En 1999, on était déjà un peu sur le déclin de la hype entourant le
néo metal. Ou plutôt mon intérêt pour ce genre était clairement sur le déclin. Je veux dire,
KORN avait raconté l’essentiel avec quatre albums intouchables (ce qui n’est ironiquement pas le cas d’
Untouchables »),
DEFTONES ne fera jamais mieux qu’
« Around the Fur » (même si «
White Pony » contient des fulgurances telles que « Knife Party » ou « Passenger » grâce à la présence de
Maynard James Keenan), de même que
SYSTEM OF A DOWN avec son album éponyme, et puis de toute façon j’étais passé à autre chose… J’allais bien avoir un regain d’intérêt lors de la sortie de
« L.D. 50 », le chant du cygne, rien d’autre. Mais voilà que les Suisses de
SHOVEL se pointent et placent « Gap » dans je ne sais plus quelle compilation distribuée avec un magasine... Immédiatement, j’accroche et, aussi sec, je me retrouve avec un exemplaire de «
Latitude 60° Low » entre les paluches, album qui m’a finalement accompagné pendant plusieurs années avant de finir dans les traditionnelles oubliettes discographiques, jusqu’à aujourd’hui tout du moins grâce à cette édition remastérisée. L’occasion pour moi de replonger dans cette époque faite de pantalons trop larges et de t-shirts manches courtes portés par-dessus des manches longues, de portefeuilles à chaîne, de cheveux souvent un peu trop gras… J’avais quel âge en 1999 d’ailleurs ? 22 ans, sûrement pas ma meilleure période, pas non plus la pire, conduire ivre mort n’était pas particulièrement problématique, ma bonne étoile m’a toujours fait rentrer sain et sauf au bercail. Bref, on s’en branle un peu non ? En revanche, ce dont on se fout peut-être un peu moins, c’est de savoir à quoi peut bien ressembler aujourd’hui un disque que l’on a adoré il y a vingt ans de cela, sachant que l’on est sur un style qui a une forte tendance à très mal vieillir… Tu te souviens de cette camarade de classe qui te faisait fantasmer quand tu avais 15 ans et dont les rondeurs boudinées émoustillaient ta libido pubère ? Bah aujourd’hui elle est loin de ressembler au papillon gracieux que tu imaginais hein, elle a pris cher, toi aussi d’ailleurs, et quand tu la recroises pour la première fois plusieurs dizaines d’années après ta première pensée est de te féliciter qu’elle ne soit pas devenue ta femme, elle n’en pense pas moins en regardant ta gueule, c’est bien légitime.
Bizarrement, les titres qui me semblaient bons à l’époque le sont encore et ceux qui me faisaient déjà chier me font toujours chier, davantage. Car, oui, en dépit de l’aura plus ou moins culte qui entoure
SHOVEL, il faut remettre l’église au centre du village et rappeler que «
Latitude 60° Low » n’était au final qu’un bon premier album, avec ses moments de pure magie et ses passages plus que dispensables, la nostalgie ne me poussant pas à ajouter du laudatif là où ça ne se justifie pas. Pourtant, l’attaque est fantastique avec l’ouverture sur « Lurk » : mélodies vocales accrocheuses (bien qu’un peu nasillardes) mais aussi hurlements hardcore, guitares tantôt rampantes tantôt agressives, section rythmique carrée, il y a quelque chose de nouveau par rapport à ce qui se faisait à l’époque, juste avant que
LINKIN PARK ne vienne poser ses grosses godasses et plier le game du refrain mémorable. Après cela, tu te bouffais l’introduction gargantuesque de « Scythe », qu’il faudrait être tétraplégique pour ne pas bouger un membre, aussi apathique que nous soyons. Une fessée qui rend les trous d’air de la seconde partie du disque d’autant plus regrettables car un disque entièrement de cette trempe aurait définitivement marqué les esprits. S’en suit « Gap », mon morceau chouchou d’alors surtout du fait de son refrain énormissime alors que les phases de couplet continuent à m’emmerder un peu, trop de mièvrerie peut-être. Mais le refrain le fait toujours autant, à chaque fois que je l’entends j’accompagne le chanteur de la voix et cela demeure l’un des moments forts de ce «
Latitude 60° Low » ainsi qu’un élément déterminant dans le succès du groupe. « Path » reste intéressant pour sa fureur
hardcore et son super final sur des guitares bien tranchantes mais le morceau n’en demeure pas moins ce qu’il est : un truc correct qui aurait pu être exceptionnel s’il n’était entaché de vocaux clairs dispensables. C’est là où
SHOVEL perd aujourd’hui de son mordant d’antan : autant ses explosions restent une belle représentation de ce qui se faisait de mieux à la fin des années 90, autant les passages mélodiques ne parviennent pas à me procurer la même sensation de sensualité qui suintait d’«
Around the Fur », ma référence ferme et définitive en matière d’
émocore. Bref, « Path » donne envie de passer rapidement à la suite avec notamment un finish qui n’en finit pas, premier passage à vide pas vraiment rattrapé par « Mask » en dépit d’un axe mélodico-hardcore de plutôt belle tenue. « Gasoline »… Ce titre m’emmerdait déjà à sa sortie, il n’y avait pas de raisons particulières pour qu’il en soit autrement aujourd’hui. Trop chanté, trop gentillet, de même que « Wreck » qui s’apparente à une ballade, déjà le septième titre donc et l’on perçoit déjà les limites de la formation : à ne pas vouloir être totalement
hardcore, domaine où elle est finalement la plus percutante, et à trop vouloir intégrer d’éléments sensibles (babtou), on finit par avoir un disque qui pourrait finalement plaire au public de
NOIR DESIR. En soi ce n’est pas péjoratif, j’ai grandi avec leurs albums, mais
SHOVEL me frustre trop.
« Frequency 66 » fait office de transition. Nous sommes au milieu de l’album, l’interlude radiophonique a fait ses preuves, le riff que l’on distingue en fond est séduisant, l’auditeur aimerait en profiter pleinement mais il va falloir se la mettre derrière l’oreille, même si « Boil Over » équivaut à une reprise de volée en pleine lucarne en finale de coupe d’Europe. Si seulement tout avait été à l’avenant… Car sans dire que le reste du disque ne sert plus à rien, ni « Spark », ni « Herida », ni « Excess », ni « Liquid » ne remonte l’estime posthume que l’on pourrait avoir. Je pense parfois à du
NO ONE IS INNOCENT chanté en anglais, ce qui venant de ma part n’est guère un compliment.
Oui je suis sévère avec ce disque. Je l’ai écouté des centaines de fois lors de sa sortie, je le connais absolument par cœur, il a clairement marqué son temps, il contient d’excellents singles et, ramené à la taille d’un EP, ça serait une bête de foire absolument inoubliable. Mais autant mon cerveau gommait les défauts il y a vingt ans autant une écoute actuelle ne peut faire abstraction de ses faiblesses, imputables à la jeunesse de la formation qui, en plus, n’aura jamais l’occasion de proposer autre chose que «
Latitude 60° Low », à la fois acte de naissance et rapport d’autopsie de ce qui aurait pu devenir un truc aussi important que
SLUDGE mais qui, pour des raisons qui lui sont propres, a préféré en rester là. Par conséquent, moi aussi j’en resterai là, préférant garder le souvenir d’un temps révolu où cette musique accompagnait mes soirées plutôt que de sombrer dans la nostalgie en niant les défauts que je percevais déjà alors mais que mes oreilles refusaient d’admettre. En tout cas, si vous voulez prendre une bouffée de 90’s, c’est maintenant ou jamais.
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