Les expérimentations psychédéliques de
Blut Aus Nord ; la densité magnifique d’
Ulcerate ; l’atmosphère de rêves sortant leurs griffes d’
Akhlys… Non, on ne sera pas étonné de voir ce nouvel album d’Inferno sortir sur le label Debemur Morti. Il y a toute sa place, lui qui signe une nouvelle étape pour le groupe tchèque, ayant déjà partagé une vision particulière du black metal orthodoxe avec
Omniabsence Filled by His Greatness et surtout l’excellent
Gnosis Kardias (Of Transcension and Involution). Un split avec Devathorn plus tard, montrant la bande prête à franchir totalement les frontières de la perception et d’un black metal où elle semblait de plus en plus engoncée, les guitares et ambiances impatientes de déborder vers un ailleurs, la voilà définitivement de l’autre côté. Un autre côté apaisant, cauchemardesque, indéniablement occulte mais qui, pourtant, présente une plongée inédite dans des abîmes inconnues… jusqu’à présent.
Des abîmes... Ou des cimes. Comment expliquer autrement l'intensité inédite atteinte par Inferno sur cette nouvelle offrande ? Une éruption solaire, aveuglante, brève (l'album atteint à peine les 36 minutes), autant de fractales radieuses figurées par cette somptueuse pochette de l'inénarrable Elijah Tamu.
Paradeigma (Phosphenes of Aphotic Eternity) reste pétri par ces mains de maître, qui réinventent sans cesse les mêmes gestes, transforment la musique en organique, et surprennent. Une masse grouillante d'idées, de subtiles touches figurées par ce jeu de batterie hallucinant de technique et de finesse, tout en cymbales qui douchent et en dômes de ride qui percent, strident, le mille-feuille de cordes. Couche après couche, dans une homogénéité redoutable, le quatuor enterre encore un peu plus profond les canons du style : un Black Metal qui n'a plus d'orthodoxe que le nom, et les quelques sigils sibyllins parsemant son livret, pour faire bonne mesure. Guitare, basse, batterie et chant ne sont plus que des instruments, au sens de l'outil, pour bâtir un édifice qui nous dépasse - les piliers de la création ?
Là se cache la religiosité nouvelle qui guide Inferno : ne plus figurer des formes mais s’inspirer des flux, se faire mouvement dans un black metal fluide et ascensionnel, le chaos et ses effusions de vie devenant le symbole d’un satanisme libre, vital et universel, appelant à briser les chaînes d’un ordre des choses pour faire sien – en effet – l’exercice de création. Cela est ambitieux ; il est d’autant plus époustouflant de voir que l’orchestre parvient à rester constamment à la mesure de son défi, grâce à une construction globale où tout semble pensé de bout en bout, se mariant merveilleusement sur cette grosse demi-heure que l’on peut croire réfléchie en un seul bloc. Un lien tangible entre ces six compositions se sent rapidement, un lien qu’une production profonde et parfaitement équilibrée (un tour de force, quand on s’essaye à séparer les différentes couches d’instruments composant l’ensemble), des voix habitées suivant cette tendance à la personnification d’éléments s’entrechoquant par une glossolalie évoquant un langage aux significations mouvantes, permettent de rendre saisissant. Il peut y avoir quelques critiques envers cette démarche qui uniformise au point de ne pas laisser briller ce qui sont pourtant des instants de bravoure – tel « Ekstasis of the Continuum », véritable transe usant de boucles post-punk pour emporter dans ses palettes de noir et d’or –, mais
Paradeigma (Phosphenes of Aphotic Eternity) n’en reste pas moins une œuvre rare, allant directement au cœur de son sujet pour ne jamais le lâcher, jusqu’à un final laissant aussi horrifié qu’émerveillé devant l’immensité dépeinte par les Tchèques, proche d’un mélange entre les tortures spatiales d’
Ævangelist et la paix océanique, le vide entre les étoiles devenant un bain cosmique, de
Dirge.
Oui,
Paradeigma (Phosphenes of Aphotic Eternity) est écrasant. De grandeur, de majesté, dans ce qu’il dépeint comme dans sa manière de sonner. Délire fervent, grâce fiévreuse. Une créature fantastique, dans tous les sens du terme ; Un invertébré fascinant, dont l’auditeur ne pourra qu’admirer les frémissements, les pulsations, au rythme des turbulences de ce somptueux voyage dans l’inconnu. Inferno livre ce qui s’impose comme un disque « à part » dans sa riche discographie. Plus ou moins à l’écart, certes, mais qui s’inscrit dans la logique du combo Tchèque : tout remettre en cause, évoluer, sortir des ornières, toujours. Une fois encore, ça marche, du feu de Dieu.
Paradeigma (Phosphenes of Aphotic Eternity) est effectivement le « disque Debemur Morti » d’Inferno, gratifiant l’écurie française d’un full-length de haute volée, voué à figurer parmi la tête du peloton des sorties de l’année.
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