Tenebro - Ultime Grida Dalla Giungla
Chronique
Tenebro Ultime Grida Dalla Giungla
Projet initié il y a plus de vingt ans (en l’an 2000 pour être tout à fait exact), il semblerait à en croire Metal Archives que Tenebro ait dû prématurément mettre fin à ses petites affaires suite aux activités illégales dans lesquelles trempaient vraisemblablement une partie de ses membres. Lancé par un certain Il Becchino (Le fossoyeur) dont la famille travaille depuis 1949 dans le business funéraire, les spéculations ne peuvent qu’affluer quant à la nature de ces activités prohibées auxquelles ces derniers ont pu s’adonner...
Mis au placard dans la foulée de ces allégations, il faudra attendre 2019 pour voir la formation italienne refaire surface. Relancée à la seule initiative d’Il Becchino, celui-ci s’est entouré pour l’occasion d’Il Beccamorto plus connu sous le nom de Hannes Delbello (Celebrarian, Engrossed, Sepolcro...). Une collaboration fructueuse puisqu’en seulement quatre ans le groupe aura sorti une démo, trois EPs et deux albums dont le petit dernier intitulé Ultime Grida Dalla Giungla vient de paraître chez Xtreem Music.
À la manière d’un Fulci avec qui il partage bien des points communs, Tenebro verse dans la pratique d’un Death Metal entièrement dédié au cinéma d’horreur italien des années 70 et 80. Un amour sans borne matérialisé de bien des manières. De cette illustration incroyable signée des mains talentueuses de l’artiste mexicain Julian Felipe Mora Ibañez (Abject Mentor, Diabol, Iron Front, Toxico...) qui, les fins connaisseurs l’auront déjà deviné, n’est autre qu’un hommage vibrant au film Cannibal Ferox sorti en 1981, à ces titres en italien qui certes chantent et dansent sur la langue mais qui pourtant s’avèrent particulièrement imagés (je vous laisse chercher la traduction de "Feto Strappato E Gettato Nel Fango") en passant bien évidement par tous ses samples un brin dérangeants et surtout sans équivoque, le doute n’est effectivement pas permis. Certes, ce genre de parti-pris et d’inspirations ne sont pas nouveaux dans le Death Metal, loin de là, mais il faut bien reconnaître que mis bout à bout tous ces éléments participent tout de même à créer une identité forte et ainsi à offrir à Tenebro la possibilité de pouvoir se démarquer sans pour autant faire preuve d’une quelconque originalité.
Car non, la musique des Italiens n’offre à l’auditeur strictement rien de nouveau à se mettre sous la dent dans la mesure où celle-ci fait référence à des formations bien connues de la scène Death Metal telles que Mortician, Impetigo et Necrophagia. Trois groupes très portés sur l’hémoglobine et l’amour de la bonne chair et à qui les Italiens vont emprunter l’essentiel de ce qui les caractérise à commencer par un riffing simple et dépouillé qui globalement va réussir à faire oublier son caractère pour le moins répétitif par le biais d’une efficacité indiscutable ainsi que par un goût relativement prononcé pour les séquences (essentiellement mid-tempo) au groove bien baveux. En effet, il n’y a vraiment rien de bien compliqué dans la formule que déroule le duo italien tout au long de ces quarante-trois minutes où chaque titre est plus ou moins calqué sur le suivant.
Malgré ce qui pourrait être considéré comme un véritable défaut dans l’optique d’apprécier le Death Metal de Tenebro, il faut bien avouer qu’il est quand même difficile de résister à ces riffs aux trois / quatre accords répétés ad nauseam (je pense par exemple à des titres comme "Lo Squartamento Della Tartaruga", "Feto Strappato E Gettato Nel Fango", "Khakhua", "Ultime Grida Dalla Giungla" ou bien encore "Il Ritrovamento Della Donna Impalata" même si à vrai dire tous correspondent à cette description). En effet, derrière cette simplicité et cet aspect effectivement réitératif, se cache néanmoins des riffs massifs et ultra-épais parfois bien patauds ("Ferox", "Feto Strappato E Gettato Nel Fango", "Pellicola Maledetta"...), parfois particulièrement entrainants ("Lo Squartamento Della Tartaruga", "Khakhua", "Oscuro Rito Sessuale"...) qui vont prendre un malin plaisir à venir nous fracturer le crâne à coups de fémur. Rien de sorcier mais des accords bien balancés qui font mouche sans jamais insister ni forcer et ne devraient pas manquer d’en faire dodeliner plus d’un.
Au delà de ces riffs bien épais et faisandés qui cultivent à la fois groove et répétition, Tenebro va tout de même apporter ce qu’il faut de nuances et de reliefs à ses compositions, notamment à l’aide de variations dynamiques dispensées de manière quasi-systématique. De franches accélérations mais aussi de bons gros ralentissements qui vont ainsi permettre de varier les plaisirs et de trancher avec une certaine monotonie de riffs. Parmi les coups de boutoirs les plus jouissifs, on retiendra par exemple ceux dispensés sur "Ferox" à 1:46, "Lo Squartamento Della Tartaruga" à 0:57, "Feto Strappato E Gettato Nel Fango" à 2:08, "A Caccia... Di Umani" à 2:25. À l’inverse pour les séquences plus lourdes mais pas nécessairement dénuées de groove, il faudra plutôt se tourner vers les premières parties de "Feto Strappato E Gettato Nel Fango", "Il Ritrovamento Della Donna Impalata" et "Il Paese Del Sesso Selvaggio" ou bien encore "Ultime Grida Dalla Giungla" à 1:23. Bref, vous l’aurez compris, le caractère indéniablement répétitif revêtu par certaines séquences est tout de même largement contrebalancé par l’efficacité même des riffs, par ce groove systématique dont fait preuve Tenebro et dont on se régalera non sans plaisir ainsi que par ces nombreux changements de rythmes évoqués plus haut.
Avec Ultime Grida Dalla Giungla, Tenebro poursuit avec les félicitations du jury son petit bout de chemin dans l’horreur et le Death Metal grâce à une formule qui, si elle n’a effectivement rien de nouveau à offrir, n’en reste pas moins suffisamment personnelle et éloignée d’une grande majorité de ce qui se fait dans le milieu pour espérer faire la différence et séduire l’amateur de cannibalisme et autres vices mis en musique. Et ce n’est pas cette boîte à rythme qui ne souffre en aucun cas de son statut d’instrument synthétique qui me fera changer d’avis sur la question. D’ailleurs il y a fort à parier que si je ne l’avais pas mentionné vous n’y auriez vu que du feu... Bref, à la manière d’un Mortician, d’un Necrophagia ou d’un Impetigo, Tenebro livre avec Ultime Grida Dalla Giungla un très sympathique et convaincant album de Death Metal aux atmosphères bien dérangeantes. Un "must-have" pour tous les fins esthètes qui depuis plus de trente ans se régalent de ce genre de douceurs.
| AxGxB 7 Décembre 2023 - 701 lectures |
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