Mork - Katedralen
Chronique
Mork Katedralen
Je me sens Moïse en ce moment. Pas tellement patriarche, prophète ou guide spirituel, mais définitivement errant au désert. Rien qui ne se dégage franchement à l’horizon musical, malgré les recherches inlassables. Quelques dunes amoncelées vite dépassées, un ou deux mirages attrayants rapidement évanouis, mais rien de réellement exaltant. Je cherche toujours mon Sinaï.
En attendant, Yahvé merci, il reste possible d’échapper au désert pour un moment. De petits édens émaillent toujours les plaines malingres du vide musical. Des sanctuaires sur lesquels le temps ne passe pas, s’abstient, se retient, s’éparpille. Des arpents ataviques, tabernacles d’un art mort-né, dont l’enterrement se célèbre perpétuellement sans jamais parvenir à l’enfouir pour de bon.
Mork représente l’un des plus fervents disciples du black metal norvégien, cadavre ambulant qui refuse le trépas, feignant plutôt ce dernier pour mieux prendre à revers une fois le dos tourné à la fosse. L’entité de Thomas Eriksen n’avait pourtant pas réussi à me convaincre sur ses quatre premiers albums. Quelque chose manquait. L’exercice de style s’avérait à peu près irréprochable, mais l’âme n’y gisait point. Et voici ce qui change, avec Katedralen. L’esprit vit. Et cela, pour peu qu’une partie de vous-même ait été irrémédiablement brûlée au souffre par les Grands Anciens de ce culte suranné, vous ne pouvez l’ignorer à l’écoute du tout premier morceau de l’album. « Dødsmarsjen » s’ouvre sur un orgue cérémoniel, puis fait fondre un riff on ne peut plus typique. Mais non pas typique au sens « déjà entendu », plutôt au sens « universel », réceptacle et véhicule de l’essence. Quelque chose entre Darkthrone et Taake. Une première piste parfaite, qui ne manque jamais de me harponner en plein dedans à chaque écoute.
La suite de l’album se déroule selon la plus pure tradition du genre. Certains pistes crachent des relents punks hantés, d’autres prennent le partis de ramper, de serpenter, ondulantes, sur des riffs presque doom aux vagues senteurs folk très isengardiennes, comme l’excellente « Arv », qui s’autorise même ces fameuses incartades de chant clair incantatoire en formes de chœurs sinistres qui ne manqueront pas de vous rappeler certains albums du début des années 1990. Le sortilège de Mork tient dans sa maîtrise totale de son sujet sur le plan musical, mais aussi et surtout par la grâce de la dévotion à sa chapelle ardente qui suinte, comme une précieuse essence tout au long de l’album. Il ne s’agit jamais de dérouler les codes, mais de pratiquer ce qui est vécu comme un culte. Et à force de prière, Maître Eriksen est même parvenu à invoquer certains des vieux spectres qui participèrent à la création du genre au moment de sa Genèse. Ainsi, Nocturno Culto s’invite sur la seconde piste de l’album, sans doute la plus punk du recueil. Dollk, chanteur de Kampfar, apparaît lui aussi sur la sixième piste. Plus surprenant, Eero Pöyry de Skepticisim se retrouve à deux reprises pour apporter sa science des claviers, en ouverture et fermeture d'album. Jolie réunion.
Mork brille particulièrement pas sa capacité à réunir en trois gros quarts d’heure tous les éléments particuliers qui constituaient le black metal norvégien d’origine. Les parties presque rock, les trémolos grandioses et atmosphériques, la mélancolie et la rage sale, les fiévreux appels au spirituels comme sur « Det Siste Gode I Meg » et les marches guerrières galvanisantes de « Født til å herske ». Chaque piste comporte sa propre personnalité, unique et bien marquée, mais ne se privera jamais de vous rappeler des ambiances proches de disques pré-datant celui-ci de plus de 25 ans. Ainsi, les noms de Gorgoroth, Satyricon, Taake, Ulver ou Urgehal apparaissent parfois fugacement, fantômes des lointains hivers passés. Morke a la foi, vous dis-je, et à ce titre, il peut, comme à la grande époque, se permettre à peu près tout ce qu’il veut, sans pour autant cesser d’être black metal. Ainsi, « Lysbæreren » donne dans une espèce de doom/heavy épique noirci de sulfureux trémolo, s’autorisant même quelque chose d’un rien orientalisant. Je tente même ici le terme « brahmanique », qui s’impose immédiatement à moi. Comme si Fenriz avec Isengard se piquait d’évoquer des transes offertes à Kali. Surprise, qu’il nous faut digérer lors des premières écoutes, mais particulièrement réussie.
Bien évidemment, Katedralen s’achève sur une longue piste de près de dix minutes en forme de paroxysme. « De fortapte sjelers katedral » démarre sur un riff épique, nuancé au fil de l’évolution du morceau, délayé par des passages plus sombres et pesants puis presque dissonants, le tout suivant une dynamique ascensionnelle. La ferveur monte, l’exaltation naît, l’émotion si particulière liée au black metal norvégien s’impose. L’essence vit. Un rien en-deçà de ce que l’on pouvait attendre d’un monument final cependant, mais indéniablement méritant malgré une seconde partie de piste moins éclatante.
A défaut de Sinaï et de buisson ardent, Mork s’impose comme le refuge parfait, le reliquaire rêvé. Pas de révélation doom ou heavy nichée entre les sables, mais toujours ce cher vieux black metal norvégien, qui fait fi de tout pour toujours s’immiscer là où on ne l’attendait plus. Une cathédrale aux murs épurés, aux voûtes si hautes qu’on n’en voit plus le croisement d’ogives, gardienne d’une atmosphère intouchable.
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