Thrashocore a beau être la contraction de "Thrash" et de "Hardcore", les lacunes accumulées depuis les débuts de votre webzine préféré sont à ce jour tristement nombreuses... Rien qu’en matière de Thrash on pourrait par exemple citer des groupes comme Dark Angel, Vio-lence, Evildead, Forced Entry, Dyoxen, Sacrifice, Hexenhauss, Obliveon, Watchtower, Indestroy, Gladiator, Death Angel, Flotsam & Jetsam et Pyracanda parmi les grands absents de ces colonnes... Une liste longue comme le bras qui n’a déjà rien d’exhaustive et qui surtout semble vouée à perdurer indéfiniment dans la mesure où nous ne seront jamais assez nombreux (ni même franchement intéressés) pour espérer couvrir tout ce qui peut ou a pu sortir un jour sous l’étendard "Thrash Metal". Pour autant, cela n’est pas une raison valable pour ne pas revenir de temps à autre, lorsque l’envie nous prend ou que l’actualité le suggère, sur ces groupes et ces albums qui en leur temps ont contribué de manière plus ou moins significative à l’émergence et au développement d’un genre.
Bien que les Californiens de Forbidden aient déjà trouvé une place dans ces colonnes grâce à Thomas Johansson et sa chronique d’
Omega Wave, cinquième album du groupe paru en 2010 après treize ans d’absence, personne ici ne s’était encore penché sur les premiers enregistrements du groupe américain, notamment
Forbidden Evil et
Twisted Into Form. On va aujourd’hui y remédier en commençant naturellement par le début.
Originaire d’Hayward, petite ville située à l’est de la baie de San Francisco, le groupe voit le jour en 1985 d’abord sous le nom de Forbidden Evil. Celui-ci est à l’époque constitué de Russ Anderson (chant), Craig Locicero (guitare), Robb Flynn (guitare), John Tegio (basse) et James Pittman (batterie). Un line-up appelé à rapidement évoluer puisque deux ans plus tard Flynn, Tegio et Pittman sont en effet tous les trois remerciés au profit de Glen Alvelais, Matt Camacho et Paul Bostaph. En parallèle, de crainte d’être vraisemblablement associés à la mouvance Black Metal, les Américains vont en profiter pour raccourcir leur nom et ainsi opter pour celui de Forbidden. Un choix plutôt surprenant et surtout particulièrement paradoxal si l’on tient compte du titre de ce premier album…
Sorti en 1988,
Forbidden Evil est donc le tout premier album de Forbidden ainsi que sa première sortie officielle sous ce nouveau patronyme. Pas de démos ni même de single pour se faire la main me direz-vous ? Eh bien pas tout à fait puisque les Californiens auront sorti durant leurs deux premières années d’existence pas moins de six démos sur lesquelles on va d’ailleurs retrouver l’essentiel des huit titres qui composent ce premier album ("Chalice Of Blood", "Forbidden Evil", "March Into Fire", "As Good As Dead", "Follow Me"). Produit par John Cuniberti (Possessed, Defiance, Vio-Lence, Xentrix...) avec le soutien de Doug Caldwell,
Forbidden Evil est illustré par un certain Kent Mathieu. Si ce nom ne vous dit peut-être pas grand chose, sachez qu’on lui doit quand même quelques illustrations bien connues comme celles de
By Inheritance,
Severed Survival,
Acts Of The Unspeakable,
Slaughter In The Vatican ou
Pleasures Of The Flesh... Bref, même si celle-ci paraît aujourd’hui un brin désuète, elle n’en conserve pas moins tout son charme ou presque (même si à titre personnel je lui préfère tout de même celle de son ainé).
Alors évidemment, trente-six ans après les faits, tout a déjà été dit au sujet de
Forbidden Evil, album de Thrash typique de la Bay Area qui n’a cependant jamais eu tout à fait le même impact que d’autres albums arrivés plus tôt (ceux de Metallica, Exodus et Testament). En effet, malgré ses qualités évidentes, Forbidden n’est pas nécessairement le premier groupe auquel on pense lorsque l’on évoque le Thrash californien de la fin des années 80. Pour autant,
Forbidden Evil reste encore aujourd’hui un album particulièrement solide grâce en premier lieu à un riffing nerveux et efficace signé de la paire Locicero / Alvelais. Techniques et incisifs sans jamais en faire des caisses, les deux hommes régalent depuis près de quarante ans les amateurs de Thrash grâce à des riffs affûtés qui n’ont aucun mal à faire mouche. De "Chalice Of Blood" à "Forbidden Evil" en passant par "March Into Fire", "Feel No Pain" ou "As Good As Dead", les deux Californiens déroulent à vitesse grand V ce qu’il faut de riffs taillés pour se taper la tête contre les murs et se chauffer les cervicales. Un talent indéniable qui s’accompagne d’un sens de la mélodie particulièrement affuté. Les amateurs de solos rapides, techniques et mélodiques (proposés bien souvent sous forme de question / réponse entre les deux guitaristes) vont ainsi pouvoir se délecter de nombreuses séquences toutes plus inspirées les unes que les autres et surtout particulièrement réussies comme l’attestent par exemple "Chalice Of Blood" à 2:05, "Off The Edge" à 2:33, "Through Eyes Of Glass" à 4:01, "Forbidden Evil" à 4:04, "March Into Fire" à 3:33 ou bien encore "Feel No Pain" à 1:17, 2:13, 3;02 et 4:13. Bref, l’un des atouts les plus évidents de ce premier album réside bel et bien dans cette paire de guitaristes loin d’être manchots.
Ceci étant dit, ce ne sont pas les seuls à briller tout au long de ces quarante-deux minutes. Si Matt Camacho et Paul Bostpah ne déméritent pas (notamment le second qui cravache déjà avec tout le talent qu’on lui connait), c’est surtout Russ Anderson derrière son micro qui impressionne. Extrêmement à l’aise dans cet exercice qui consiste à monter dans les aigus, le grand rouquin nous gratifie d’envolées Heavy Metal particulièrement solides tout en conservant cependant un brin de vice dans la voix lorsque celui-ci débite ses paroles au rythme de ces riffs nerveux et de cette batterie tout aussi volontaire. Certes, le chant n’a jamais été l’élément central lorsque l’on parle de Thrash mais chez Forbidden celui-ci n’en joue pas moins un rôle prépondérant permettant ainsi aux Californiens de se distinguer à l’époque de la masse de formations encore largement portées sur la pratique de ce genre.
Alors effectivement,
Forbidden Evil n’a jamais jouit de la même notoriété qu’un
Pleasures Of The Flesh, qu’un
The Legacy ou qu’un
The Ultra-Violence mais comme vous avez pu le lire ici, celui-ci ne manque pourtant de rien pour convaincre. De cette cadence globalement soutenue (bien que l’on trouve tout de même quelques moments moins tendus comme c’est le cas par exemple sur "Off The Edge", "Through Eyes Of Glass" ou "Follow Me") à ces riffs nerveux et incisifs en passant par ces innombrables solos extrêmement bien ficelés, cette batterie et cette basse peut-être un petit peu plus en retrait mais pourtant très solides et ce chant Heavy / Thrash de haute volée, il n’y a pas grand chose à reprocher à ce premier album de Thrash californien certes balisé d’un bout à l’autre mais néanmoins toujours aussi réjouissant après toutes ces années. Bref, un classique.
2 COMMENTAIRE(S)
08/04/2024 18:55
08/04/2024 18:44
Mais dès Forbidden Evil, tu sens que ça tricote, que ça propose une écriture fournie et recherchée. C'est pas le plus efficace ni le plus rentre dedans, mais qu'est-ce que ça va piocher loin par rapport aux autres - sans toutefois tomber dans la complexité de Watchtower