LADLO Fest 10th Year Anniversary - Jour 2
Live report
LADLO Fest 10th Year Anniversary - Jour 2 Au-Dessus + Déluge + Hyrgal + Lifestream + Maïeutiste + Pensées Nocturnes + The Great Old Ones
Le 07 Octobre 2018 à Nantes, France (Maison de Quartier de Doulon)
Debout de bonne heure, je m'étais promis ce jour-là de ne pas rater le moindre groupe - dans un festival aux concerts multiples à la même heure comme le Hellfest ou le Motocultor c'était excusable, mais là la taille du festival nous permettait de voir tous les groupes. Et maintenant je peux fièrement dire que j'ai tenu mon pari à l'exception d'un seul groupe mais j'y reviendrai plus tard. Le temps d'ingurgiter quelque chose et hop! me revoilà parti explorer les abysses sulfureuses du black metal...
LIFESTREAM
Qui aurait cru un jour m'entendre dire qu'un groupe de black metal d'ouverture aurait été une de mes plus grosses claques scéniques? Personne, pas même moi d'ailleurs. Pour rappel, j'étais essentiellement venu à ce festival dans l'espoir de découvrir de bonnes choses avec une oreille relativement neutre sur l'ensemble de l'affiche. Je me méfiais des petits groupes, ceux qui ouvrent le festival car souvent ils m'intéressent moins, mais vous avez lu plus haut que cette crainte était infondée avec Heir pour le Samedi. Et qu'en est-il alors du Dimanche? Et bien j'avais encore moins de raisons de m'inquiéter!
Comme Heir - et comme beaucoup d'autres groupes mais vous le savez déjà maintenant - je ne connaissais absolument pas Lifestream et j'y suis allé porter une oreille curieuse, dans mon éternelle envie de découvrir des groupes se produire sur scène quand j'en ai l'occasion - d'ailleurs les gens qui achètent un billet de concert mais ne viennent qu'au gros groupe je ne vous comprend pas... Et le concert de Lifestream m'a confirmé que la curiosité n'était pas un vilain défaut. Car, de mémoire, il n'existait pas de tout le festival de groupe qui honorait si bien leur nom au travers de leur musique. Lifestream. Le flux, l'écoulement de la vie. C'était, de façon quelque peu poésique certes, la sensation que je ressentai durant ce concert. On avait un groupe qui jouait un black metal assez traditionnel, ici aussi très linéaire et qui ne partait pas dans tous les sens. Le groupe défendait son unique disque, Post Ecstatic Experience, un disque assez spécial qui nécessite plusieurs écoutes pour être pleinement compris mais où la production en était le seul gros défaut. Avec le concert au LADLO fest, et les belles prouesses de l'ingé son, fini le son faible et la caisse claire fade! Le groupe avait pleinement accès au son qui pouvait être tout à son avantage et le résultat était frappant: le son était incroyablement plus lourd, plus impressionnant, plus imposant, permettant ainsi aux musiciens de nous transmettre pleinement toute l'émotion pâle, continuelle, ni heureuse ni triste, que peut-être le passage du temps et de la vie. Si vous n'avez pas été convaincu par l'album pour sa production discutable, ne ratez surtout pas l'occasion de les voir.
MAIEUTISTE
J'enchaîne avec la deuxième grosse claque de la journée - décidément! Ici, même histoire que pour Lifestream: un groupe que je ne connaissais absolument pas, dont j'attendais rien, et que je suis allé voir par pure curiosité. Et c'est bien le temps - encore lui! - qui m'a empêché depuis d'aller écouter le groupe en studio car le live était, là aussi, d'une efficacité redoutable... mais pas pour les mêmes raisons que d'habitudes, et il y a beaucoup de points intéressants à souligner avec ce concert.
Contrairement à beaucoup de groupes de black ayant déjà joué, Maïeutiste nous présentait un black metal un peu plus expérimental, où l'on sentait fréquemment des ruptures rythmiques, des changements de tempos, et toutes ces choses progressives. Le concert avait donc beaucoup plus de relief et pouvait surprendre ceux s'attendant au son monolithique et continuel des groupes précédents. Le groupe n'avait pas que la musique d'atypique, il avait aussi le frontman Eheuje, qui multipliait les interventions relativement chaleureuses avec le public, n'hésitant parfois pas à "invoquer un trait d'humour" comme disait l'autre, comme si on était à un concert d'un genre beaucoup plus traditionnel... ce qui contrastait complètement avec la musique, froide, alambiquée, ponctuée par de nombreuses ruptures et interventions de guitares clean, le tout parfaitement exécuté par tous les musiciens, ce qui était assez impressionnant pour un groupe comme celui-ci.
Autre petite particularité propre au groupe, les compositions nous offraient parfois de longs passages en chant clair, ici aussi contrastés avec les passages screamés, ce qui ne semblait pas le moindre du moinde impressionner notre chanteur qui transitait entre les deux modes avec une aisance remarquable.
Enfin, pour ponctuer le concert, nous avons eu le droit à une excellente reprise d'Abscission de Deathspell Omega, qui collait parfaitement bien avec le reste de la setlist, toujours dans cet esprit "black décousu", et où le rendu musical comme visuel était impressionnant: Eheuje récitait les paroles presque comme un comédien de théâtre dramatique, le livret de paroles à la main, se mêlant ainsi parfaitement à l'image du groupe et ponctuant de cette manière un excellent concert.
Setlist:
1. Veritas
2. The Fall
3. Infinitus
4. Universum
5. Abscission (Deathspell Omega cover)
Je n'aurai pas grand chose à dire de Hyrgal, malheureusement, car j'ai dû m'absenter plusieurs fois - dont, notamment, pour faire mon interview avec Benjamin de TGOO vers la fin, mais d'après ce que j'ai pu voir pendant les premiers morceaux, le concert m'avait l'air d'être un black beaucoup plus "traditionnel", très sombre, qui contrastait fortement avec le groupe précédent, sans pour autant me marquer ou me parler.
DELUGE
Parlons ici, si vous le voulez bien, d'une autre claque magistrale de ce festival - et oui, pour quelqu'un qui n'aime pas le black, vous avez pu voir qu'il y en a quelques unes. Je crois que je n'ai jamais autant apprécié le son en concert qu'avec celui de Déluge durant ce LADLO fest. C'est bête à dire, puisqu'au final c'est ce qui prime avant tout, mais le nombre de concerts que j'ai fait où le son était médiocre voire simplement passable... Pour une fois, je n'ai absolument rien à redire sur le son pendant le concert de Déluge, si ce n'est souligner sa pureté et son mix qui mettait parfaitement tous les instruments sur le même plan.
Musicalement, on avait ici aussi quelque chose de très froid et de très monolithique, un peu comme le concert de Lifestream quelques heures plus tôt mais avec une lourdeur qu'on ne retrouvait nulle part. Imaginez que Regarde les Hommes Tomber aient (déjà) des héritiers: Déluge en ferait très certainement partie. Leur black teinté de post-hardcore se prêtait parfaitement à l'atmosphère assez particulière de la salle, qui agissait comme un microcosme, hors du temps et de toutes les autres pièces de la MJC. Les musiciens, à l'image du concert, restaient stoïques, déversant leur haine via leur instrument, le batteur Benjamin Marchal se montrant particulièrement talentueux et le chanteur Maxime Febvet très impressionnant; tout cela résultant en un spectacle captivant qui nous fait retenir notre souffle pendant trois quarts d'heure.
AU-DESSUS
Attention, là je vais certainement fâcher des gens. En effet, les lithuaniens d'Au-Dessus, qui ont tout pour être un groupe atypique - à commencer par le nom -, semblent être particulièrement appréciés par le public francophone, en faisant partie de ces groupes frappant fort avec un seul album (et un EP) sorti l'an passé qui a pas mal fait parler de lui. Tandis que pour moi, Au-Dessus est un groupe... qui n'est certainement pas au-dessus des autres. Ni même en-dessous. Simplement... passable, se mêlant dans la masse. Je l'ai toujours vu comme un groupe de troisième vague tout à fait banal, jouant un post-black qui mêle occulte et choses plus personnelles ou philosophiques, le tout par des musiciens encapuchonnés... "C'est du vu et revu", j'aimerais dire, ce qui est quelque part triste étant donné qu'il s'agit d'une manière de présenter le black metal relativement nouvelle, mais bon. Plus rien ne peut vraiment nous surprendre maintenant, tout a déjà été fait - bon, j'arrête ici la paranthèse philosophique.
Le concert? A l'image du groupe. J'étais dans les gradins et je me tapais un coup de barre de la journée - ce qui peut biaiser le jugement, je le reconnais -, ce qui fait que... je me suis presque assoupi durant le concert. Alors certes, la fatigue jouait, mais le concert ne rattrapait pas vraiment les choses. Disons que j'étais mi-figue mi-raisin: d'abord, le son était correct mais imparfait, notamment sur les micros secondaires - les guitaristes demandant parfois de monter le volume - ensuite le groupe ne s'est vraiment réveillé que vers la moitié du concert, pour les trois ou quatre derniers morceaux, qui étaient plus rythmés et qui avaient plus de relief.
Concernant les musiciens en eux-même... je n'en ai pas grand-chose à dire, honnêtement. Sachant jouer ce qu'ils devaient jouer, étant habillés en tenue noire avec des capuches sur la tête, ne disant pas un mot et partant rapidement à la fin du concert... un concert de post-black quoi. Certains ont plus aimé que moi, ce que je comprend parfaitement, mais ça m'a paru relativement fade et sans point notable.
PENSEES NOCTURNES
En voilà un, de concert bien atypique sur lequel il y aurait des choses à dire! Parmi les concerts ayant fait l'unanimité auprès du public, aux côtés de Regarde les Hommes Tomber on compte les parisiens de Pensées Nocturnes et leur black metal avant-gardiste complètement barré (pléonasme) accompagné de divers instruments acoustiques qui, ensemble, forment un cirque macabre. En live, ce groupe avait donc tout le potentiel pour être très impressionnant. Il n'était pas étonnant, donc de compter ce groupe parmi les derniers à jouer du festival.
Hein? Moi? Boh vous savez, les concerts, bouger, le soir... tout ça donne faim hein... et puis je suis loin d'être le seul à vouloir manger... Hein, si j'ai raté le concert? Ah non, quand même pas, il fallait que j'assiste à une prestation pareille!
J'ai donc assisté à un peu plus de la moitié du set du groupe. Et, pour ce que j'en ai vu, j'ai dû rater bien plus d'un set en termes d'émotions ou de moments forts! Car ce concert avait un mot d'ordre: la folie macabre (bon ça fait deux). Honnêtement - et cela fait bientôt trois semaines que le festival s'est déroulé -, ma mémoire commence à me jouer des tours et je ne peux clairement pas retenir tout ce qu'il s'y est passé tant il y avait à voir.
Déjà, et je pense que c'est ce qui frappe le plus pour un concert, le groupe bénéficiait d'un excellent éclairage rougeâtre qui dégageait une ambiance parfaitement raccord avec les artistes de la scène, qui s'étaient teint le visage avec de la fausse suie pour certains (comme les mecs de Fleshgod Apocalypse) et avec des peintures blanches aux motifs de clown pour les autres, le tout habillé de maillot de corps à bretelles du plus bon goût (voir même rien du tout, pour le chanteur). Le groupe avait mit la moitié de l'intérêt de son show dans le show global, que ce soit donc la lumière ou l'habillage, mais aussi dans les interactions avec le public tantôt amusante (le chanteur, entre deux morceaux, qui nous fait "Alors ici à Nantes, on aime bien assister aux concerts assis?" en référence aux gradins pleins à craquer), tantôt inattendue (comme ce même frontman qui, en plein morceau, saute dans la fosse pour partir dans les coulisses à vitesse grand V).
Autre particularité du concert, bien que cela soit essentiellement lié à la musique en elle-même, les instruments acoustiques et folkloriques étaient particulièrement mis à l'oeuvre. Il est difficile parfois, de faire sonner un ensemble acoustique quand les moyens ne le permettent pas vraiment, et le groupe fait alors appel à un ensemble synthétique géré par ordinateur. Pourtant, pendant Pensées Nocturnes, chaque musicien mettait à l'honneur son instrument, que ce soit le trombone, l'accordéon ou même l'harmonica, pour des effets du plus bon goût, d'un macabre exquis.
Le concert de Pensées Nocturnes s'est donc nettement démarqué des autres par sa folie dérangeante, son black metal avant-gardiste, qui plongeait toute la foule dans sa spirale infernale démente. Et, qu'on y soit entré ou pas, personne n'est ressorti de ce cirque-cabaret morbide indifférent.
THE GREAT OLD ONES
Et nous y voilà enfin, au dernier concert de ce festival! Il n'aura duré que deux jours mais il aura été éprouvant en sensations fortes et en émotions. Chaque groupe, même le moins intéressant ou le moins efficace, a eu quelque chose à proposer qui le démarquait des autres, musicalement ou scéniquement parlant - parfois les deux, comme nous venons de le voir. Et après un concert décrivant au mieux la folie et la démence, quoi de mieux que de finir plus calmement, sur un black metal à l'atmosphère plus prenante et plus posée?
Je pense que The Great Old Ones n'ont plus besoin d'être présentés à quiconque ici, leur post-black tournant autour de Lovecraft est bien connu désormais. Et pourtant, il semblerait que chacun de leur concert nous permet de redécouvrir le groupe tant ils sont uniques. En apparence, rien ne change: fidèle à son genre, le groupe de Benjamin Guerry s'habillent de capuches, et fidèle à son univers, ils nous offrent un excellent jeu de lumière bleu/verte, rappelant parfois l'océan, avec quelques accessoires distinguables comme une version simplifiée de Cthulhu gravée dans le fer au pied du micro. Mais on a beau connaitre la discographie du groupe par coeur, en sachant pertinament quels morceaux seront jouer, on sera toujours agréablement surpris par l'atmosphère qui s'en dégagera. En ce qui concerne la setlist, comme Benjamin me l'a dit dans son interview, ils n'ont joué que des morceaux de leurs deux premiers albums, "Al-Azif" et "Tekeli-ki" car, bien que le groupe soit désormais signé chez Season of Mist, il participe aux dix ans de LADLO. Et quoi de mieux pour remercier toutes les années passées à collaborer avec le label que de jouer uniquement des morceaux sortis chez eux?
"Je ne suis pas fou... Je les ai vues, ces montagnes hallucinées."
Ce concert était bien plus monolithique que le précédent. Tout au long des riffs froids et captivants, presque hypnotique, la voix de Benjamin ressortait toujours plus sombre et gutturale, dont l'effet était renforcé par l'ajout de reverb, laissant alors aisément imaginer les terreurs des profondeurs abyssales qui peuvent avoir libre court dans nos imaginations. Il n'y a qu'en live que le groupe sait le mieux retranscrire l'Univers fantastique de Lovecraft, où le son nous permet de nous immerger pleinement dans le monde du maître. Contrairement à la veille, la foule n'avait pas désertée: elle était, je dirais, à peu près aussi nombreuse que celle de Pensées Nocturnes, à la différence près qu'elle n'était pas électrisée par la folie permanente des parisiens mais plus calmée, refroidie, nous préparant à affronter la nuit de retour qui nous attendait tous juste après - bon, clairement là je romantise clairement mais vous voyez à peu près le truc, quoi.
Et voilà. Après un morceau joué en Encore, "Jonas", le groupe prit le temps de nous remercier avant de s'éclipser discrètement. Ainsi se conclut ce LADLO fest: deux jours d'intenses concerts, de riches découvertes et de groupes fous, scéniques ou sobres. On aurait presque envie d'accélérer le temps de dix ans pour un nouveau festival avec de nouveaux groupes et de nouvelles sensations!
Mentions spéciales
Merci à toute l'équipe des Acteurs de l'Ombre pour avoir su transformer une MJC en un festival de musique métal noir, faisant ainsi de ces dix ans une expérience unique dans un lieu complètement atypique - je peux vous dire qu'au début ça fait bizarre, de voir des posters pour le Samaïn fest coller des dessins de Titeuf. Merci aussi aux bénévoles, toujours très disponibles et particulièrement aimable, empêchant ainsi une queue trop longue dans le moindre service de distribution.
Merci aux groupes en eux-même pour les concerts, en particulier ceux que j'ai interviewé à savoir Aorlhac et The Great Old Ones - même si Benjamin avait oublié, on lui en veut pas - pour leur disponibilité et leurs réponses complètes. Si vous avez l'occasion d'assister à un concert de n'importe lequel des groupes qui ont joués à ce festival, n'hésitez pas, même si vous ne les connaissez pas. Qui sait, vous pourrez faire de belles découvertes...
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