Burzum - Filosofem
Chronique
Burzum Filosofem
Chroniquer un album de Burzum n'est pas chose aisée : cela revient à toucher l'aura du one-man-band, sachant que l'utilisation de mots ne rendra jamais honneur au talent de Varg Vikernes. De là peut découler une vague de réactions de certaines personnes qui prétendront que eux ont réussi à capter l'essence de cette musique, alors que le chroniqueur lui n'a réussi qu'à pondre un texte convenu et dispensable. Alors, lorsqu'il s'agit en plus de l'album le plus profond du groupe, cela relève d'un fort penchant suicidaire. D'autant plus que le qualificatif « suicidaire » doit sûrement être l'un de ceux qui conviennent le plus au disque.
Lorsque les premières notes de Dunkelheit retentissent, il se passe quelque chose en nous d'indescriptible ; on est littéralement absorbé dans un univers suffocant, entraînant l'auditeur à un recueillement presque religieux et le poussant à renier tout aspiration à ne serait-ce qu'une infime once de bonheur. Le célèbre riff lancinant du morceau nous écrase petit à petit, et combiné avec la voix écorchée et désespérée de Varg, nous rend insignifiant par rapport à ce monolithe dans lequel nous nous retrouvons entravés. Le rythme lent, les arpèges dissonants, et la mélodie jouée au bontempi pénètrent notre intimité, jusqu'au désespoir auquel les mythiques paroles « When night fall, she cloaks the world into impenetrable Darkness... » font allusion. Ce n'est que lorsque tout semble terminé que Jesus' Tod vient pilloner nos sens, avec l'un des riffs en tremolo picking les plus extraordinaires qu'il puisse être donné d'écouter. Une vague de malaise s'engouffre en nous, nous submerge, sublimée par la voix désincarnée de Varg. Contrastant avec Filosofem, Jesus' Tod impose sa cadence rapide sans l'être trop non plus, juste assez pour que l'auditeur puisse frôler la crise de claustrophobie. Sans être effroyable de technique, on est servi ici par deux morceaux magistraux, atteignant d'une traite leur but, celui de développer une atmosphère unique, froide et oppressante.
Seulement, on ne vient d'écouter que les deux premiers morceaux de l'album, et c'est sans compter avec l'effroyable Erblicket die Töchter des Firmaments, à la limite d'un onirisme étouffant distillé par des nappes de clavier plutôt discrètes. Revêts d'une superbe noirceur, les sons distordus s'engouffrent dans nos oreilles pour marquer nos esprits d'une l'ambiance si parfaitement hypnotique. Le morceau suivant Gebrechlichkeit I, qui d'ailleurs n'utilise pas la batterie comme pour amorcer la phase ambiante de l'album, n'est pas sans nous rappeler l'ambiance d'une mine, avec des coups de piolet et l'eau qui goutte, règnant en un fragile équilibre de noirceur et de délicatesse, délicatesse perpétuée par les notes presque cristallines du bontempi. Le morceau a beau être répétitif, comme le reste de l'album par ailleurs, et moins fouillé que les précédentes pistes, on reste captivé du début jusqu'à la fin par la paradoxale fragilité de cette noirceur ambiante, conferrant un côté surréaliste.
S'enchaîne ensuite Rundgang um die transzendentale Säule der Singularität, le morceau le plus simple et paradoxalement l'un des plus captivants. Pendant 25 minutes nous pouvons observer quelques notes jouées au clavier répétées à l'infini, dans le dénuement et la sobriété. Il y a bien quelques effets pour accompagner, et une basse qui répète également à l'infini quelques notes, mais la musicalité du morceau s'arrête ici. Cependant, ce titre écouté dans le noir et dans la continuité de l'album produit un effet relativement étrange, celui de représenter la quintessence de Filosofem dans sa totalité, grâce à sa simplicité exagérée, et à son ambiance fragile mais prenante. On se croirait presque dans la grotte que Gebrechlichkeit I nous a fait découvrir, la parcourant et découvrant peu à peu toutes sortes de mineraux plus précieux les uns que les autres. Les gouttes d'eaux ruissellent le long des stalactites. Des rayons de lumière apparaissent parfois timidement entre deux roches. Les 25 minutes qu'on pensait au départ durer une éternité passent au final d'une traite, sans que l'on ait eu le temps de s'ennuyer. Filosofem se termine doucement par Gebrechlichkeit II, très semblable au premier, mais en plus lent, et sans les cris damnés de Varg. Sur les 7 minutes qui le composent, on remarque une montée en puissance lente et certaine des guitares, le volument augmentant peu à peu, concluant Filosofem de manière nette et magistrale.
Une nouvelle question se présente à moi maintenant : comment conclure cette chronique ? Tout a été dit et redit au sujet de Filosofem ; mais bon, pour ceux qui auraient été absents, rappelons leur que cet album est un disque majeur du Black Metal, à l'ambiance unique de par le mélange entre le Black et l'ambiant, et de par la noirceur qui s'en découle. A écouter dans le noir, ou lors de vos escapades forestières.
| Krow 13 Avril 2006 - 8623 lectures |
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