Amiensus - All Paths Lead To Death
Chronique
Amiensus All Paths Lead To Death (EP)
Depuis ses débuts en 2010 la formation de Rochester n’a jamais laissée indifférente, que ce soit du côté des fans de Metal comme de Progressif : pas assez brutal et trop barrée pour les uns alors que pour les autres c’était justement l’inverse, le tout en traînant une réputation de groupe à la mode sans personnalité. Du coup difficile pour celui-ci d’arriver à se frayer un chemin solide et stable au milieu d’une scène Black qui ne cesse de faire le grand écart entre retour aux sources et son volontairement crade d’un côté, et modernisme plus accessible et grand-public comme le Post-Black de l’autre (par ailleurs très tendance depuis quelques temps). Après les bons retours de son second album « Ascension » le combo protéiforme va encore une fois étonner et diviser, tout en calculant bien son coup, car en proposant sa nouvelle sortie sous le format de l’EP celui-ci limite les risques et attend de voir la réaction des fans pour savoir s’il continue dans cette nouvelle optique, ou s’il fait machine arrière. Car musicalement on est assez loin de sa précédente sortie, terminées ici les parties instrumentales à rallonges, on est là sur quelquechose de plus direct et brutal mais qui conserve des orchestrations plutôt recherchées (dont l’ensemble a été composé juste avant de partir en tournée avec ABIGAIL WILLIAMS) dont l’ensemble correspond assez bien à la pochette magnifique intitulée « Satan Presiding At The Infernal Council » signée du peintre John Martin (1789-1854) qui est fortement redécouvert depuis peu. En effet il a la cote actuellement auprès des musiciens en quête de fresques sombres et religieuses, notamment auprès des Irlandais d’APOSTATE VIATICUM ou des Allemands de DESASTER qui ont eux aussi utilisé une de ses créations pour leurs opus sortis récemment.
Pour en revenir à la musique dès le démarrage on est étonné par la nouvelle direction de la bande, mais on se laisse facilement happer avec « Gehenna » qui mixe intelligemment blasts ultra-rapides, riffs très sombres aux relents Dark et neigeux, sans oublier les ralentissements et passages plus écrasants. Cependant afin de ne pas dérouter encore plus son auditoire celle-ci a conservé quelques nappes de claviers bienvenues qui permettent de renforcer ce sentiment de mélancolie général, où des voix claires et passablement tristes apparaissent à plusieurs reprises pour éviter de tomber dans la redondance. Car bien qu’ayant raccourci ses compositions celles-ci tournent quand même aux alentours des six minutes chacune, du coup il est indispensable d’aérer au maximum sa musique et la diversifier à outrance, tout en gardant une base simple et accrocheuse, et c’est le cas avec « Mouth Of The Abyss ». Ce titre démarre pied au plancher où le riff principal glacial et coupant entraîne la batterie furibarde avec lui pendant un bon moment, avant que le tout ne se calme pour mieux repartir ensuite avec un léger côté épique et remuant, qui sert de rampe de lancement à une dernière salve de passages speedés et en finir de façon plus posée et planante. Montrant là encore toute la densité et créativité de ses géniteurs, cette galette va continuer à nous scotcher et à nous surprendre, tout d’abord avec « Prophecy » qui va laisser plus de place aux ambiances et se rapprocher de leurs influences majeures nommées ENSLAVED et AGALLOCH. Ici peu de place pour la vitesse et la démonstration physique, on privilégie le côté mystique et envoûtant avec des nappes de clavier plus importantes qu’auparavant, conjugué à un solo de haute tenue et à un frappeur qui sait se faire plus posé et technique (mais sans jamais en faire des tonnes). Bien que totalement différent de ce qu’on a pu entendre auparavant ce titre s’avère être parfaitement raccord avec le reste, et sa place judicieuse pile au milieu permet à l’ensemble de se calmer pour mieux repartir ensuite. Ça redémarre très fort avec « Desolating Sacrilege » à la fois remuant et très épique, où là-encore le sens du riff des guitaristes (conjugué au jeu subtil du marteleur) fait des merveilles, et où le boulot effectué par les voix prend tout son sens. Depuis le début la plupart des membres se relaient de manière plus ou moins régulière au micro, chacun apportant sa touche caractéristique afin de proposer moins de monotonie, et c’est le cas vu qu’on trouve à la fois des growls, des parties criées légèrement Core et du chant clair pour plus d’émotions. Ici les gars nous compilent deux parties distinctes sur cette compo qui durant une bon moment nous propose une variété de rythmes basée sur un tempo élevé et entraînant, avant que le dernier-tiers de celle-ci ne se base plus sur l’écrasement et la lenteur (tout en se faisant plus recherchée), pour un résultat hyper dynamique et réussi, avant de conclure le tout par « The River » (qui n’a rien à voir avec le mythique disque de Bruce Springsteen), qui va faire le grand écart. On passe facilement de la brutalité et du headbanging d’ouverture à quelquechose de plus travaillé et presque Prog’ sur la fin, entre tout ça de nombreuses cassures et breaks figurent tout du long, toujours parfaitement en place et sans trop en faire, qui maintiennent une vraie cohésion générale qui s’achève au bout d’une demi-heure, et de la plus belle des manières.
Si ce format court sert encore trop souvent de bouche-trou (ou cache-misère) il n’en est rien ici, et pourrait presque faire office de second album de la bande, tant la qualité est au rendez-vous. A la fois très bien écrit, cohérent de A à Z, tout en subtilité et intégrant de nombreuses influences sans jamais les reprendre de manière trop flagrante, il montre des gars plus mâtures et sûrs de leur fait qui n’ont surtout pas peur d’évoluer et de faire ce qui leur plait. Alors certes ça pourra chipoter sur le fait que certaines parties se répètent un peu et se retrouvent sur les différentes plages, il n’en reste pas moins qu’on est présence d’un produit de qualité, superbement produit et à l’accroche immédiate, qu’on aura plaisir à se remettre régulièrement tant on y découvre de nouvelles choses à chaque fois.
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