Chambre Froide - Rouges Chapelles
Chronique
Chambre Froide Rouges Chapelles (Démo)
La scène Black Metal actuelle s'apparente de plus en plus à une arène, dans laquelle les gladiateurs sont grimés de cuir, de maquillage et de clous, armés jusqu'au dents. A combattre bec et ongles pour défendre leur capital : "Ma cassette est plus trve que la tienne !", "Ce mec est un poseur, chopez-le !". Si le pugilat est divertissant, vu des gradins, il parviendrait presque à détourner notre attention des outsiders, ceux qui restent planqués loin du carnage, regardant leurs aînés se mettre sur la gueule, sourire narquois en coin - discrets participants qui sont parfois bien plus intéressants que le spectacle qui se déroule sous notre nez.
Certains se souviendront de Chambre Froide par leur cassette "La Mort des Cultes", dont la jaquette, entre tasse à café mal lavée et hiéroglyphes cryptiques, s'affichait fièrement sur les Blogspots spécialisés au début des années 2010. Pourvoyeurs d'un Black Metal âpre, simple et sans fioritures, les français n'en sont pas à leurs premières armes, jonglant entre le D-Beat bien croûteux (Gasmask Terrör, Pacte de Mort), le Black plus classique (Ravensdöm) ou le doux domaine des Power Electronics (Droit Divin). Dans la plus pure tradition, le groupe cultive l'obscurité et l'anonymat - gage de qualité, la nouvelle scène française de qualité étant plus à chercher dans les caves que sous les projecteurs. Sans chercher à faire mieux que son voisin, ni à réinventer le style, mais simplement à foncer tête baissée, avec un goût pour le blasphème sale et assumé, entre l'adolescent et le punk à chien.
Six ans après son premier véritable méfait, Chambre Froide ressort les vieilles gamelles pour une nouvelle rasade de Black Metal craspec. Effort appréciable, la production de l'ensemble a été revue à la hausse, force de frappe décuplée pour servir des compositions menées au rythme d'une batterie punition : la caisse claire claque avec outrance (les roulements de "Cicatrices"), le charleston est délicieusement baveux... Elle en viendrait presque à masquer les guitares, assez faméliques dans le mixage. Guère gênant, lorsque l'ambiance est aussi maladive, renforcée par le chant, raclement du larynx au cran d'arrêt rouillé. "Rouges Chapelles" semble revendiquer son authenticité, enregistré sur un Tascam à moitié carbonisé, au milieu de la poussière d'un garage bordelais, de l'odeur rance de la sueur, et mixé à même la table basse, à l'acide de batterie. Des parties blastées sur-efficaces, superposées à un riffing entêtant ("L'Opprobre"), jusqu'aux instants plus posés, interludes Dark Ambient minimalistes séparant les différents titres et passages mid-tempo utilisés pour mieux faire rentrer le message dans vos crânes (le "refrain" du puissant "Les Enfants de Baal"), la demie-heure est éprouvante. Et Ô combien appréciable, la courte durée de cette réalisation permettant de ne pas se lasser trop vite de la curée.
Demo supplémentaire pour les uns, full-length pour les autres, petite surprise dans les deux cas, "Rouges Chapelles" ne paye pas de mine mais s'impose comme une belle pépite de l'underground, au moins aussi intéressante que les autres projets des membres de Chambre Froide (je vous invite à vous pencher sur Pacte de Mort ou Gasmask Terrör). Plus travaillée que les précédentes réalisations du combo, elle ravira aussi bien ceux qui suivaient le projet depuis ses premiers pas que ceux, comme moi, qui étaient venus pour la pochette... Et sont restés pour la raclée.
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