Ayant clairement passé un cap il y’a trois ans avec l’excellentissime
« 11069 » le trio de Dordogne est enfin de retour avec un successeur particulièrement attendu, de par la qualité musicale générale de ses membres et le fait indéniable qu’on sentait qu’ils n’avaient pas encore tout dévoilé de leur capacité à emmener l’auditoire très loin vers des contrées inexplorées et perdues. Car jouant depuis ses débuts avec les atmosphères et dissonances la formation de M-Kha a toujours aimé brouiller les pistes avec des concepts psychologiques propices à nombre d’interprétations différentes, et une fois encore il va falloir du temps et de la patience pour appréhender ce nouvel opus aux nombreuses variations rythmiques et aux paroles pleines de mystères inspirées par la psychanalyse. En effet ici chacun des neufs morceaux proposés va raconter le destin et la chute personnelle de neuf individus différents via la misère, l’égo destructeur, les addictions diverses, la croyance, la violence, l’obéissance, les abus en tous genres, la destruction ou l’amour sain comme malsain. Cela va ainsi offrir un rendu à la fois virulent, hostile et immersif, mais où la mélodie et l’espoir demeurent pour un renouveau autant physique que psychologique et spirituel, et il y’a à raconter là-dessus. On voit donc que sur le papier tout cela est ambitieux au possible et se montre fort prometteur, et le moins que l’on puisse dire c’est que les objectifs affichés sont largement atteints tant ce long-format est clairement le meilleur offert par ses créateurs, vu que le résultat va atteindre des sommets en matière d’accroche comme du côté de la qualité qui ne va nullement faiblir durant les quarante-six minutes de ce « Portraits » qui porte parfaitement son nom.
Celui-ci va d’ailleurs directement dévoiler tout son potentiel sur le tentaculaire et magnifique « Swen » où toute la variété technique et d’inspirations sont de sortie, afin de donner de suite le ton de ce que va être cette galette à la fois explosive et rampante, que violente et plaintive. L’entité nous envoie donc d’entrée dans un univers tout en froideur où la nuit absolue est perturbée par des rayons solaires qui cherchent à trouver leur place, et à ce petit jeu elle y parvient aisément et arrive même à glisser dans la mélancolie via un break en arpèges doux et légers... point que les membres vont sortir sur chaque titre, sans pour autant donner l’impression de se répéter. Cela est entre autres une des forces de cette galette qui peut paraître hermétique et répétitive de prime abord, tant sa construction est relativement semblable et les arrangements assez prévisibles au fur et à mesure de l’avancée de l’écoute. Pourtant bien que cela soit finalement une réalité on ne va poindre aucune lassitude ni relâchement coupable de l’attention, car entre « Egon » qui déborde de lumière (entre des rasades de blasts et de montagnes russes rythmiques au désespoir immense), et le fou furieux « Mayerson » (qui montre une facette ultra-radicale et explosive où l’on est emmené vers un Trou Noir tout proche), il y’en a vraiment pour tous les goûts et l’on voit que quel que soit le tempo employé la cohésion reste totale et quelques points reconnaissables permettent à chaque composition de se différencier un peu. Cela va aller crescendo aussi bien du côté de la mémorisation comme de la densification, et pour s’en rendre compte il suffit d’écouter l’éruptif « Adam » qui sans Eve se lâche et dévoile son attirance pour les accents tribaux joués en boucle, ainsi que son appétit pour les explosions de toutes parts où les guitares lacèrent l’environnement existant en ne laissant aucun survivant, tant ça se montre (à l’instar du reste) tortueux et pas de tout repos.
Même si le calme après la tempête réapparaît régulièrement comme pour mieux surprendre l’auditoire (et ainsi mieux lui faire apprécier les accents apocalyptiques), celui-ci va être même dérouté par les ambiances mystiques proposées par « Miquella » et « Andreas » qui là-encore nous embarquent très loin dans les tréfonds de l’âme où tout se montre rampant au possible, et surtout sans vitesse démesurée. Si on a la sensation de suffoquer et que tout donne le ressenti d’une explosion imminente celle-ci reste contenue et voit une certaine simplicité faire son apparition, sans que l’accroche n’y perde au change à l’instar de cette lourdeur plus massive qui va encore gagner en puissance sur la doublette « Liza » / « Inaki ». Jouant la carte atmosphérique au maximum on y voit toujours ce grand-écart consistant et un côté légèrement plus direct où la lenteur prend le pas sur le reste pour miser sur la nuit comme la luminosité, tout en ayant quelques passages impeccables pour taper du pied. Et pour finir dignement les hostilités la redoutable conclusion intitulée « Sheelagh » va servir de parfait condensé de tout ce qui a été proposé jusque-là, pour terminer un disque qui a tout pour figurer dans les bilans de fin d’année.
Il est évident que cela sera le cas vu que ça n’est jamais trop long et dosé juste ce qu’il faut tout en étant pointu mais jamais prétentieux, ce qui est rare dans ce registre si exigeant mais aussi casse-gueule... confirmant de fait que les Sudistes ont passé un cap et que leur présence sur le catalogue du label de Pennsylvanie n’a rien d’anodin, et qu’elle est finalement totalement justifiée (même si ça détonne par rapport à l’immense majorité de noms qui jouent nettement plus sur la brutalité et le tabassage intensif). Survolant les débats et annihilant toute concurrence dans ce registre au niveau national AODON signe une œuvre qui va demander de l’attention et de la concentration pour être totalement appréhendée, et encore... vu que cela dépendra de l’état physique et mental dans lequel on se plonge dedans, tant la sensation de redécouverte perpétuelle va se faire sentir durant une longue période, preuve de son statut désormais imposant. Chapeau donc aux musiciens pour avoir pondu un bijou pareil porté par une pochette magnifique et aussi mystérieuse que le contenu auditif, où les portes de la perception de ceux qui auront l’audace et la motivation d’aller jusqu’au bout vont les plonger dans des abîmes dignes de Lovecraft, d’Huxley... et même Boulle et Barjavel pour les plus téméraires. Autant d’auteurs réputés qui auraient pu apporter leur contribution s’ils étaient encore en vie durant ces quarante-six minutes intenses et remplies de questionnement multiples, où même Jung et Freud auraient eu droit de cité... et ça aurait franchement eu de l’allure.
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