Paint It Black - Famine
Chronique
Paint It Black Famine (EP)
Formé en 2002 à Philadelphie, Paint It Black aura très vite su conquérir le coeur d’un grand nombre d’amateurs de Punk / Hardcore grâce à une musique profondément sincère et authentique capable de vous prendre aux tripes. Pendant un petit peu plus de dix ans, le groupe va enchaîner les sorties à un rythme relativement soutenu (pas moins de trois albums, quatre EPs et une démo à son actif) et cela sans jamais faillir. Cependant, si les Américains vont indubitablement marquer de leur empreinte les années 2000, ils vont pourtant choisir de se mettre en retrait après la sortie en 2013 sur No Idea Records (Hot Water Music, Left For Dead, Combatwoundedveteran, The Swarm, Planes Mistaken For Stars...) d’un EP intitulé Invisible. Une mise à l’écart qui à l’exception d’une poignée de dates triées sur le volet aura contre toute attente pris fin en novembre dernier avec la sortie sur Revelation Records d’un nouveau EP baptisé Famine. Autant vous dire qu’on ne l’attendait plus…
Débutée dès 2019, l’écriture de ce disque ne sera finalisée qu’en 2022 après une pandémie ayant malheureusement considérablement ralenti les choses. Côté line-up et même si dix ans ont passé, on retrouve une fois de plus messieurs Dan Yemin (chant), Josh Agran (guitare), Andy Nelson (basse) et Jared Shavelson (batterie). Des musiciens qui ont toujours été occupés ailleurs que ce soit avant, pendant ou "après" Paint It Black puisque ces derniers sont également liés à des formations au moins aussi emblématiques telles que Lifetime, Kid Dynamite, Ceremony ou The Hope Conspiracy. Alors oui, dix ans pour huit titres bouclés en moins de vingt minutes, c’est toujours trop court mais on s’en satisfera sans rechigner. D’ailleurs, on appréciera les mots de Dan Yemin à ce sujet : "We don’t just put out a new record because it’s time to put out a new record. We put out a record when we’ve got something to say. We’re a hardcore punk band, and the most important thing, more than velocity or volume, is authenticity. I’m shooting for something real because I want to feel something real and I want to yell it in people’s faces. I want to stir something in people, and I want to make music that I had to stir something in myself to make."
Enregistré au The Atomic Garden Recording Studio (Amenra, Deafheaven, Downfall Of Gaia, Gulch, City Of Caterpillar, Wiegedood...) par Jack Shirley (ex-Comadre) et masterisé par Arthur Rizk, Famine interpelle en premier lieu par son illustration. Un cliché signé du célèbre photographe Ken Schles qui comme une grande majorité de son travail laisse entrevoir les thématiques sociales qui seront abordées tout au long de ces huit compositions. Oui, le rêve américain va effectivement en prendre pour son grade... En effet, comme le dit Dan Yemin dans la citation plus haut, le groupe en a lourd sur le coeur et va ainsi profiter de ce retour pour lâcher tout au long de ces seize minutes tout un tas de phrases assassines et lourdes de sens : "It’s not the noise, it's the silence that offends", "They say, "Your fear ends where your faith begins" but fear is the only thing I have faith in", "Tell me, how do you keep the peace showing up with your sword drawn?", "Vision polarized, skin criminalized", "Instead of "Harder They Fall" now it’s, "winner take all""... Un constat amer qui repose naturellement sur cette triste réalité du quotidien mais dans lequel subsiste pourtant une petite touche d’espoir que les Américains n’entendent certainement pas taire.
Musicalement, Paint It Black n’a évidemment rien inventé mais son Punk / Hardcore va néanmoins porter toute cette urgence, cette contestation, cette rage et cette petite pointe d’optimisme qui animent chacun des mots prononcés. Une musique sincère et directe délivrée en toute simplicité par des musiciens capables de cavalcades galvanisantes ("Dominion", "Serf City, U.S.A.", "Namesake" à 0:36) comme de moments plus intimistes où alors tout en tension ("Famine", les derniers instants de "Dominion", la première partie de "Safe", "Exploitation Period", "The Unreasonable Silence", "City Of The Dead"). Une musique abrasive qui n’en n’oublie jamais l’importance des ces mélodies fédératrices qui vous hérissent le poil et vous soulèvent le coeur ("Famine" à 1:13, les premières notes de "Dominion", "Safe" à 1:19, "The Unreasonable Silence" et ses sonorités très inspirées par la scène de Washington D.C. et l’écurie Dischord). Non, il n’y a effectivement rien de bien nouveau dans ce Punk / Hardcore que nous offre Paint It Black mais ce qui compte ici ce sont ces émotions chargées véhiculées à travers la combinaison de ces paroles, de ces attaques viscérales et de ces mélodies poignantes, de ces guitares abrasives, de cette basse aux rondeurs affolantes et métalliques, de cette batterie 100% naturelle et de cette voix tellement soucieuse de nous ouvrir les yeux et de nous faire réagir sur les choses qui nous entourent et qui ne vont pas. Bref, la quintessence même de ce que représente, en tout cas au départ, ces musiques que sont le Punk et le Hardcore.
Amèrement regretté par toute une partie de la scène, Paint It Black nous revient aujourd’hui plus en forme que jamais avec un EP certes trop court mais surtout excellent. Une décharge d’énergie et d’émotions tirant à balles réelles sur la société américaine et ses nombreux travers laissant l’humain de côté au profit du dollar et du toujours plus, du manque d’empathie et d’un déséquilibre de classes de plus en plus flagrant. Bref, un disque essentiel pour tous les amateurs de Punk / Hardcore et un retour gagnant pour un groupe qui a effectivement bien fait de (re)prendre la parole et les instruments.
| AxGxB 5 Décembre 2023 - 668 lectures |
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