Après un
Axioma Ethica Odini très réussi qui avait d'ailleurs reçu les louanges de votre webzine préféré via l'ami Ikea en 2010, finissant même parmi les « albums de l'année », les emblématiques et inloupables Norvégiens d'ENSLAVED reviennent, sponsorisés cette fois par Nuclear Blast, pour servir un
RIITIIR (formule runique signifiant littéralement « Les rites de l'homme ») à l'artwork tout bonnement fabuleux. Ces trois mains tendues vers le ciel, implorant les dieux, ont tout pour attirer l’œil, la couleur somptueuse et originale du fond faisant le reste. Rompant avec le gris/bleu glacial de
Vertebrae et
Axioma Ethica Odini, cette tranchante illustration de Truls Espedal met idéalement en valeur la géniale musique que nous servent ici les Norvégiens, une fois encore. Faisant partie de cette génération qui a découvert ENSLAVED dans les années 2000, donc avec leur période plus progressive / atmosphérique, j'ai toujours considéré que les Norvégiens n'avaient jamais perdu leur âme viking et épique en évoluant vers un Black Metal plus « peaufiné » que leurs premières salves exceptionnelles comme
Eld ou
Frost pour ne citer qu'elles, offrandes qui me transportent tout autant que les albums tels que
Monumension ou
Below the Lights. C'est donc avec une énorme impatience que j'attendais ce
RIITIIR qui faisait baver d'avance tous les fans actuels du groupe avec ces extraits excellents postés avant sa sortie finalement effective le 1er octobre en Europe.
En effet, les morceaux de bravoure que sont « Thoughts Like Hammers » et « Veilburner » ont dû tourner en boucle chez un certain nombre d’aficionados du combo car ils avaient clairement les épaules pour ça. Alors que le premier façonnait une atmosphère lourde et un tempo bien écrasant alternant avec des refrains aériens, le second révélait une envolée épique totalement maîtrisée à travers l'équilibre entre le chant Black Metal d'un Grutle Kjellson n'ayant pas pris une ride et le chant clair très émotionnel, une fois encore, de Herbrand Larsen. Ces extraits, anticipant déjà la qualité promise de
RIITIIR, dessinaient déjà un album complexe, nécessitant un grand nombre d'écoutes pour appréhender la chair de ces riffs à la fois alambiqués et terriblement efficaces. Le chant clair, encore mieux exploité que sur
Axioma Ethica Odini prend ici une nouvelle dimension, habitant tous les morceaux de son panache, ponctuant les passages plus intimistes (la sublime fin de « Forsaken » concluant brillamment l'album notamment) et portant certaines mélodies avec une efficacité certaine. A l'évidence, son chant est ici ultra travaillé et ses intonations ne tombent jamais dans la facilité comme elles pouvaient le faire dans un album comme
Vertebrae.
Point de passages estampillés PINK FLOYD ici, ENSLAVED développe des atmosphères très personnelles, très dévouées, presque « religieuses » à leur manière. L'aspect rituel et païen de leur Black Metal remue le cœur dès « Death in the Eyes of Dawn », génial mid-tempo et bon exemple de cette dimension transcendante que prend ici Larsen : l'émotion qu'il met dans sa voix complète à la perfection les hurlements guerriers de Kjellson, prenant le morceau en sa possession dès les premiers riffs,
« The creation I can't remember... » puis laissant à Larsen des messages fuyants et énigmatiques
« I see death in the eyes of dawn... » pour partager un magnifique refrain à deux :
« Blinded are my eyes... » pour Larsen, suivi du poignant passage hurlé très viking
« When will I remember ? When will I hear the call ? » pour Kjellson... Ce passage est AAAAARGHHHH ! Les 44 éjaculations du lotus blanc immaculé, là. Bref, ne pas se laisser emporter par l'enthousiasme, reprenons. En somme, le duo fonctionne à merveille, et ce sur tout le disque, à l'image de ce moment également partagé sur « Veilburner » :
« Necessity / Carer, Killer ! » !
Oui, ENSLAVED est beau à en pleurer sur certains passages (on a dit quoi Geisterber ? Calme toi bon dieu on va te prendre pour un gay!) : tout est fait pour valoriser et sublimer leur aspect poignant et ce jusqu'à la batterie de Cato Bekkevold, divine, usant à tout va de cymbales crash et de double pédale solide sur les passages plus lents et soulevant des blasts ultra efficaces sur les passages qui le demandent. Et bien sûr, le riffing et les soli restent très intenses : ENSLAVED déverse un maelström mélodique explosif copinant parfois avec une dissonance classieuse et racée (sur les breaks intimistes de « Thoughts Like The Hammers » ou de « Death in the Eyes of Dawn » par exemple), éléments sans cesse remis en cause par le rythme du disque renouvelant à merveille l'ensemble et faisant passer la grosse heure de l'album pour une minute. Ce rythme est animé par de multiples cassures de rythmes sculptant soit des ralentissements rituels et profonds, comme la superbe transition lancée par le clavier sur « Forsaken » amenant le gros break lent final et les dernières minutes fatales du disque... soit des accélérations fulgurantes comme le refrain de « Veilburner », le blast final salvateur de « RIITIIR » ou encore celui qui lance le terrible morceau « Storm of Memories » sur le chemin de la grandeur. A quelques reprises, Ice Dale gratifie l'auditeur d'un solo, classique ou avec tapping ultra planant et jamais dans la surenchère, à l'image de celui qu'il envoie dans « Materal », phénoménal de beauté. Alors oui, certains gougnafiers pourraient presque trouver ça un peu surfait, trop propre ou trop parfait pour être réel, mais il n'en est rien : la maîtrise et l'humilité priment toujours chez ces Norvégiens qui ne nous décevront pas de sitôt !
De même, si la basse a toujours été un des points forts d'ENSLAVED de par la présence intemporelle de Kjellson dans le groupe, elle est ici en habits d'apparat. Ronde et piquante, présente sur chaque riff de Ice Dale et superbement mise en valeur par le son cristallin de la production aux petits oignons, elle apporte toute la classe que savent diffuser les grands bassistes, comme le montre le pont basse / batterie le terriblissime morceau « Roots of the Mountain », véritable apogée de l'album et osmose parfaite entre ce Black Metal bien vindicatif que savent encore très bien faire les Norvégien et ces passages atmosphériques ultra poignant qu'ils s'approprient d'albums en albums. C'est également sur « Roots of the Mountain » que les deux voix s'articulent le mieux, mélangeant à la perfection agressivité et mélancolie. RETENEZ MOI ! Mais bon dieu RETENEZ MOI de m'émerveiller sur le moindre coup de cymbale, sur la moindre note touchante ! Kjellson brille également sur l'introduction très psychédélique de « Storm of Memories » qui voit son rythme alambiqué porté à bout de bras par une basse bien survoltée ou encore sur le morceau éponyme « RIITIIR » ou sa partie est tout simplement démente. Notre homme contribue donc parfaitement à la richesse de ce disque, renforçant la limpidité du son, notamment dans les graves où la production s'impose comme parfaitement juste.
Vous dire que je manque de mots pour qualifier les huit perles de ce disque excellent s'avère donc un mensonge éhonté de ma part (ben ouais vu le pavé que tu viens de sortir, ça aurait pas été crédible crème d'emplâtre!) tant je dois courber l'échine devant cette qualité présente à tous les niveaux, aujourd'hui encore, chez des Norvégiens qui savent plus que jamais comment se renouveler malgré les grandes choses qui ont été réalisées précédemment. Même les quelques longueurs, péché mignon d'ENSLAVED sur ces sorties atmosphériques (pour
RIITIIR, on pensera au début de « Materal » notamment) s'effacent immédiatement dans la mémoire une fois l'écoute terminée... je ne colle que très rarement un 9 à un album récent, mais là il faut se rendre à l'évidence les petits amis :
RIITIIR s'impose comme un vrai chef-d’œuvre, dépassant d'assez loin les précédentes sortie du combo au moins jusqu'à
Isa (2004) et mérite donc largement cette note canon et cette déclaration d'amour de ma part, agenouillé une épée à la main devant ces « rites de l'homme » menés avec une dévotion sans pareille. Si le groupe avait su se maintenir à un excellent niveau avec un précédent disque plus violent, il monte d'un cran en renforçant l'aspect atmosphérique de sa musique, la rendant personnelle et maintenant envers et contre tous cette richesse caractéristique. Maintenant, si vous me permettez, j'y retourne!
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