THE SOLAR ABYSS TOUR
Live report
THE SOLAR ABYSS TOUR Fauna + L'Acéphale + Shantidas
Le 17 Avril 2019 à Paris, France (Espace B)
Il faut savoir prendre des décisions ou au contraire se laisser porter par les aléas du Destin, pour de temps en temps se voir offrir un pur moment de plaisir. Cette mémorable soirée du 17 avril 2019 est finalement le résultat combiné de ces deux principes que pourtant tout oppose.
Déterminée depuis quelques semaines à découvrir DER BLUTHARSCH et revoir MONGOLITO au Black Star, je fis volte-face à quelques jours de l'évènement en choisissant finalement de me rendre pour la première fois à l’Espace B pour aller à la rencontre de formations dont je ne connaissais pratiquement rien. Bien m’en a pris ! Initialement prévu la veille et au Klub, le plateau proposé par KOWA BOOKING (orga fort sympathique au passage !) a subi un autre changement en cours de route, puisque SHANTIDAS a remplacé RANCE en ouverture de deux groupes américains, L’ACÉPHALE et FAUNA, fiers représentants du Cascadian Black Metal, dont la tournée THE SOLAR ABYSS TOUR les menait pour la première fois en France (date exclusive à Paris), quelques jours après leur passage au Roadburn Festival. Quelques mots sur l’Espace B pour planter le décor : une modeste salle de concert, basse de plafond mais plutôt agréable, se situant au fond d’un humble bar-resto dans une petite rue calme d’un quartier populaire du 19ème arrondissement (big up au barman arborant un t-shirt d’AUTHOR & PUNISHER, qui s’y était produit le samedi précédent !). L’endroit, dans l’esprit, n’est pas sans rappeler l’Olympic Café où j’avais eu la chance de voir THE BODY et FANGE l’année dernière.
SHANTIDAS n’est autre que le projet solo de Shantidas Riedacker, guitariste d’ALUK TODOLO. Avec pas loin de vingt minutes de retard, ce premier set commence dans une obscurité quasi complète devant une vingtaine de personnes seulement : un homme, baskets lumineuses aux pieds (si, si !), au centre de la scène, avec devant lui une console et une double platine dont chacun des bras supporte un petit spotlight tournoyant inlassablement, éclairant par intermittence son beau visage. L’unique plage musicale de sympho-noise débute lentement, doucement. D’apaisante, propre à ralentir le rythme cardiaque, elle devient très progressivement mais inexorablement perturbante, parfois menaçante, au rythme de la chute aléatoire des bris de verre qu’il déverse sur les platines, du couteau qu’il plante dedans, provoquant grésillements, larsens et autres stridulations. La montée en puissance se savoure tout au long de ces trente-cinq minutes au cours desquelles le son ne cesse de se densifier. Shantidas, imperturbable et concentré, s’affaire sans cesse derrière la console, les spotlights tournent de plus en plus vite, l’éclairage est de plus en plus fort avec notamment des rayons lasers verts projetés vers le plafond de la salle, je suis scotchée ! Sans atteindre le niveau d’introspection dans lequel le concert d’ALUK TODOLO au Petit Bain en 2017 m’avait plongée (difficile de comparer l’incomparable, mais encore plus compliqué d’éviter le parallèle), l’audacieuse performance de SHANTIDAS, tout en crescendo, fut déconcertante, intrigante mais fascinante.
J’avais potassé mes fiches avant de venir, Metal Archives me disait que L’ACÉPHALE était composé de six membres. Toujours est-il qu’ils ne sont que trois à monter sur les planches. La mise en scène est minimaliste : deux étendards de part et d’autre – en réalité deux bandes de tissu noir au motif peint en blanc à main levée – deux spots aux pieds des micros projetant une lumière fixe en contre-plongée sur les bassiste et guitariste. L’entame est un brin déroutante avec un titre plutôt brutal, dans une veine Black/Death aux accents revengiens, The Books of Lies, issu de leur EP du même nom datant de 2015. Malheureusement, le son ne sera pas des plus glorieux avec une écrasante batterie, laissant peu de place aux autres instruments. Faut dire que le gamin derrière les fûts, à la gestuelle nerveuse et aux yeux exorbités, matraque sévère ! Le tir sera heureusement vite rectifié et permettra de savourer jusqu’à la dernière note la succession des trois merveilleux extraits de leur dernier opus, sorti le 19 avril. Les titres sont plutôt longs, propices à une délicieuse plongée dans leur univers mêlant fureur et poésie, avec un sens aiguisé du riff mélodique répétitif et lancinant comme dans le génial Runenberg, qu’il est difficile de se sortir de la tête. On ne peut que saluer la performance de L’ACÉPHALE dont la moitié du line-up manquait à l’appel, qui a su malgré tout produire un set dense, tempétueux, passé bien trop vite à mon goût. Petit moment sympa à la fin de la soirée lorsque, après avoir félicité le bassiste pour leur prestation, il me demande un petit cours de diction, et s’entraîne à prononcer sans accent et correctement le nom de son propre groupe, inspiré de l’œuvre de l’écrivain français Georges Bataille.
Setlist :
. The Book of Lies
. Sovereignty
. Runenberg
. Last Will
Les Américains de FAUNA étaient venus interpréter en intégralité leur troisième album sorti en 2012, Avifauna. Sauf qu’un concert de FAUNA n’est pas un simple concert, c’est une cérémonie, un rituel auquel le public est successivement spectateur et acteur, bien que passif. Dans une totale obscurité, les musiciens arrivent en traversant le public au son de breloques qu’ils agitent et en brandissant une minuscule cage, l’un d’eux simule même un battement d’ailes, les bras recouverts de plumes. Les corps enduits d’une fine couche d’argile, vêtus de rustiques tuniques ou pagnes en peau tannée, pieds nus, ils montent lentement sur scène où est installé un autel sur lequel reposent bougies, encens, coquillage, bois de cervidé. Respectant le tracklisting d’Avifauna, le set démarre avec Soaring Into Earth et sa longue et douce introduction (ah, ce chant clair impressionnant de profondeur et de justesse !) précédant l’explosion d’un Black Metal puissant, sauvage, poétique et frénétique. La mise en scène se cale sur l’alternance du rythme musical puisque les interludes ambient sont l’occasion pour les musiciens de s’adonner à de mystérieux rituels. Premier interlude : d’un geste lent, les musiciens délaissent leurs instruments, en saisissent d’autres, descendent dans le public. La tête d’un spectateur est recouverte d’une étoffe noire, trois musiciens tournent autour de lui en frappant des tambourins ou en soufflant dans une corne, tandis que le dernier s’époumone dans une sorte de busine. Ils remontent sur scène et enchaînent avec Syrinx, dont on perçoit la génétique commune avec WOLVES IN THE THRONE ROOM. Durant le second interlude, le bassiste se saisit d’une coupelle de pigments vermillon, déambule lentement dans la fosse, trempe ses doigts dans la peinture et trace des lignes verticales sur le visage des spectateurs à qui il demande au préalable l’accord d’un petit signe de tête (je repartirai moi aussi avec mes peintures de guerre), tandis que le guitariste-chanteur distribue de minuscules cierges à d’autres personnes, qui les tiendront religieusement jusqu’à la fin du set. La cérémonie s’est achevée autour d’une plume consumée par les flammes (on retrouve encore une fois la thématique de l’oiseau), les bougies sont éteintes une à une, puis les musiciens se couchent sur le sol. Il n’y a plus un bruit dans la salle, personne n'ose parler ni applaudir pendant quelques minutes même après le départ du batteur et du bassiste. Les deux guitaristes se relèvent enfin, épuisés mais visiblement satisfaits, puis s’étreignent longuement. Extraordinaire et captivant ! Il serait néanmoins injuste et réducteur de ne retenir que l’aspect cérémonial et quelque peu théâtral de la performance : la prestation de FAUNA fut magistrale, servie par des musiciens totalement habités, aux qualités instrumentales et vocales indiscutables. De surcroît, les Américains ont bénéficié d’un son clair et puissant, pas loin de la perfection (super boulot à la régie, merci !).
Bien plus qu’un courant musical séduisant, le Cascadian Black Metal est un état d’esprit, une philosophie qui remet l’Homme à sa modeste place au centre d’un univers dominé par la puissance des forces de la Nature, qu’il parvient brillamment à traduire en musique. Un immense merci aux artistes, un immense merci également à KOWA BOOKING d'avoir offert à une cinquantaine de privilégiés la possibilité de vivre quelques heures riches en émotions musicales. Elles sont d’autant plus précieuses qu’elles se font rares. La date fut certes confidentielle et vécue en toute intimité, mais avec quelle intensité et ô combien de plaisir !
| ERZEWYN 21 Avril 2019 - 636 lectures |
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