Kaosritual - Svøpt Morgenrød
Chronique
Kaosritual Svøpt Morgenrød
Si Kaosritual a cessé d’exister en 2009 après le décès accidentel de Steingrim Torson Brissach (Celestial Bloodshed, One Tail, One Head, Selvhat, Slagmaur...), l’actualité de ces dernières semaines me pousse néanmoins à aborder enfin en ces pages l’existence de cet unique album paru en 2007 sur le label norvégien Blood Chalice. Un disque figurant sur la liste des sorties les plus emblématiques de la scène Black Metal de Trondheim et sur lequel on retrouve d’ailleurs quelques énergumènes aux curriculum vitae pour le moins chargés.
Ainsi, outre Mehimoloth qui bouffe donc les pissenlits par la racine depuis bientôt quinze ans, Kaosritual a vu passer entre ses rangs Haakon Tvedt (Dark Sonority, ex-Ritual Death, ex-Celestial Bloodshed) au chant et à la guitare, Björn Erik Holmedahl aka Luctus (Behexen, Darvaza, Dark Sonority, Ritual Death, Mare...) à la seconde guitare (bien qu’il n’ait participé à aucun enregistrement avec le groupe) et Eskil Blix alias Azazil (Black Majesty, Dark Sonority, Djevel, Mare, Vemod...) à la batterie. Un line-up de choix pour un groupe qui en sept ans de carrière n’a finalement sorti qu’une seule démo intitulée Rituell Katarsis à laquelle à donc succédé Svøpt Morgenrød. Deux parutions récemment rééditées (septembre 2023) par nul autre que Terratur Possessions.
C’est donc sous la forme d’un trio que Kaosritual se présente à nous avec sous le coude un premier album plutôt modeste puisque celui-ci n’offre effectivement que quatre titres à se mettre sous la dent pour une durée peu excessive affichée à près de trente-deux minutes seulement. Pour l’occasion, les trois norvégiens ont fait appel au musicien (Sarath), illustrateur (Aptorian Demon) et producteur (Celestial Bloodshed, Dark Sonority, One Tail, One Head...) Håkon Dalen afin de coucher sur bande ces quelques titres. Un enregistrement fait en octobre 2005 auquel aura également participé sur "Djevelpakt Og Trolldomsmakt" une certaine Malefica qui quelques années plus tard (2010) viendra prêter à nouveau sa voix à l’excellent Spheres Like Death de Mare. Reste cette illustration malveillante que l’on doit à l’ancien Nåstrond, monsieur Karl NE plus connu sous le patronyme de Draugr et qui par sa nature sale et un peu tordue traduit plutôt bien ce qui attend l’auditeur tout au long de cette petite demi-heure.
Loin d’être un précurseur en matière de Black Metal, Kaosritual fait néanmoins parti de ces groupes ayant largement contribué à façonner l’identité sonore de la "récente" scène de Trondheim. En premier lieu grâce à cette production décharnée et rugueuse. Une approche esthétique et sonore qui, au-delà même de la musique, n’est pas très éloignée de ce qu’on pu proposer par la suite des groupes tels que Dark Sonority (évidemment), Darvaza, Mare ou Ritual Death pour n’en citer que quelques-uns.
Cependant, cette production signée Håkon Dalen n’est bien évidemment pas la seule responsable de cette identité bien trempée. En effet, il y a dans le Black Metal des Norvégiens quelque chose d’assez « personnel » qui va également participer à cette construction. Il s’agit d’un puissant sentiment de dévotion que le groupe va infuser dans chacune des séquences de ce premier album et cela par le biais de plusieurs éléments. D’abord ces nappes de synthétiseurs offertes sporadiquement sous forme d’orgue aux sonorités religieuses très prononcées (les premières secondes de "Forbannelse" ou bien les derniers instants de "Djevelpakt Og Trolldomsmakt"). Positionnés de la sorte, ces nappes relativement brèves viennent ouvrir et conclure la messe occulte qui se joue ici pendant un petit peu plus de trente minutes. Une immersion renforcée par ces voix incantatoires et lointaines ou ces quelques percussions servant là encore à introduire "Forbannelse". D’ailleurs le chant de feu-Steingrim Torson Brissach n’est lui non plus pas étranger à cette atmosphère de vénération qui imprègne chacune de ces quatre compositions. Un chant âpre, habité et parfois même halluciné comme c’est le cas par exemple sur "Svøpt Morgenrød" ou "Djevelpakt Og Trolldomsmakt". Enfin certaines mélodies comme celles entendues tout au long de "Djevelpakt Og Trolldomsmakt" jouent également un rôle important dans cette ferveur qui domine tout au long de ces quatre morceaux.
Bref, le Malin est donc partout et Kaosritual entend bien lui faire honneur. Pour se faire, le groupe norvégien va dérouler un Black Metal relativement classique puisque largement inspiré par quelques grands noms de son pays à commencer par Mayhem dont on perçoit l’influence de manière assez évidente tout au long de l’album grâce notamment à ces tremolo particulièrement menaçants. Un disque au caractère lancinant (ces riffs largement répétés créant une certaine impression de transe) mais qui n’en est pas moins mené la dague entre les chicots puisque nombreuses sont les séquences particulièrement intenses ("Forbannelse" à 1:08, 2:13 ou 4:11, les premiers instants de "Evig Svorne Til Hov Og Horn" ou bien encore à partir de 3:01, "Svøpt Morgenrød" à 0:20 et 5:07 ou "Djevelpakt Og Trolldomsmakt" à partir de 2:16 ou 4:56). Un rythme plutôt soutenu même si à l’inverse on va également trouver quelques passages plus modérés et/ou chaloupés histoire de calmer ces ardeurs, entretenir ces ambiances religieuses ("Svøpt Morgenrød" à 1:30, "Djevelpakt Og Trolldomsmakt" à 3:30) ou bien tout simplement amener un peu de variété à travers une dynamique différente ("Forbannelse" à 1:29 et 2:52, "Evig Svorne Til Hov Og Horn" à 0:50 ou bien encore les deux premières et les quatre dernières minutes de "Djevelpakt Og Trolldomsmakt"). Au final, rien de bien sorcier et encore moins de nouveau mais peu importe car le tout est extrêmement bien composé et suffisamment équilibré pour commencer ce qui pourrait apparaître comme des défauts (la production famélique, le caractère répétitif de certaines séquences, le manque d’originalité).
Bien que le Black Metal de Kaosritual soit fortement inspiré par celui de ses ainés, la formation n’en reste pas moins une de celles à l’initiative de la scène de Trondheim bien souvent qualifiée sous l’appellation "Nidrosian Black Metal" (en compagnie de Celestial Bloodshed, Aptorian Demon, Mare, Min Kniv...). Alors non, on ne leur décernera pas la palme de l’originalité mais cela n’empêche pas les Norvégiens d’amener à leur musique une touche de personnalité, notamment par le biais d’une ferveur religieuse particulièrement tangible et menaçante. Une dévotion qui jamais n’empiète sur l’intensité dont fait preuve Kaosritual (qui décidément porte bien son nom) tout au long de ce premier album. Alors après un premier album de cet acabit, il est dommage que le groupe ait décidé d’en rester là mais ce n’est pas tout à fait le cas puisque Haakon Tvedt et Eskil Blix (en compagnie de Björn Erik Holmedahl aka Luctus) iront former trois ans plus tard Dark Sonority dont on attend toujours la suite (et la chronique mais ça j’y viendrai) de l’excellent Kaosrekviem paru en 2012...
| AxGxB 17 Octobre 2023 - 679 lectures |
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