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Mournful Congregation + Ophis

Live report

Mournful Congregation + Ophis Le 03 Décembre 2018 à Paris, France (Backstage)
C’était un lundi de décembre. Une journée pénible de boulot, qui avait débuté sous un ciel délavé à la mine de plomb, une pluie intermittente, agaçante et pénétrante qui jouait des coudes avec le soleil n’ayant fait que de timides et brèves apparitions, un vent à foutre en l’air les plus sophistiquées des permanentes des musiciens de Glam Rock des 1980’s. Ne manquait plus qu’un concert de Funeral Doom pour enfoncer le clou et pourquoi pas, sortir la corde… Oh que oui! J’aime les stigmates que me laisse ce genre de soirées. Loin d’être douloureux, même s’ils ne manquent pas de piquant, ils s’apprécient davantage car la blessure est infligée avec douceur mais fermeté, au rythme lent des riffs plombés des guitares saturées.

Moins de cinquante personnes, à vue de nez, étaient présentes dans la salle lorsque le set d’OPHIS a démarré. Après une brève intro consistant en un chant de lamentations d’une pleureuse, les Allemands ont entamé leur set avec Carne Noir, issu de leur dernier album The Dismal Circle sorti en 2017 : une petite merveille de composition, à l’amorce lourde et oppressante à souhait, suivis de jolis riffs mélancoliques, entrecoupés de passages pachydermiques que ne renierait pas CANDLEMASS. Je dois avouer que l’invitation de Philipp Kruppa (chanteur/guitariste) à tomber avec lui, à mourir avec lui, fut assez séduisante. Cela étant dit, il lui a bien fallu le temps de ce morceau pour chauffer sa voix, pas tout à fait en place, un peu trop soufflée dans le micro durant ces premières minutes. La communication n’en demeure pas moins facile pour lui, il s’amuse de l’actualité brûlante à Paris, fait référence à nos « Gilets Jaunes » : la transition est toute trouvée pour enchaîner avec The Mirthless, dont la thématique est le ravage du capitalisme et dont la musique me rappelle par moment MOURNING BELOVETH, leurs homologues irlandais (et accessoirement mes chouchous dans le genre). Le point d’orgue de leur prestation fut sans conteste Earth Expired, tiré de l’album Withered Shades, celui qui a ma préférence, avec cette entame rageuse, délicieusement agressive et dont la rythmique se retrouve en clôture de morceau, cette pause en plein milieu tout en délicatesse (eh non, le morceau n’est pas fini, précise Kruppa !). Les Allemands piocheront dans l’EP de 2004, Nostrae Mortis Signaculum, Convert To Nihilism, un titre plus concis, pas indispensable et dont l’intérêt réside principalement dans ses accélérations délectables et bienvenues. Le set s’est achevé comme il avait commencé, avec un titre de The Dismal Circle, Dysmelian, d’une facture plus classique avec un final de guitare mélodique à rendre neurasthénique le plus optimiste des hommes. Mon coup de cœur va à Steffen Brandes (qui officie également au sein de CRYPTIC BROOD) étonnant batteur aux pieds nus, dont les membres sont à peine plus épais que ses baguettes, et dont il est très agréable de suivre la gestuelle incroyablement ample et souple. En résumé, un mémorable set de Death/Doom, délivré par un groupe fort sympathique et par ailleurs très accessible, à la notoriété assez confidentielle malgré une discographie fournie et de qualité, qui aurait mérité une plus large audience.

Setlist :
- Carne Noir
- The Mirthless
- Earth Expired
- Convert to Nihilism
- Dysmelian

Séance de rattrapage en ce qui me concerne, puisque j’avais fait le choix, lors du dernier NETHERLANDS DEATHFEST, d’aller m’encanailler devant URN à la Patronaat pendant le set de MOURNFUL CONGREGATION. Les Australiens, emmenés par Damon Good, chanteur/guitariste au C.V. alléchant puisqu’on le retrouve notamment dans les line-up de CAULDRON BLACK RAM et STARGAZER (STARGAZER, quoi !), brillent par leur absence sur scène pendant l’intro de leur dernier album The Incubus of Karma, The Indwelling Ascent sur bande son. Ces derniers ont l’heureuse idée de se produire sur scène avec un troisième guitariste, histoire d’intensifier leur propos et jouent d’entrée de jeu le magistral Whispering Spiritscapes, chef d’œuvre d’ensorcellement. Sans ôter quoi que ce soit à la qualité de la prestation de leurs prédécesseurs (estampillés Death/Doom), on sent tout de même que MOURNFUL CONGREGATION joue dans la catégorie supérieure du Funeral Doom. Il n’y a pas grand-chose à voir sur scène, si ce n’est cinq musiciens, d’un calme olympien, enfermés chacun dans une bulle avec leur instrument, sans un regard les uns pour les autres. Pas grand-chose parce que scéniquement, il ne se passe rien. Pourtant, je n’arrive pas à détacher mon regard. Il ne se passe rien, mais cela n’a aucune importance, parce que l’essentiel est là, parce que c’est juste beau, prenant, captivant de voir, d’entendre, de sentir la musique prendre vie sous nos yeux. Damon Good, le visage bien souvent dissimulé derrière l’épais rideau de sa chevelure parfaitement lissée, reste impassible et fera la démonstration de capacités vocales hors du commun : une voix rocailleuse, profonde et chaude mais glaçante, juste et maîtrisée, des psalmodies murmurées qui ne souffrent pas d’approximation ni ne sombrent dans le ridicule. La lourdeur des riffs de ces guitaristes virtuoses n’a d’égale que l’efficacité et la justesse des soli (dés)enchanteurs à l’instar d’un Weeping ou d’un Suicide Choir que le public écoute religieusement, dans une ambiance feutrée et solennelle de veillée funéraire. Les titres sont longs, très longs, jusqu’à près de vingt minutes, mais ne provoquent aucun sentiment de lassitude pour qui sait s’abandonner dans leur univers opaque de désespoir. Le public présent, désormais un peu plus nombreux, semble réceptif et réclame le coup de grâce. Les Australiens nous gratifieront d’un ultime morceau en guise d’adieu. Après une telle prestation, aucun doute ne subsiste sur le fait que MOURNFUL CONGREGATION est l’une des figures incontestables du Funeral Doom, proposant une musique intelligemment construite, puissante, racée, savant équilibre de gravité et de mélodie, que l’album The Incubus of Karma (je ne m’en remets pas de ce Whispering Spiritscapes!) est l’aboutissement d’une déjà longue carrière arrivée à pleine maturité.

Comme bien souvent au Backstage, le son était très bon, voire excellent. J’aime de plus en plus cette salle, pour cette raison justement, et garde déjà des souvenirs émus de la parfaite restitution du son de groupes tels qu’ULCERATE ou DEMILICH entre ces murs. Un petit effort pourrait être fait au niveau du show-light, assez minimaliste (lumière souvent fixe tantôt bleue tantôt rouge), mais rien de rédhibitoire en ce qui me concerne.
Quand je pense qu’une partie du potentiel public pour ce genre de plateaux a préféré débourser le double, voire le triple, pour assister le même soir à l’affiche dite « apocalyptique » (j’aurais plutôt dit incongrue, à tout le moins hétéroclite, mais bon…) de l’Olympia, avec KREATOR, DIMMU BORGIR, HATEBREED et BLOODBATH, je me dis c’est dommage… A quand un plateau URFAUST, ULTRA VOMIT et UNFATHOMABLE RUINATION, après tout, il y a une certaine logique, ça commence par la même lettre, non ? C’est dommage, disais-je ? Pas pour moi, j’aime les ambiances intimistes, mais à l’évidence pour les formations de grande qualité, plutôt rares en France, qui se sont produites devant un parterre clairsemé. En effet, le dernier passage d’OPHIS à Paris remonte à 2010 tandis que MOURNFUL CONGREGATION n’avait joué qu’une seule fois dans notre capitale en 2013.

Setlist :
- Whispering Spiritscapes
- A Slow March to the Burial
- Weeping
- Mother-Water, the Great Sea wept
- Suicide Choir
- The Epitome of Gods and Men Alike

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