S’il s’était fait très discret depuis la sortie du très bon
« Sharphood » il y’a déjà presque quatre ans, le projet mené par le multi-instrumentiste M-Kha restait heureusement actif, celui-ci ayant pris son temps pour composer un successeur à sa hauteur, tout en voyant pas mal de changements positifs en interne. En effet AODON est désormais devenu un groupe à part entière, et évolue dorénavant sous la forme d’un trio, permettant de fait à la musique proposée par son leader et créateur d’être plus entreprenante et mature, et surtout d’être distribuée de façon plus massive. Car l’autre nouveauté c’est la signature de l’entité chez les Américains de Willowtip Records, qui semblent vouloir diversifier leur catalogue, tant ceux-ci depuis leurs débuts en 2000 se sont spécialisés dans le Death Metal sous toutes ses formes. En tout cas il est certain qu’il s’agit d’un vrai bond en avant pour le groupe qui va bénéficier d’une promotion et visibilité comme il n’en avait pas connu jusqu’à présent, et cela est totalement mérité tant ce second long-format se place déjà parmi les grosses réalisations de 2020.
Durant plus de trois-quarts d’heure les Périgourdins vont nous embarquer dans un long voyage tortueux et tentaculaire, où la lumière côtoie les ténèbres de façon intrigante et propice à la réflexion et méditation. Dès les premières notes de l’excellentissime « Les Rayons » le ton général va être donné et toute la panoplie d’influences de sortie, entre passages menés à fond la caisse et particulièrement sombres, et d’autres plus lents et aériens propices à la mélancolie d’où émerge un soupçon de mélodie. Oscillant entre une brutalité exacerbée et la douceur d’arpèges planants qui permettent ainsi d’aérer l’ensemble au maximum, on s’aperçoit d’une vraie fluidité dans l’écriture complétée par des arrangements recherchés mais jamais pompeux. C’est d’ailleurs un des gros points forts de cet opus où la technique n’est jamais omniprésente, les musiciens préférant insister sur une rythmique à toute épreuve et un entrain communicatif, que les compos soient relativement directes ou plus élaborées. La preuve avec le redoutable « L’œuvre » plus rampant et tapissé de double pédale durant une longue période, et où se greffe plus de clarté au milieu d’ambiances martiales au dynamisme toujours présent de façon continue, à l’instar du majestueux et froid « L’écho », propice au repos de l’âme et du corps. Si là encore la vitesse est moins marquée (celle-ci étant compensée par plus de lenteur et de breaks) les ambiances cosmiques y sont des plus présentes, notamment via ces notes qui résonnent seules dans le néant, sans pour autant y perdre en accroche malgré la durée générale.
Car avec des morceaux qui ne descendent jamais sous les cinq minutes il est facile de tomber dans le piège de la redite et de l’ennui, et à ce jeu la bande évite avec brio ces écueils, bien qu’on puisse ressentir légèrement quelques plans interchangeables ici et là. Mais malgré ce point de détail (qui est plus de l’ordre du chipotage qu’autre chose) les sudistes vont arriver à garder leur cohérence de bout en bout, donnant de fait l’impression que chaque plage s’enchaîne l’une dans l’autre, et n’a pas été mise là au hasard. Il suffit d’écouter la doublette « L’infime »/« L’instinct » pour en être convaincu, car ici la force de frappe retrouve des couleurs, portée par le jeu de batterie puissant, précis et groovy de son leader qui prouve qu’il excelle derrière son kit. Mettant ici l’accent sur les bpm et les rafales de mitraillettes (aidé en cela par le son très sec de la caisse claire) les déferlantes sont prédominantes, sans pour autant bouffer tout l’espace vu qu’il n’hésite pas à lever le pied et alourdir son propos, afin d’amener une noirceur inquiétante où le riffing rampant et la basse chaude finissent par annihiler tout espoir d’embellissement. Et même si « L’illusion » va encore accélérer le tempo global (pour être ultra-violente à certains passages) cette fin de disque va être mise sous le signe de la renaissance et du spirituel, tant le soleil va poindre au milieu de ces nuées de tonnerre et d’orages. Montrant un visage encore plus travaillé et ambitieux que ce qu’on a pu entendre jusque-là « L’énergie » va faire preuve d’un démarrage tout en tristesse, les notes des guitares s’entremêlant de façon harmonieuses et tendres, avant que la puissance ne revienne de plus belle, aidée par ce chant écorché et possédé qui renforce l’impression de malaise. Et avec « Le parfum des pluies » tout cela est poussé à son paroxysme, car cette ultime plage mise sur le calme et la tempête qui se succèdent, créant ainsi une instabilité chronique, qui se clôture sous forme d’outro où les arpèges apaisés clôturent ainsi les débats de façon apaisée, comme si le voyageur avait enfin trouvé la paix et la sérénité après tant de turpitudes.
Reprenant les éléments de son prédécesseur « 11069 » les surpasse allègrement, grâce à une maturité supérieure et un feeling immédiat qui ne faiblit jamais et permet donc de garder intacte sa concentration jusqu’à l’ultime goutte de son. Jouant autant sur les harmonies que sur le fracassage intensif ce second volet est un véritable moment de grâce, à la construction léchée et sans failles d’où il est difficile de décrocher une fois parti dans l’univers créé par les Dordognais. Avec en prime une production impeccable (où chaque instrument est parfaitement mis en avant) on ne peut que s’incliner devant un tel résultat, qui va demander beaucoup de temps et de patience pour être totalement assimilé, tant il se révélera riche en découvertes et sensations au fil des écoutes. Sans tirer des plans sur la comète il fait peu de doutes qu’avec tous ces bons points le combo ne va plus rester inconnu fort longtemps, et ça n’est que justice au vu du résultat proposé qui va captiver longtemps, et mettre ainsi en lumière une scène de Périgueux et de ses alentours décidemment riches en nouveautés qui valent le détour (notamment SILURE du même acabit).
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