Au commencement était le son. Un son vibrant, bourdonnant, d’une force à craquer les éléments et les remodeler. Un son que Pombagira aura pris le temps de magnifier, faisant de son doom d’amplifier worship l’argile-même, l’élément premier où pratiquer son alchimie. Un son qui n’est pas que « lourd », « monumental », « mammouthesque » ou que sais-je encore comme mots qu’on ne lit que trop souvent comme des qualités en elles-mêmes et entraînant chez moi un drone personnel fait de bâillements… Mais un son qui ondule, malaxe, fait de nos tympans un monde, un son anesthésiant et lysergique, Big Bang à la découverte puis lente transformation de la matière.
Puis vint le Verbe. Le Verbe fait Riff, où Pombagira déploie ses incantations. Ici se situe la différence avec les précédentes œuvres du duo Carolyn et Pete Hamilton-Giles,
The Crooked Path et
Black Axis Abraxas ayant déjà ce pouvoir sonore à l’état de balbutiement et de bégaiement là où
Baron Citadel déclame avec limpidité. Il y a de quoi s’interroger durant cette longue heure cyclique et minimaliste, faisant sienne une austérité typiquement doom où l’absence de variation devient pourtant oscillation, nuance, recherche d’un ailleurs foisonnant. Le psychédélisme vaudou dont se réclame les Anglais, le Baron Samedi créant sa citadelle au prosélytisme implacable, fonctionne malgré tout dès les premières secondes de « Causeway Charred » pour ne plus nous lâcher. Enveloppant de sa tessiture grave, il emmène avec lui au sein du monde des morts, le feeling comme réanimateur, une batterie pulsant de vie avançant d’un pas tranquille et enfiévré à a fois.
Au Verbe succéda le sentiment, né car nommé. Un sentiment d’engourdissement des sens, de totale sujétion, le craquement de la terre devenant celui de nos émotions, érosion du corps et remuement de l’esprit. Il est toujours complexe d’expliciter ce que créé en nous une musique hypnotique, ce qui se passe entre l’avant et l’après, ces rites séquencés et dont on ressort avec une impression de changement. Ce passage que Pombagira rend une fin en soi contient cependant ses propres évènements marquants, tel que les passages soulful du morceau-titre, « Seals of Grace » et « Corporeal Altar », les amplifications s’éloignant au profit d’une méditation où l’émoi devient un guide. Une sensibilité blues s’affiche alors clairement, semblable à ce qu’on retrouvera dans les œuvres suivantes du duo (
Maleficia Lamiah et
Flesh Throne Press). Une preuve tangible – si rare dans ce qui s’apparente à un tour de magie aux ficelles indétectables – de la beauté de ce disque-ci, la voix rageuse de Pete exprimant alors une force impassible, souveraine, remuant l’extérieur aussi bien que l’intérieur.
Au sentiment s’est alors supplanté la pensée. Celle que Pombagira n’a clairement pas eu le succès qu’il mérite, relativement anonyme au sein d’une scène où d’autres ritualistes de son temps ont profité d’une meilleure lumière (Om, Suma, Bongripper…). Certainement, quatre titres vénérant autant un doom excessif, monotone, ne s’adressent pas à tout le monde (ils me perdent moi-même par instant). C’est pourtant le monde que convoque
Baron Citadel, un monde qu’il créé de lui-même, où les convertis ne pourront s’échapper qu’à sa toute fin tant sa régularité se trouve aussi dans l’excellence de sa musique. Un pic dans la discographie particulière des Anglais qui, après une redite frôlant l’inutile (
Iconoclast Dream) iront dans une direction autrement délicieuse avec
Maleficia Lamiah. Manière de dire que
Baron Citadel est, dans son optique, difficilement dépassable.
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