Personne ne niera que replonger dans les classiques est toujours un plaisir, surtout qu'avec les années, un nouvel éclairage se met en place lors des ré-écoutes de ces indémodables. Galvanisé par l'effet Immortal, je renquille pour combler cet autre « trou » dans la base de données de Thrashocore. Après un
« Diabolical Fullmoon Mysticism » intéressant mais encore un peu jeune pour transcender pleinement l'auditeur et un
« Pure Holocaust » directement qualifié de classique instantané, Immortal a.k.a le groupe le plus ludique et le plus gentil (rappelons qu' à l'époque ils sont parmi les seuls à ne pas être impliqués dans une quelconque affaire judiciaire) dégaine son troisième opus : « Battles In The North ». Si la malédiction du mixage approximatif les avait déjà frappés lors de la réalisation de leur premier full-lenght et qu'elle semblait avoir disparue sur le second, ce dernier héritant d'un savoureux et modéré grésillement typiquement norvégien, elle revient de plus belle sur ce troisième opus : le premier mixage était d'ailleurs tellement mauvais qu'Osmose fit ré-éditer une seconde version avec un mixage + mastering final moins brouillon. À cause de ce rendu sonore extrême, « Battles In The North » fut mal accueilli en son temps par la critique spécialisé. Ceci dit, ça ne l'empêche pas d'être à l'heure actuelle un des albums de Black Metal les plus vendus au monde avec, excusez du peu, environ 35 000 exemplaires. En plus d'être très vite cité en tête de liste par les amateurs du genre, la pochette a de quoi attiser une certaine forme de curiosité, surtout pour le néophyte vraisemblablement désabusé par des gens ne reculant pas devant le ridicule assumé. Il faut aussi ajouter que le hit en puissance qu'est « Blashyrkh : Mighty Ravendark » sait séduire au premier coup d'oreille le mélomane passant par là.
« Battles In The North » et son titre annonçant la couleur est incontestablement l'album le plus « no limit » d'Immortal. On atteint sur ce disque une violence et une bestialité impulsive qui restera inhérente à cet album. En effet, jamais plus le duo ne sortira quelque chose avec aussi peu de compromis. Une radicalisation du son et des compositions nettement plus abruptes et beaucoup moins mélodiques, à première vue tout du moins. Si l'on enlève « Blashyrkh », on se retrouve noyé dans un flot de riffs rageurs et de blasts-beats. Le tout, couplé à cette production sale mais tout de même puissante, peut paraître finalement assez indigeste au premier abord. Toutefois, il est intéressant de constater que ce disque propose une nouvelle vision de la musique du combo. Le froid est toujours l'élément central des compositions mais là où il se faisait entendre par des notes enchaînées avec soin et révélait un paysage somme toute grandiose sur
« Pure Holocaust », il prend ici une dimension nouvelle : le zéro absolu, mordant et glacial qui ne révèle qu'un désert gelé. Telle est la musique proposée ici : agressive, féroce et puissante.
Immortal s'énerve et pousse le tempo plus loin, pour le meilleur (ce côté jusqu'au boutiste assez jouissif) mais aussi le pire. Le défaut le plus flagrant de cette production est bien évidemment la batterie. Peu d'éclaircissements sont fiables sur ce point et plusieurs hypothèses courent encore. D'aucun précisent que c'est Abbath qui se charge des parties batteries (une hypothèse plausible étant donné que le livret fait référence à un sponsoring du bonhomme par une marque de batteries), d'autres affirment qu'il s'agit d'une boîte à rythmes (possible également, vu le rendu très synthétique de la batterie) et enfin, d'autres encore disent que c'est un mélange des deux (justifiant cette théorie par le bordel rythmique de l'album) : la boite à rythmes étant là pour « rattraper » les pains d'Abbath. On ne saura peut-être jamais le fin mot de l'histoire mais ce qui est sûr c'est que la rythmique de cet album est une des plus mal assurée au monde. Néanmoins, on doit dire que cela donne presque une aura à ce disque et que cela colle vraiment très bien à l'ultra-violence régnant en maîtresse le long des dix pistes composant l'album. Astucieuse manière de détourner cette vilaine approximation en marque de fabrique quasiment culte.
Si l'on sentait le duo plutôt sérieux à l'écoute d'un
« Pure Holocaust » semblant minutieusement étudié dans sa progression mélodique, on voit presque renaître ici l'aspect punk/sauvage déjà présent sur
« Diabolical Fullmoon Mysticism ». Premièrement parce qu'en plus du rendu sonore peu subtil, le livret est mal imprimé (ça a d'ailleurs été la galère pour citer les titres des morceaux dans cette chronique...) comme un énième clin d’œil à l'aspect pressé et urgent qui caractérise cet album belliqueux. Mais on observe également une déconstruction musicale qui semble faite de collages et de découpages dans les riffs pour donner le rendu le plus chaotique possible. On ajoutera aussi quelques solis très rapides (« Grim & Frostbitten Kingdoms » à titre d'exemple) ainsi que des fins de chanson bien souvent coupées d'une manière brutale. Si son grand frère était une symphonie musicale très émouvant, ce disque se verrait plutôt comme une anti-symphonie contemporaine ayant pour but de déstabiliser. Les riffs de Demonaz se font ici vifs, désorganisés et tranchants mais toujours aussi marqués par cette forme de froideur nordique. Ce n'est qu'après quelques écoutes que l'auditeur arrivera à surpasser le son brut et arraché ainsi que les nombreux ratages pour découvrir dans ce disque des instants proprement émouvants (« Moonrise Fields Of Shadows » et son riff très marquant en terme d'émotions, à la manière d'un « The Sun No Longer Rises », ou encore la très courte interlude claire de « Cursed Realms Of The Winterdemons »).
Car si « Battles In The North » est un album de tension qui pousse l'auditeur à une sorte de nervosité (la faute au riffs rapidement alternés et toujours à grande vitesse), il n'en oublie pas moins son côté observateur. En rajoutant en fond des guitares soulignant les mélodies (vers la troisième minute du titre éponyme, par exemple) il tend à préciser l'image crée et renvoyer à toute vitesse par la musique. Incontestablement, « Battles In The North » est un album guerrier, à rapprocher d'un « Panzer Division Marduk » pour son côté paniqué et fabriqué-en-urgence. Néanmoins, cette troisième offrande des Norvégiens représente plus un idéal des guerres anciennes transmis de façon très visuelle qu'une quelconque scène de bombardement Mardukienne. C'est sûrement cet aspect plus axé sur l'imaginaire et donc, sur une orientation mélodique (au minimum mais mélodique tout de même) qui fera son succès public.
Pierre angulaire d'une discographie, « Battles In The North » restera au yeux de la postérité comme l'album le plus extrême d'Immortal. Celui sur lequel le duo aura exprimé une brutalité unique mais toujours avec le style qui leur est propre. Par la suite, Immortal tentera d'édulcorer la recette de ce disque sur « Blizzard Beasts » en y incorporant un soupçon d'influences Death Metal, des mélodies plus évidentes au premier coup d’œil et une production plus propre, tout en conservant certains éléments clefs (« Mountains of Might » soit l'héritage direct d'un « Blashyrkh ») de leur succès. Meilleur album du duo ? Pas sûr et pour ma part, je ne le vois pas damer le pion à un
« Pure Holocaust » néanmoins « Battles In The North » reste une valeur sûre pour l'amateur et un point de passage obligé pour qui souhaite connaître Immortal et le Black Metal. Être violent tout en étant touchant, voilà ce qu'a réussi Immortal avec cet album.
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