C’est un beau prénom, Mathilde… Mais son origine germanique a un sens plus guerrier que ne le laisse à penser la douceur qu’il revêt à l’oreille francophone. «
Math » signifie « force », «
Hild » veut dire « pouvoir » et l’ensemble se traduirait par «
qui conquiert le pouvoir par la force ». Par conséquent, ce choix de nom de groupe est vraiment très bien vu pour une formation de
black metal,
MATHILDE étant l’un des nouveaux rejetons de la scène suisse.
«
32 décembre », cela aussi c’est un titre de premier album énigmatique. J’ai essayé de lui trouver une signification, la chose la plus proche que j’ai pu trouver est une bande-dessinée d’
Enki Bilal parue en 2003. Mais ce parallèle me semble tout de même peu probable, du fait notamment de cette pochette fort éloignée de l’univers du dessinateur, d’autant qu’aucune référence n’y est faite sur le Bandcamp. Du côté du line up, il est composé de pas moins de sept musiciens dont trois guitaristes et deux chanteurs. Il va falloir une sacrée grande scène pour accueillir tout ce petit monde ! Quant au passif, à part deux membres d’
ICARE (un groupe de
grind qui a fait parler de lui en 2022 avec la sortie de l’album «
Charogne » composé d’un seul titre de quarante-trois minutes), nous avons plutôt affaire à des musiciens inconnus.
Mais sinon, musicalement parlant, où se situe-t-on ? La formation se positionne à la croisée de
BEHEMOTH, d’
EMPEROR et de
SWALLOW THE SUN. Effectivement, nous ne sommes pas dans du
raw black : six titres pour une durée totale d’une heure avec trois compositions dépassant allègement les dix minutes, tu piges vites que les types vont un peu lorgner sur le
progressif, le
post, et que ça va swinguer !
Progressive et symphonique, il n’y a pas de doute là-dessus. Chaque titre est riche d’arrangements divers, d’orchestrations travaillées, le claviériste
Antoine Simon réalisant un sacré boulot de créateur d’ambiances. La basse de
Cédric Prétat est également l’un des instruments forts de cet album, il apporte de la finesse, de la technique, avec un son plus proche du
post rock que du
metal d’ailleurs. Ce dernier élément, couplé au chant
scream core qui m’évoque parfois les hurlements de
MY OWN PRIVATE ALASKA, finissent par inscrire
MATHILDE dans une catégorie hybride difficilement qualifiable où, au sein d’un même titre, l’on passera de la pesanteur du
doom à des pointes de vitesse typiquement
black symphonique, tout en intégrant des atmosphères
postcore… Le résultat est tout de même meilleur que ce que tu cuisines en mélangeant tes vieux restes du frigo.
Ceux qui apprécient de lire les paroles en écoutant un album seront également ravis. Outre le fait que les textes soient en français, ce qui pour des gros nuls en langue comme moi est toujours un plus, la thématique spatiale (« Kepler-186 f ») développée est vraiment bien écrite. Là encore on sent qu’un important travail narratif a été réalisé par
Marouchka et
Léopold Henchoz (frère et sœur ? mari et femme ?). «
Le navire s’élance au-dessus de l’écume dans un terrible orage et un déluge ardent. Nous voici déjà plus loin que tous les autres avant nous » (« Mise en orbite ») ; «
Ses mains esquissent des univers sur ma peau » (Une épave de plus).
Cette approche très littéraire trouve le parfait écho dans la grande richesse musicale du LP, les variations suivant bien souvent les crescendos et decrescendos des mots. A ce titre, la seule limite que je trouve dans cet exercice est le choix d’un chant systématiquement hurlé qui me semble par conséquent trop figé, monolithique, au regard de ce qui se passe autour. J’aurais apprécié davantage de diversité, quitte à avoir de belles voix claires, cela aurait peut-être évité la légère lassitude qui finit par pointer après soixante minutes d’écoute. C’est long de se faire gueuler dans les oreilles pendant une heure.
Il reste qu’il a certainement fallu fournir un travail colossal pour aboutir à un disque du calibre de ce «
32 décembre » car si les compositions sont longues, elles ne sont jamais redondantes, foisonnantes au contraire, tant en termes d’idées que de genres explorés. Je lis que la principale autrice et compositrice est
Marouchka Henchoz, je lui tire mon chapeau car tout se tient dans un ensemble homogène sur le fond et la forme. Voilà donc une nouvelle formation aussi prometteuse qu’ambitieuse et qui frappe de suite très fort avec cette première sortie.
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