Bien qu'imparfait, « South Of Heaven » est sans nul doute l'un des albums de SLAYER les plus intéressants à chroniquer. Au centre du fameux tryptique
« Reign In Blood »/ « South Of Heaven » /
« Seasons In The Abyss », trois albums isolés dans la discographie des américains pour d'évidentes raisons d'interactions stylistiques (avec entre autres liens l'artwork du peintre Larry Carroll, connu pour ses illustrations à caractère politique dans Newsweek et le New York Times –
pour n'en citer que deux - et récemment revenu dans le giron du groupe le temps d'un
« Christ Illusion » assez éloigné de ses grands frères), le successeur de l'inégalable
« Reign In Blood » hérite du plus mauvais rôle, celui de l'album de transition conçu pour prendre le contre pied d'une pierre angulaire du thrash ne jurant que par l'agression frontale et la rapidité d'exécution.
En découle logiquement le premier titre d'ouverture à vocation non offensive de SLAYER, un title track mythique signé Jeff Hanneman, le grand gagnant de l'album en terme de jeu et d'exposition. Kerry King empêtré dans des histoires de couple et dans un grand bas sur le plan de l'inspiration (le futur chauve se bornant à co-signer les seuls « Silent Scream », « Mandatory Suicide » et « Ghosts Of War »), il revient donc à Hanneman de réorienter la carrière d'un groupe où les véléités de changement commencent à se faire sentir, notamment chez Dave Lombardo, lequel finira par plier bagages après le sommet
« Decade Of Aggression » sorti en 1991. Premier album ayant prêté à discussion avant son écriture, « South Of Heaven » cultive donc les paradoxes avec deux indéboulonnables de la setlist du groupe en live, « South Of Heaven » et « Mandatory Suicide », deux chef d'œuvres d'obédience mid tempo (une première chez SLAYER) à forte connotation mélodique (des leads entêtantes comme on en retrouvera rarement par la suite,
« Seasons In The Abyss » mis à part) qui permettent à Tom Araya de changer radicalement de registre. Terminé ou presque le chant en cadence et les hurlements de damné poussé de force vers l'antichambre de la mort, place à des refrains plus traditionnels et à une interprétation plus posée en opposition frontale avec les vestiges rythmiques du SLAYER d'avant –
jeu de contraste saisissant sur la speedée « Silent Scream » - toujours présents malgré une volonté de changement très affirmée sur les titres les plus mélodiques. Ce qui n'empêche pas le Chilien de pousser quelques cris dont il a le secret comme à 2 :14 sur « Live Undead », sonnant une des charges les plus satisfaisantes de l'album avec le riff sans concession de l'inégale « Ghosts Of War ».
Un titre redoutable deux minutes durant, qui reprend à son compte le final titanesque de « Chemical Warfare » avant de plonger dès le ralentissement du tempo à mi parcours. Ce qui fonctionne dans un sens (démarrage mid tempo suivi d'une redoutable accélération sur « Behind The Crooked Cross » ou « Live Undead ») ne marche pas dans l'autre comme le prouve encore une « Cleanse The Soul » qui pique rapidement du nez –
Kerry King dit détester viscéralement ce titre pour le caractère chantant, presque joyeux du riff principal – juste avant la seule cover de l'histoire du groupe à figurer sur un album, le « Dissident Aggressor » de JUDAS PRIEST (extraite de « Sin After Sin », 1977). Placée en avant dernière position dans le tracklisting, cette reprise presque incongrue renforce le désagréable sentiment de remplissage né de la succession de morceaux dispensables (une bonne moitié de « Ghosts Of War », « Read Between The Lies », « Cleanse The Soul »), SLAYER redorant in extremis son blason à l'aide de « Spill The Blood » et son excellente intro en arpèges. Bon brouillon de
« Seasons In The Abyss » (remarque applicable à l'ensemble de l'album), « Spill The Blood » ne pêche que par la faiblesse de son refrain et le caractère un peu passe partout des solis de la paire King/Hanneman. Le ralentissement généralisé de l'ensemble, couplé à la démission temporaire d'un Kerry King pas concerné, fait de ce quatrième full length un entre deux parfois frustrant (les irréductibles bourrins en seront quitte pour réécouter
« Reign In Blood » ou
« Hell Awaits ») aux qualités aussi nombreuses que ses défauts : on mettra ainsi en avant la partition sans faille d'un Dave Lombardo -
bien aidé par le mix et une production d'une grande clarté à nouveau signée Rick Rubin - faisant valoir la facette groovy de son jeu sur les cinq premiers titres (les meilleurs), deux classiques inoxydables dont un « Mandatory Suicide » repris par pléthore de groupes des générations suivantes (LOUDBLAST et DECAPITATED en tête) et un élargissement de leur palette de jeu qui aboutira deux ans plus tard au chef d'œuvre
« Seasons In The Abyss ». A l'inverse, on regrettera des solis globalement peu inspirés, des parties de chant clair pas toujours très heureuses et un certain manque d'intensité malgré l'abattage de Lombardo derrière le kit. Pour achever cette chronique sur des considérations toutes personnelles, c'est malgré tout sur ce terrain là que j'attendais SLAYER au sortir du tunnel de cinq années séparant
« God Hates Us All » de
« Christ Illusion ». Mais plutôt que de remettre les mélodies au premier plan et de soigner à nouveau les lignes de chant d'un Tom Araya ayant beaucoup tiré sur la corde, King et consorts ont choisi de se mesurer à leur chef d'œuvre de 1986 alors qu'ils n'avaient clairement plus les moyens de leurs ambitions. C'est d'autant plus regrettable qu'avec le retour d'un Dave Lombardo ayant expérimenté à tout va chez FANTOMAS et GRIP INC., ils auraient pu sortir de schémas de jeu convenus n'ayant abouti qu'à un bien pâle erzatz de
« Reign In Blood » sur le terriblement décevant
« World Painted Blood ».
5 COMMENTAIRE(S)
15/08/2010 15:10
Les cinq premiers albums de Slayer sont incontestablement les meilleurs, et même s'il écope d'une place difficile entre "Reign In Blood" et "Seasons In The Abyss", ce "South Of Heaven" n'en reste pas moins un album culte de plus dans leur discographie.
D'une lourdeur et d'une puissance remarquable à laquelle s'ajoute aujourd'hui la touche nostalgie, je place cet album à la même hauteur que ses trois prédécesseurs et il m'arrive souvent de le réécouter.
14/08/2010 13:06
Je sais que j'ai tendance avec tous les albums que j'écoute de zapper les chansons les moins bonnes du coup je les oublie et j'en arrive à sur-estimer parfois certains album. C'est sans doute le cas avec celui-ci.
13/08/2010 16:55
En ce temps là le groupe était sincère et avait encore la fois...
13/08/2010 12:52
13/08/2010 10:46