Ruïm - Black Royal Spiritism - I. O Sino Da Igreja
Chronique
Ruïm Black Royal Spiritism - I. O Sino Da Igreja
Guitariste de Mayhem pendant près de quinze ans, Rune Eriksen que l’on connait davantage sous le pseudonyme de Blasphemer s’est durant toutes ces années bâtit une solide réputation grâce à un jeu très personnel à la fois complexe et torturé. Plus discret (mais toujours très actif, notamment avec Vltimas) depuis son départ en 2008 de la célèbre formation norvégienne, celui qui réside désormais au Portugal nous est revenu l’année dernière avec un nouveau projet baptisé Ruïm. Pour mener à bien cette entreprise, le compositeur s’est entouré d’un français en la personne de César Vesvre, batteur de choix que l’on a déjà pu entendre auparavant chez Agressor (live) et Arkhon Infaustus (live) mais aussi et surtout chez Darkall Slaves et Thagirion. Ensemble, les deux hommes ont sorti en mai dernier un premier album intitulé Black Royal Spiritism - I . O Sino Da Igreja sous la bannière du label anglais Peaceville Records qui évidemment ne s’y est pas trompé.
Formé en 2020 à l’initiative de Blasphemer, Ruïm (du portugais "ruim" qui signifie "mauvais", "méchant") est né d’un désir de renouer avec ce Black Metal qui l’a rendu célèbre dans ces sphères où nous gravitons. Un retour à ses premiers amours inspiré par une trouvaille de choix, celle d’une vielle démo cassette datant de la fin des années 90 sur laquelle le Norvégien y a retrouvé des riffs et ébauches de riffs composés à l’époque pour Mayhem mais qui pour je ne sais quelle(s) raison(s) n’ont jamais été retenus... Une (re)découverte providentielle qui aura donc naturellement servi de base de départ à la composition de ce premier album dont une grande majorité des thèmes est vraisemblablement inspiré par la sorcellerie brésilienne ainsi que par les branches les plus occultes d’une religion afro-portugaise très répandue au Brésil connue sous le nom d’Umbanda...
Tout un programme que le duo à choisi de mettre en image de manière plutôt originale grâce à ce logo aux courbes douces mais aux motifs démoniaques et à cette illustration étrange qui suggère plus qu’elle ne montre. Afin de coucher sur bande ces huit compositions, Ruïm a jeté son dévolu sur le fameux Drudenhaus Studio de Issé en Loire Atlantique. Une structure réputée dans l’hexagone puisqu’en plus d’avoir été fondée par des membres d’Anorexia Nervosa, celle-ci a vu passer entre ses murs une partie de la scène Black Metal hexagonale (Anorexia Nervosa évidemment mais aussi Angmar, Annthennath, Alcest, Darkenhöld, Osculum Infame...). De fait, Black Royal Spiritism - I . O Sino Da Igreja est marqué par une production léchée mais au caractère bien trempée puisqu’elle laisse en effet paraître toute la noirceur et la nature ésotérique de ce Black Metal si singulier.
Singulier mais néanmoins familier puisque celui-ci renoue de manière assez évidente avec le Mayhem de la seconde moitié des années 90, celui de Wolf’s Lair Abyss (dont est d’ailleurs tiré l’excellent "Fall Of Seraphs" repris ici en fin de parcours) et surtout de Grand Declaration Of War à qui il emprunte ce riffing complexe, dense et torturé ainsi que ces structures bigarrées et changeantes capables de vous donner le tournis.
Un héritage qui, s’il semble évident sur le papier, l’est encore davantage une fois ce premier titre lancé. En effet, avec "Blood.Sacrifice.Enthronement", morceau fleuve de plus de dix minutes qui ouvre ce premier album, Ruïm révèle sans détour l’étendue de son champs d’action. De ces passages particulièrement intenses entretenus à coups de riffs torturés et complexes aux mélodies un brin dissonantes ainsi que par une batterie des plus volontaires en passant par ces séquences moins frontales mais nettement plus insidieuses où, si les choses semblent effectivement s’apaiser, la tension et la menace atteignent néanmoins leur paroxysme, peu de doutes subsistent quant à la richesse, la complexité et cette profonde noirceur qui caractérisent ce Black Royal Spiritism - I . O Sino Da Igreja de mauvais augure. Un premier titre des plus convaincants également révélateur de ce qui attend l’auditeur tout au long de ces quarante-six minutes exigeantes qu’il ne faut pas escompter dompter à la première écoute.
En effet, si le dosage ou l’agencement vont quelque peu différer par la suite, le modèle employé reste quant à lui identique. Une alternance de séquences dynamiques menées le couteau entre les dent et de passages bien plus sournois qui d’ailleurs ne sont pas sans me faire penser à des groupes tels que Cultes Des Ghoules et Death Like Mass que ce soit dans ces changements de directions souvent inattendus ("Blood.Sacrifice.Enthronement" à 3:39, "The Triumph (Of Night & Fire)" à 3:31, "Black Royal Spiritism" à 3:34), dans ces lignes de chant lugubres (entre Anglais, Norvégien et Portugais) dont certaines intonations particulièrement habitées laissent tour à tour transparaître un sentiment de folie, de malaise et de menace ("Blood.Sacrifice.Enthronement" à 6:13, ce petit rire vicieux sur "The Triumph (Of Night & Fire)" à 3:31, la ferveur de ce chant clair entendu notamment sur "The Black House" et "Evig Dissonans", les susurrements et autres gimmicks de "Fall Of Seraphs") où dans cette approche parfois ritualiste et presque tribale (l’excellent jeu de batterie sur « Blood.Sacrifice.Enthronement » à compter de 6:33, certains roulements de toms plus "solennels" comme par exemple sur "Black Royal Spiritism" à 2:41). Un parallèle ténu qui tient davantage du clin d’oeil dans la mesure où Ruïm possède bel et bien sa propre identité mais dont à titre personnel je n’arrive pas à me défaire.
Débarqué sans avoir été véritablement annoncé, Black Royal Spiritism - I . O Sino Da Igreja s’est imposé sans mal comme l’une des meilleures surprises de 2023. Les amateurs de Blasphemer et de son jeu si distinctif ne devraient en tout cas pas manquer de tomber sous le charme du Black Metal de Ruïm qui, sans rien inventer (on pense effectivement beaucoup à Mayhem tout au long de ces trois quarts d’heure), réussi néanmoins à proposer une vision personnelle et sacrément envoutante du genre. Certes, il ne sera pas forcément aisé de pénétrer l’univers du duo qui entre ces riffs tarabiscotés et ces structures complexes et changeantes requiert en effet un minimum d’effort de la part de l’auditeur pour espérer être saisi et apprécié à sa juste valeur mais une fois fait, le plaisir n’en est que plus grand et évident. Bref, un premier jet extrêmement bien troussé auquel on espère une suite au moins aussi solide.
| AxGxB 16 Janvier 2024 - 751 lectures |
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