés de Slayer, notamment rythmiquement. Si l'on note avec délectation des purs brûlots thrash metal basés sur une vitesse d'exécution impressionnante pour l'époque avec chuka-chuka de rigueur (putain c'est dingue comme cette rythmique peut me rendre dingue!) comme sur "Die By The Sword", "Black Magic", "Show No Mercy" et surtout un "Fight 'Till Death" tonitruant, le quatuor propose pléthore de mid-tempi bien headbangants ("The Antichrist", "Die By The Sword", "Metal Storm/Face The Slayer", "Black Magic"...) voire quelques séquences plus lentes comme sur l'intro de "Tormentor" qui laisse place à une ambiance bien sombre et menaçante. Mais tout ça, Slayer le refera sur ses albums suivants. Ce qui est le plus surprenant ici, surtout quand on a d'abord connu la période "moderne" du combo, c'est l'aspect mélodique et heavy des compositions (au premier plan "The Antichrist", "Tormentor" et "Crionics"). Hé oui, il fut une époque où Hanneman et King savaient placer des vrais solos, construits, mélodiques et bien développés ("The Antichrist", "Die By The Sword", "Black Magic", "Tormentor", "Crionics", etc). On trouve déjà quelques soli bien chaotiques avec vibrato et compagnie pour sonner evil ("Evil Has No Boundaries", "Metal Storm/Face The Slayer") mais rien de comparable aux pets foireux (qui collent bien à la musique, je vous l'accorde) que le groupe nous sortira plus tard. Bref, si vous voulez des vrais bons solos, c'est
Show No Mercy qu'il faut choisir!
Si Hanneman et King hésitent encore entre la mélodie et le bourrinage, Dave Lombardo et Tom Araya ont déjà pratiquement fait leur choix. On reconnaît la frappe lourde et précise du Cubain même si son jeu n'est pas encore aussi adroit, notamment dans les descentes de toms, ainsi que la basse quasi inexistante du sud-américain et son chant éraillé et possédé, hurlant ses insanités sataniques et autres déclarations de guerre avec une fouge et une sincérité (le bonhomme n'allait pas encore à la messe tous les dimanche semble-t-il!) jouissives toute adolescente. Il contre-balance toutefois cette agressivité qui valait pour beaucoup dans l'aura diabolique de Slayer avec des parties de chants plus "softs" ("The Antichrist", "Tormentor"). On a aussi le droit, plus que jamais d'ailleurs, à quelques cris haut perchés jubilatoires comme sur "Evil Has No Boundaries", "The Antichrist" ou "Tormentor". Une performance de choix, pas loin d'être ma préférée du Chilien.
Avec
Show No Mercy, Slayer démarre sa véritable trilogie impie. On parle souvent de
Reign In Blood,
South Of Heaven et
Seasons In The Abyss mais pour moi, c'est bien le trio magique et malsain
Show No Mercy,
Hell Awaits,
Reign In Blood qui montre le groupe sous son meilleur jour, le doublé
South Of Heaven / Seasons In The Abyss, bien que sympathique, m'a en effet toujours paru surestimé. Musicalement de loin le meilleur album de Slayer,
Show No Mercy présente un jeune groupe énergique et ultra talentueux, encore influencé par le heavy metal de ses plus jeunes années mais désireux de franchir une barrière niveau rage et intensité, le combo faisant déjà parler de lui visuellement avec un attirail vestimentaire et textuel de méchants garçons adorateurs du Cornu, sans oublier ce fameux "s" des SS controversé qui poussera encore plus loin le vice. Comment résumer en quelques mots ce
Show No Mercy fantastique? Violent, agressif, fougueux, dérangeant mais aussi mélodique, entraînant et ultra efficace, faisant partie de ces albums pionniers qui ont fait date et qu'on met dans sa platine avec toujours autant de plaisir: voilà un bon début je pense. Mais si vous voulez mon avis, une écoute vaudra toujours tous les discours du monde.
7 COMMENTAIRE(S)
20/05/2014 16:58
Quant à la production, je la trouve fabuleuse, guitares au son incisif et épais, batterie très puissante, avec un bon équilibrage entre les instruments. Je trouve que ce magnifique album a traversé magnifiquement bien ses trois décennies comparé à au son de Kill 'em All qui reste bon mais avec un côté suranné bien senti.
06/07/2010 18:09
De leur 5 premiers albums (le reste ne compte pas pour moi) c'est quand même au final le moins bon. On peut pas nier le côté historique, heavy, spontanné et tout ce que tu as très bien décrit mais bon ça manque quand même de maturité et d'un vrai son. Je savais pas qu'il l'avait enregistré en une nuit cela explique pas mal de chose.
Mais bon de toutes les chansons de métal la seule et unique dont je suis encore capable de me souvenir des paroles de A à Z c'est "The Antichrist"...alors c'est qu'il doit être très bon quand même cet album !
Et puise suis content de noter que je suis pas le seul à adorer les petits cris suraiguî de Tom sur "Tormentor" :-)
05/07/2010 19:50
05/07/2010 19:08
05/07/2010 19:06
05/07/2010 19:06
05/07/2010 18:57