Daggers - It’s Not Jazz, It’s Blues
Chronique
Daggers It’s Not Jazz, It’s Blues
« C’est une question de feeling » disait Richard Cocciante (ne vous moquez pas, je cite un italien né dans l’ex-Saigon alors voyez la street-cred de papa). Et du feeling, il n’y en a que trop rarement dans le hardcore, au point que les quelques œuvres du style arrivant à attraper cette fièvre particulière finissent par devenir des ovnis à part entière : les Still Nothing Moves You, Death Knows Your Name, Venerable et quelques autres.
Il va falloir désormais ajouter It’s Not Jazz, It’s Blues à la tier-list des champions du hardcore qui groove autant qu’il concasse. Cet album signant ma découverte des Belges de Daggers (nationalité qui est plus qu’un détail, on y reviendra), c’est avec surprise que j’ai écouté ce quatrième album, original et faisant honneur aux origines dans le même temps. Car, des fois que le titre de l’essai ne soit pas suffisamment clair, la formation ne fait rien de moins ici que créer un pont entre hardcore et blues, en jouant ses morceaux goudronnés comme des occasions à chanter un désœuvrement actuel à naviguer en métropole.
Sans doute y a-t-il dans tout cela un peu de travail montrant qu’ils n’avancent pas tout à fait pieds nus (cf. les quelques arrangements habillant « Labyrinth » ou la fin de « Wanderlust » par exemple), les Daggers évoquent malgré tout une vie passée à se frotter au bitume par leur hardcore cassant les codes tout en sachant se faire simple, direct, viscéral, en un mot : punk. Une fois passée l’impression de trop grande densité que donnent les premières écoutes, un disque utilisant avec justesse son sens de l’économie se découvre : une durée globale courte, peu de répétitions (à la notable exception de la partie centrale de « Apex » faisant son retour sur « Citadel » afin de boucler la boucle), les politesses d’usage sont constamment renvoyées au placard, les quelques moments posés ne relâchant pas la tension mais lui donnant un décor, urbain, nocturne et désolé. Cela fait de It’s Not Jazz, It’s Blues un court jet pouvant s’écouter aussi bien pour avoir son shot de violence qu’assis, estomaqué par cette constance à employer, en toute décontraction, ce sens du riff terne et pourtant habité.
C’est la Belgique dans ce qu’elle a de plus éteinte qui transparait ici, celle de « La merditude des choses » et d’AmenRa, celle de l’humour grinçant de « C’est arrivé près de chez vous » et de Rise And Fall. Daggers arrive à la figurer sous un angle bien à lui, contrastant ses tempos élevés et dissonances ardentes par un chant monolithique, pilepoil entre la rocaille de Motörhead et la première mouture d’Early Graves, celle à voix d’ours avec Makh Daniels. Il n’est pas sûr que l’effort que cet album demande s’avèrera concluant pour tout le monde cependant, le dernier tiers de It’s Not Jazz, It’s Blues pouvant passer sans s’en rendre compte si l’attention est relâchée. De mon côté, je ne finis pas d’écouter ces vingt-huit minutes encore et encore, épaté par l’application qu’a le quatuor à coller à son objectif affiché : inventer un hardcore aux doigts brûlants, un blues où mettre sa cagoule. Chapeau, messieurs.
| lkea 10 Mars 2014 - 3291 lectures |
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