(Union of) Uranus - To This Bearer of Truth
Chronique
(Union of) Uranus To This Bearer of Truth (Compil.)
Peut-être vous souvenez-vous de l’époque où l’on appelait « Throatruiner-core » toute cette bande de nouveaux groupes couplant l’énergie du hardcore à la froideur du black metal. Cette référence au label de Matthias Jungbluth – qui s’est aujourd’hui diversifié – servait alors à appuyer l’émergence d’une nouvelle scène où des groupes comme Plebeian Grandstand, The Phantom Carriage, Nesseria mais aussi d’autres hors de nos frontières et signés ailleurs (Art of Burning Water ; Elitist ; Fukpig...) alliaient un état d’esprit punk à une esthétique blackened.
Une scène que l’on rattache habituellement à des ancêtres comme Converge ou les débuts de Cave In, aux modernisations de Cursed, au crust mordu par le froid de Martyrdöd ou Vordr… mais moins à d’autres, pourtant tout aussi important dans le développement d’un hardcore sombre. Et, entre les Rubbish Heap, Starkweather, Rorschach ou One Eyed God Prophecy, on retrouve Uranus, formation née en 1993 et active jusqu’en 1998. Réputé pour avoir compté en ses rangs Yannick Lorrain, rejoignant plus tard His Hero Is Gone puis Tragedy, le projet canadien aura donc eu une existence brève d’uniquement deux splits (avec Immoral Squad et His Hero Is Gone) et un EP (Disaster by Design), réunis au sein de cette compilation de 2004 sortie par le label français Stonehenge Records (Ekkaia, Amanda Woodward ou encore Undone) et celui de Yannick Lorrain, The Great American Steak Religion (Chokehold, One Eyed God Prophecy, From Ashes Rise...).
« Y a encore assez de sang ce matin pour entacher cent pages.
Y a encore assez de gens qui les achètent pour assouvir leur rage. »
Ce sample concluant le titre « Circumstance » résume le pessimisme guidant Uranus, un pessimisme froid, colérique envers l’ambiance de l’époque et hurlant dans une nuit polaire. Rattaché à une scène mêlant grindcore, crust et screamo à la violence ne s’étant pas encore abandonnée à la mélancolie (préfigurant l’extrémisme d’un Orchid), Uranus donne aujourd’hui à voir dans son abrasivité de chaque instant, sa raideur continue guidant le pas de tremolos expéditifs et de voix de harpies hésitant entre la personnification d’une vie de trottoir et la fuite en solitaire, un lien avec le black metal le plus punk et misanthrope. Contestataire, cette musique l’est clairement, jusqu’à cette citation émaillant la jaquette arrière, fataliste et misérable. De quoi voir en cette photographie d’industries ternes un signal d’alarme, où l’urgence de la situation trouve l’intransigeance de l’assaut en réponse. À aucun moment, les Canadiens diluent leur propos, les titres sans concessions s’enchaînant. Ainsi, les dernières compositions de cette compilation, encore plus lo-fi et bruitistes, laissent voir un groupe sûr jusqu’au bout de son style particulier, la noirceur gagnant en ampleur au fur et à mesure.
Pourtant, c’est bien avec les morceaux issus de Disaster by Design qu’Uranus – également nommé Union of Uranus selon les sorties – épate le plus. La colère typique du crust se marie alors parfaitement à la rapidité d’exécution du grindcore, la nervosité de l’ensemble renforçant les saillies mélodiques jouissives (raaaah, le début de « Face Value » !). Les voix de Geoff Cousens et Jon Sharron, une production rêche et râpeuse ainsi que le jeu du batteur Matt Bruce (sortant les crocs constamment, cf. le démarrage de « Circumstance » ou encore la nervosité de « Pedestal »), sont pour beaucoup dans cette sensation d’être passé au rasoir. Plus de vingt-cinq ans plus tard, ces cinq titres n’ont rien perdu de leur efficacité, attrapant même une atmosphère bien à eux, certes black metal, mais préfigurant également le défaitisme batailleur de His Hero Is Gone et son Monuments to Thieves (sur lequel jouera justement Yannick Lorrain).
Clairement, on sent que c’est sur cet EP que les Canadiens auront magnifié leur son, l’écoute des compositions issues des splits s’avérant moins fluide, sans doute en raison de leurs origines diverses. Elles ne déméritent pas pour autant, que ce soit l'expéditive reprise de Negative Approach (« Pressure »), la lourdeur cramée de « Believer » ou encore la folie sanguinaire guidant « Backhand » et « Equilibrate ». On pourra trouver cette compilation un peu chiche (trente-neuf minutes passant en un éclair) mais l’aura que conserve Uranus en fait un passage obligé pour qui apprécie son hardcore punk, sombre et extrême. L’Histoire du genre aura passé sous silence l’existence de ce groupe mais, pour ma part et quelques autres, To This Bearer of Truth est une archive essentielle où les quelques menus défauts formels passent au second plan face à ce qu’Uranus a su toucher du doigt… ou, plutôt, de son poing rageur.
| lkea 16 Février 2022 - 781 lectures |
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