Toter Fisch - Aspidochelone
Chronique
Toter Fisch Aspidochelone
Pour un poisson mort depuis 2015, je trouve que TOTER FISCH fait pas mal parler de lui : deux EP (« Blood, Rum & Piracy » ; « Bottoms up Treasure »), une compilation (« Bloody Treasures ») et deux LP, « Yemaya » en 2017 puis le nouveau « Aspidochelone » cette année, précédé du single « The Island ». Vous l’aurez compris, les Tourangeaux apprécient la pêche au gros (je ne suis pas grossophobe) en haute mer, le rhum ainsi que la piraterie, tout comme les Anglais d’ALESTORM dont ils sont sans doute musicalement les plus proches. A compter de là, les réfractaires auront refermé la page, les amateurs de cache-œil, de crochet et de jambe de bois seront toujours là. Moi, je ne peux pas m’échapper à la nage, je suis censé écrire un article.
Alors oui, la pochette est carrément cool. L’effet miroir, le logo en arête de poisson (finalement peut-être trop prévisible), le « Black Pearl » (j’extrapole) naviguant au loin, c’est une belle peinture que j’accrocherais sans sourciller dans ma salle de bain histoire de rêvasser durant mes ablutions matinales mais, musicalement, je vous présente mes excuses, je ne suis définitivement pas client. Déjà parce que près d’une heure de death metal folklorique, c’est au-dessus de mes forces, mais aussi parce que l’accordéon ça va bien cinq minutes, à la longue ça finit par me taper sur le système. Une aversion par suite d’une trop grande exposition télévisuelle à Yvette Horner étant enfant ? Une indigestion de guinguette durant la phase adolescente ? Un ras-le-bol des Têtes Raides ? Je ne saurais dire mais cet instrument finit par me filer de l’urticaire. C’est pourtant un bien mauvais procès que je fais à la formation mais les pirates en ont l’habitude, ils ne m’en tiendront pas rigueur…
Car, en soi, « Aspidochelone » contient absolument tout ce qu’un amateur de ce genre musical est en droit d’espérer : des passages épiques à foison, du riff dodu, des refrains à reprendre en chœur pour se taper dans le dos à s’en décoller la plèvre, suffisamment de growls pour justifier l’étiquette death metal et juste ce qu’il faut d’instruments traditionnels pour confirmer le côté folk avec en plus certains passages très cinématographiques où les voix claires viennent mettre en lumière les aspects les plus romantiques de la vie de pirates… Le mythe de la forbannerie, du banditisme maritime, certainement à comprendre au sens ancien et laudatif du terme (« aventurier qui courait les mers pour piller les navires ») plutôt qu’au sens figuré (« individu sans scrupules qui s’enrichit aux dépens d’autrui »), évidemment que TOTER FISCH ne relate pas les péripéties des pirates somaliens ou autre saloperie de l’esclavagisme moderne. Déjà parce que c’est esthétiquement moins défendable (ton voisin famélique en short armé d’une mitraillette rouillée sur une pauvre barque moisie), ensuite parce que ça ne fait rêver personne ces trois couillons édentés qui rançonnent les bourgeois occidentaux égarés. Ce que veut l’auditeur, c’est du panache, de la romance, les trois mousquetaires en croisière, et tout cela le groupe nous l’offre sur un plateau d’argent. La production est impeccable, de même que l’interprétation, tu sens bien à l’écoute que les musiciens ont creusé le sujet à fond (marin) pour écrire un album ultra immersif et que, techniquement, tu n’as pas affaire à des manches. Le débat n’est absolument pas sur le terrain de la pertinence musicale car, même si je n’y connais rien en pirate metal, je sais encore reconnaître une musique bien jouée, à l’écriture riche et aux ambitions élevées. Sur ce plan, TOTER FISCH n’a que peu de concurrents, surtout en France.
Parce qu’encore une fois (à moins que je ne le dise qu’à l’instant), « Aspidochelone » est objectivement irréprochable : du premier au dixième titre, l’auditeur se trouve totalement embarqué dans un périple dont il ne connait pas l’issue. Il va croiser des monstres des abysses, accoster sur des îles désertes, bouffer un ou deux de ses compagnons de voyage (coucou Arthur Gordon Pym), boire son urine, piller, se saouler, se mettre sur la gueule et festoyer, c’est tout cela qui se passe durant cet album, magnifié par quelques solos bien sentis et une maîtrise instrumentale ou vocale indiscutable. Alors pourquoi diable ne suis-je pas plus enthousiaste ? Tout simplement parce que cette musique aux teintes festives ne m’a jamais plu ! Je ne suis ni touché, ni ému ni même sensible à ces mélodies épiques. En fait, je pense que je préfèrerais que les mecs parlent des pirates modernes, de rapt et de séquestration, de pays pauvres qui en ont ras- le-bol de se faire mettre et qui se révoltent comme ils peuvent avec leurs coquilles de noix à la con et leurs flingues achetés au marché noir de l’OTAN, ou de l’ONU, parce qu’au final je n’ai jamais cru à la vision romancée des pirates, Barbe Noire, Jack Rackham, Black Bart ou Black Sam, le « prince des pirates » respectueux de ses prisonniers… Mais tout ça vous vous en foutez sûrement, vous demandant juste si oui ou non « Aspidochelone » vaut le coup et ma réponse ne peut alors être que oui, compte tenu des qualités démontrées tout au long de l’album, que ce soit en termes de rigueur, de richesses mélodiques, de profondeur des ambiances, oui les Français se hissent sur le plus haut mât du navire, voire se positionnent dans le nid-de-pie tant la concurrence est de toute façon malingre dans l’hexagone.
L’article a l’air bizarre à froid mais l’album vaut le coup, encore faut-il être amateur du genre.
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