Après avoir lourdé Joe Comeau pour raisons personnelles suite à la tournée promotionnelle de
« Waking The Fury », Jeff Waters fait le vide autour de lui et doit (une fois de plus !) rebâtir un line-up digne de ce nom pour un ANNIHILATOR qui n'en finit plus de passer pour le Stéphane Dalmat du thrash. Soit un début de carrière en fanfare avec deux premiers skeuds de très haute volée attirant la convoitise des gros recruteurs type Dave Mustaine –
qui a tenté de débaucher le Jeff à plusieurs reprise pour son MEGADETH de toujours – avant la panade la plus complète sur une série d'albums indignes de passer dans les vestiaires d'Osasuna à la mi-temps d'une branlée contre le Deportivo la Corogne. Sans vouloir surjouer dans le registre de l'éternel espoir resté dans les starting blocks du début des années 90, on constatera avec tristesse que sorti de
« Alice In Hell » (1989) et
« Never, Neverland » (1990), le combo canadien n'a rien sorti de définitif depuis lors, pas même un petit classique à même de gravir difficilement la troisième marche du podium. Pas un ? Vraiment ? Allez on se mouille comme un président parisien sabré au champagne après avoir sorti triomphalement cinq clubs de DH en coupe de France : « All For You » est peut être la meilleure livraison du grand Jeff après les deux chefs d'œuvre sur lesquels tout le monde s'accorde.
Tout ça grâce à l'arrivée d'un tueur de la six cordes venu pousser Waters dans ces derniers retranchements ? Pensez donc. Sorti du caméo de l'ex-NEVERMORE Curran Murphy venu coucher quelques leads au démarrage de « Both Of Me », c'est à un véritable cavalier seul que se livre l'homme à tout faire d'ANNIHILATOR, également bassiste tant qu'à y être, et chanteur pour le pire d'une « Holding On » qui ne méritait même pas de finir en ghost track sur une réédition de
« Refresh The Demon » ou
« Remains ». Mais c'est du Waters tout craché ça, tellement de cordes à son arc et si peu à perdre qu'il peut se tout se permettre, comme d'enchaîner un titre guimauve après avoir tout donné sur une tuerie speed thrash d'anthologie (« Rage Absolute »). Toute la réussite de ce disque tient donc dans l'absence de demi mesure dans les choix opérés et dans la grande variété conférée aux compositions puisqu'aucun doublon n'est à signaler dans les dix titres qui charpentent « All For You » (à l'exception des slows chamallows, ok). Toute la réussite ou presque car après quinze années passées à courir après un véritable frontman, le tout jeune et excellent Dave Padden s'impose d'emblée comme LA voix d'ANNIHILATOR, n'en déplaisent à ceux qui déplorent l'aspect petit minet de certaines de ses lignes de chant. Aussi à l'aise dans la mélodie pure (le refrain du title track est là pour en témoigner) que dans l'agressivité débridée du passage à tabac rythmique de « Demon Dance », Padden apparaît comme l'homme providentiel pour un groupe/one man band jusqu'alors réputé pour l'instabilité chronique de son line-up. Et comme Waters a eu la bonne idée de rappeler Mike Mangini (ex-EXTREME et déjà présent sur le lointain
« Set The World On Fire ») derrière le kit de batterie, tout semble réuni pour que ANNIHILATOR donne enfin la pleine mesure de son formidable potentiel.
Et à l'exception de deux ballades dispensables (encore que « The One » reste plutôt digeste dans ce registre) et d'un instrumental final sympathique (« The Sound Of Horror ») mais où l'on sent Waters un peu plus sur la réserve, c'est le cas. Moins prévisible qu'à l'accoutumée, ANNIHILATOR surprend jusque dans le tracklisting en ouvrant l'album sur un mid tempo catchy façon WHITE ZOMBIE qui permet à Dave Padden de faire l'étalage de toutes ses capacités vocales, le bougre semblant s'accommoder parfaitement de la schizophrénie galopante d'un Waters désireux de toucher à tous les registres à l'exc eption de celui, plus rock, d'une « Nothing To Me » ou d'une « Shallow Grave » (ouf ! on échappe à la sempiternelle relecture d'AC/DC). Pont mélodiques impromptus débouchant sur un solo aussi sobre que bouleversant –
à 2 :30 sur « All For You - , furia lead à l'ancienne au démarrage d'une « Both Of Me » soufflant le chaud et le froid huit minutes durant avant la mise à mort « Rage Absolute », plus bel hommage brutal qu'on puisse faire au « Kill ‘em All » des Mets et où Padden frôle la rupture d'anévrisme, tout concourre à faire de ce dixième full length une galette de choix ; tout est plus mélodique, plus brutal, plus power et l'émotion s'en trouve décuplée à l'écoute de la brise nuque « Nightmare Factory », modèle de rouleau compresseur rythmique rappelant si besoin est que les canadiens peuvent sonner modernes s'ils en éprouvent le désir. Et que dire de l'insolente brutalité d'une « Demon Dance » qui groove à n'en plus finir, propulsée de main de maître par la dynamo Mangini, laquelle n'a aucun mal à faire oublier son triste prédécesseur ! Dans un registre plus traditionnel mais non moins efficace, « Bled » et surtout « Dr. Psycho » forment un entre deux heavy thrash idéal pour faire le lien entre tous ces accès d'humeurs plus ou moins contrôlés qui font le charme d'un « All For You » de caractère, emballé dans un superbe digipack avec un long making of signé Jeff Waters, ambitieux avec trois titres de sept/huit minutes fort réussis et doté d'une production redoutable alliant puissance et clarté. Ajoutez à cela les qualités inhérentes d'un ANNIHILATOR arrosant généreusement l'auditoire de riffs et de solis de première main et vous tenez là un album qui sort enfin de l'ordinaire, où l'on ne se surprend plus forcément à penser que le meilleur du groupe appartient au siècle dernier. Des promesses plus (le très bon
« Schizo Deluxe ») ou moins (un
« Metal » bien faisandé) tenues depuis, en attendant le nouvel album éponyme à paraître courant mai, toujours avec le miraculé Dave Padden !
3 COMMENTAIRE(S)
04/05/2010 14:50
Ah ah ah, j'y aurais pas pensé mais y a un peu de ça !
03/05/2010 15:31
Un bon album avec cependant des creux : les ballades de ***** et both of me qui a le cul entre deux chaises.
Ouais plus que deux et c'est la quille!
03/05/2010 14:22
Un bon album avec cependant des creux : les ballades de ***** et both of me qui a le cul entre deux chaises.