In Human Form - Opening of the Eye by the Death of the I
Chronique
In Human Form Opening of the Eye by the Death of the I
S'il-te-plaît, cher lecteur, ne fais pas l'erreur de t'arrêter au nom à rallonge de "Opening of the Eye by the Death of the I", ni à sa pochette exotique. En faisant l'effort de creuser un peu, tu constateras sans mal qu'In Human Form propose un peu plus que deux schtroumpfs sous stéroïdes, le sifflet à l'air, entourés de leurs semblables passablement amochés. Ce n'est pas un hasard ni une erreur de casting si l'album en question a bénéficié d'un pressage en bonne et due forme chez le fantastique label rital I, Voidhanger Records - ce dernier semblant, depuis ses débuts, maintenir un niveau de qualité aussi constant qu'insolent.
Je ne pourrai pas en vouloir à ceux qui découvriraient In Human Form avec cet opus. L'opus dont nous parlons aujourd'hui n'est que le deuxième full-length de la formation... Cette dernière ayant déjà passé plus de dix ans tapie dans l'ombre d'une scène à laquelle elle s'identifie de moins en moins. "Opening of the Eye by the Death of the I", aboutissement d'une carrière jalonnée de deux démos (ayant pas mal tourné sur les Blogspots spécialisés, à l'époque dorée du téléchargement direct), deux splits, et d'un précédent long format, "Earthern Urn", de très bonne facture.
Déjà, à l'époque, le Black Metal était tordu, tarabiscoté, une griffe à droite, un tentacule en bas, la tête à gauche. Chaque sortie était un pallier franchi dans l'expérimentation. Cette composante étant, logiquement, poussée à son paroxysme sur "Opening of the Eye by the Death of the I", galette bien plus progressive que typiquement Black : on n'y trouve que quelques rappels, le chant éructé, quelques piques de tremolo éparses, de timides accélérations, peut-être deux ou trois saccades, mais c'est bien tout.
Trois longs titres entrecoupés par trois interludes mi-ambiants, mi-acoustiques, affichant une durée affolante : In Human Form a toujours été exigeant avec ses auditeurs. Et ce n'est pas avec cette dernière offrande que les choses vont changer - après tout, il faut bien tenir la comparaison avec ses camarades de label. In Human Form n'a qu'un but ; se faire python réticulé pour mieux vous hypnotiser, entraînant tête la première ses auditeurs dans son univers étrange, faites de rythmiques lentes, entêtantes, et d'arrangements tantôt inquiétants, tantôt complètement psychédéliques. Un travail impressionnant de minutie, mais qui perd de sa puissance au fil des écoutes.
"Opening of the Eye by the Death of the I" est un trip halluciné, et hallucinant, de son ouverture jusqu'à sa fermeture. Clavier très kitsch et chœurs synthétiques dès le démarrage (la courte introduction "Le Délire des Négations", qui ne veut absolument rien dire), embrayant sur le premier véritable titre de l'opus. Guitares calmes, batterie presque tribale, voix certes un peu approximative mais l'univers prend forme petit à petit. L'on naviguera sur des eaux acides au rythme des frappes précises, puissantes, d'un batteur en fusion - la production limpide de l'album rend d'ailleurs justice à son jeu, piochant allégrement dans le free jazz ses envies de taquiner les cymbales. Les guitares ne sont pas destinées à faire tapisserie, elles trouvent dans les six titres de "Opening of the Eye by the Death of the I" un espace d'expression privilégié, et en prenant leur temps : delirium tremens bancal et pourtant délicieusement prenant (à 5:20 de "All Is Occulted by Swathes of Ego"), nombreux temps d'improvisation (le jam spontané à 10:25 de "Zenith Thesis, Abbadon Hypothesis"), riffing en bloc qui nous ramène en terrain connu (le début très orthodoxe de "Through an Obstructionist's Eye")... Le voyage peut être vécu comme expérience éprouvante, tant les guitaristes semblent s'échiner à nous donner le tournis. Le responsable de la quatre cordes n'en mène pas large, obligé d'utiliser son instrument en tant qu'apport mélodique plutôt qu'en support rythmique. La voix est, quant à elle, très discrète, ce qui n'est pas un mal : le chant est le point le moins réussi de l'opus. Forcé, poussif, presque pénible, il aurait rendu l'écoute pénible s'il avait été omniprésent. Déjà que...
"Opening of the Eye by the Death of the I" est un très bon disque, c'est une certitude. Mais pas forcément toujours à la hauteur de ses ambitions. Indéniablement classe, servi par le talent et la maîtrise technique de ses géniteurs, les trois longues compositions suivent malheureusement quasi-systématiquement le même schéma, adoptant un découpage expérimentations lentes/parties saccadées pour réveiller/final paisible. Autant vous dire qu'en plus de cinquante minutes, on a le temps de retenir le schéma et d'anticiper les coups. L'effet de surprise, très présent lors des premières écoutes, s'estompe rapidement, et la lassitude finira, fatalement, par devenir de plus en plus présente dès la seconde moitié de "Opening of the Eye by the Death of the I" - les parties "improvisées" étant tartinées jusqu'à un écœurement quasi total (l'interlude "Ghosts Alike"). J'en viens à lui préférer son aîné, "Earthern Urn", qui, à mon sens, prenait moins de risques et gardait un côté très frontal, énergique, qui permettait à l'auditeur de ne pas décrocher. Même si ce dernier album reste cohérent dans ses envies de partir dans tous les sens, certaines petites fautes de goût (le duo de chants clair masculin/féminin en tête de file) et autres tendances à la répétition le rendent rapidement fatiguant.
A réserver à ceux qui sauront prendre de leur temps pour tenter d'apprivoiser les Américains, et à ceux qui pourront trouver leur bonheur dans les longues plages instrumentales, finalement très apaisées, d'In Human Form. "Opening of the Eye by the Death of the I" est un rêve coloré, éveillé, presque inoffensif - quand j'espérais plutôt me faire dévorer vivant par une créature cauchemardesque.
| Sagamore 30 Septembre 2017 - 565 lectures |
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