Denial - Antichrist President
Chronique
Denial Antichrist President
Dans ma chronique de Catacombs Of The Grotesque de Denial, j'avais fait allusion à un autre Denial. Un groupe US bien plus ancien que les Mexicains. Il était temps de s'attarder sur les Américains et leur album sorti sur Colossal Records (Blood Feast, Ironchrist...), Antichrist President. D'autant que dans le genre pépite oubliée, l'album se pose là.
Retour en 1991 donc, à une époque où le thrash ne fait plus recette, remplacé par le death metal. C'est pourtant cette année que Denial sortira son seul et unique full-length. Paumés en Caroline du Nord, quatre jeunes gens avaient décidé en 1987 de fonder leur propre groupe de thrash. Il leur faudra malheureusement trois ans avant de sortir un EP, No Comment, avant de franchir l'année suivante l'étape cruciale de l'album qui reprendra la quasi totalité des morceaux du mini. Antichrist President est affublé d'une pochette cartoon satyrique illustrant les thèmes politiques abordés dans les paroles. On pense tout de suite à Evildead, ce qui rend déjà Denial extrêmement sympathique. Un sentiment qui sera ensuite renforcé par la musique en elle-même.
Car sans être génial ni révolutionnaire, la formation a même déjà quelques trains de retard, Denial fait preuve sur Antichrist President de talent et de personnalité. Ne vous attendez pas toutefois à du pilonnage intensif. L'opus, s'il ne fait pas non plus dans le gentillet mainstream, se fait davantage mid-tempo avec une large place laissée au groove et à la maîtrise mélodico-technique (sans tourner au techno-thrash soporifique), rapprochant le combo de la scène Bay Area. On sent que c'est le début des années 1990 même si Denial a encore un pied dans les eighties et ne manquera pas d'accélérer avec du tchouka-tchouka sur quelques passages jouissifs, notamment dès l'attaque de l'énorme "Reality Of The Masses" en ouverture ou sur un "Antichrist President" d'anthologie ultra efficace sublimé par un riff presque death metal sur le refrain génial. On retrouvera ces teintes death metal sur "Reality Of The Masses" (0'31), "Antichrist President" encore (à 1'34, il y a un petit arrière-goût de Morbid Angel!), "Sentenced" (2'17) ou "Serpent's Bite" (0'21). Quand je vous le dis que Denial ne fait pas dans le thrash tout mimi! Ces séquences sont d'ailleurs mes préférées et j'aurais aimé en entendre plus.
Mais le quatuor a d'autres atouts à faire valoir qu'envoyer du bois à longueur de compos. En premier lieu une qualité de riffs exemplaire de la paire Jeff Triece/Keith Earnhardt, appuyée efficacement par la section rythmique composée du batteur Kelly Rodgers (à l'aise dans tous les registres) et du bassiste John Lawther. Celui-ci se montre d'ailleurs à son avantage et ses lignes de basse, bien mises en avant par un mix judicieux, font parties des meilleures qu'il m'ait été donné d'entendre sur un album de thrash metal où la six-corde est souvent reléguée loin derrière. Écoutez "King Of Darkness", vous m'en direz des nouvelles! Du feeling et du groove, la formation n'en manque donc pas. On saluera aussi son talent pour les introductions qui donnent envie d'aller plus loin comme sur "Insane Asylum" (bonne science du mid-tempo), "Third World Nation" (arpèges sombres, lead mélodique envoûtante), "King Of Darkness" (ça touche!), "Sentenced" (encore la basse!) et "Serpent's Bite" (ça tape fort!). Un sens inné de la composition qui permet aux huit morceaux de se différencier les uns des autres. Pas de répétition ou de monotonie comme on peut en croiser souvent dans le genre.
Et avec ça, Denial rajoute une grosse plâtrée de solos, tantôt chaotiques avec vibrato et compagnie tantôt davantage travaillés et mélodiques. Un vrai régal sur "Insane Asylum" (3'00), "Third World Nation" (festival!), "King Of Darkness" (de la lead sombre au solo endiablé à partir de 2'08), "Sentenced" (1'24 sur des roulements sauvages) et "Mass Graves" (3'11). Et comme tous les membres de Denial sont au top, on n'évitera pas d'évoquer le rôle de Jeff Triece au micro. Ses vocaux thrash atypiques sont souvent à l'arrache mais ils se font parfois un peu plus "chantés" quand le morceau s'y prête (cf. tout "Insane Asylum" ou "Third World Nation" à 4'52). On a également le droit à quelques chœurs sur certains refrains ("Reality Of The Masses", "Serpent's Bite", "Antichrist President"). Bref, une performance au poil qui donne de la couleur et de la personnalité à l'opus.
Comment expliquer, avec toutes ces qualités, que Denial ait été aujourd'hui complètement zappé et que Antichrist President soit quasi introuvable? Mauvais timing (le thrash est déjà mort en 1991), localisation isolée (Caroline du Nord, c'est où ça?) et activité réduite (le groupe n'a plus rien sorti après le full-length) me semblent être les raisons les plus évidentes. En attendant une hypothétique réédition (quoique pas si hypothétique que ça puisque Heaven and Hell Records a prévu de ressortir l'EP No Comment cette année), le téléchargement paraît inévitable si l'on veut découvrir cet excellent album de thrash coincé entre les 80s et les 90s et doté de la maîtrise mélodique de la Bay Area et du côté plus groovy et à l'arrache de la scène urbaine new-yorkaise. Un album attachant, court et efficace qui a tout pour plaire, des solos aux riffs en passant par la technique et le chant. Et si je sais que Denial ne vaudra jamais un Metallica, un Megadeth ou un Slayer, il fait partie de ces groupes américains, à l'instar d'Atrophy, Blood Feast ou Evildead, que j'écoute toujours de temps en temps avec beaucoup de plaisir. Non, vraiment, Denial aurait mérité une tout autre carrière.
| Keyser 7 Avril 2013 - 1438 lectures |
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1 COMMENTAIRE(S)
citer | Citation : Et si je sais que Denial ne vaudra jamais un Metallica, un Megadeth ou un Slayer, il fait partie de ces groupes américains, à l'instar d'Atrophy, Blood Feast ou Evildead, que j'écoute toujours de temps en temps avec beaucoup de plaisir.
Voilà c'est exactement ça. Pas au niveau des grands classiques mais ça reste un très bon album bourré de bons riffs. J'espère aussi qu'il sera réédité ! |
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1 COMMENTAIRE(S)
07/04/2013 13:02
Voilà c'est exactement ça. Pas au niveau des grands classiques mais ça reste un très bon album bourré de bons riffs. J'espère aussi qu'il sera réédité !