La raison d’être d’une démo dont le nom est, rappelons-le, un diminutif au terme "démonstration", est pour le groupe qui se prête à cet exercice l’opportunité de faire étalage de son talent et de ses aptitudes en l’espace de quelques titres seulement. Par conséquent, ce n’est donc pas un format sensé s’étirer en longueur mais plutôt une présentation succincte de ce que l’on peut légitimement attendre d’une formation généralement en devenir ou en tout cas à la carrière naissante.
Si le postulat énoncé ci-dessus constitue aujourd’hui et depuis déjà belle lurette la norme pour tout un tas de jeunes entités désireuses de se lancer corps et âme dans leur aventure musicale, il arrive de temps à autre que certains groupes sortent volontairement des clous et fassent les choses différemment.
C’est le cas des Allemands d’Hadopelagyal qui pour leur première démo ont vu les choses en grand avec cinq titres (jusque-là tout va bien) pour une durée que l’on ne qualifiera pas d’excessive mais qui dans ce contexte à de quoi surprendre puisqu’elle avoisine en effet les quarante-cinq minutes. Alors il pourrait paraître tentant d’envisager
XXXVI XXXI N XXV XXVIII O comme un album à part entière sauf qu’il s’agit bel et bien d’une démo même si, ironie du sort, celle-ci s’avère durer plus longtemps que
Nereidean Seismic End, premier album du groupe paru l’année dernière chez Ván Records.
Avant d’être un duo, Hadopelagyal fonctionnait initialement sur la base d’un trio avec autour d’Hekla (chant, guitare et tête pensante de cette entité) monsieur D. (guitare) et monsieur H. (batterie) que certains d’entre vous ont peut-être déjà croisé au sein de Flagras, Hamleypa ou bien encore Undarlih (trois groupes qui me sont personnellement complètement inconnus). C’est ainsi sous cette configuration que le groupe sort sa toute première démo à l’automne 2018 et cela de manière totalement indépendante avec à la clef deux éditions cassettes limitées respectivement à 94 puis 296 exemplaires. Il faudra attendre 2019 pour que Ván Records jette son dévolu sur cette mystérieuse formation et propose une version vinyle de cette première démo dans une édition particulièrement qualitative dont il est coutumier.
Mis en boite avec l’aide de Karapan Darvish (Ateiggär, Lykhaeon, Pale Spektre, Ungfell...) et d’un certain S.P.S.,
XXXVI XXXI N XXV XXVIII O se distingue d’entrée de jeu par sa production abrasive, dépouillée et lointaine qui colle à merveille à son statut de « simple » démo. Une production rudimentaire et un brin déséquilibrée qui en laissera probablement quelques-uns sur le bas côté mais qui à n’en point douter participe à l’aura suffocante de ces cinq compositions particulièrement menaçantes.
Parue quatre ans avant l’excellent
Nereidean Seismic End, cette première démo en possède déjà presque toutes les qualités puisqu’à l’exception de cette production qui rend l’exercice d’immersion peut-être un petit peu plus compliqué, on retrouve ici tout ce qui fait la force d’Hadopelagyal. En effet, tout de suite très à l’aise dans l’exercice de ses fonctions, le trio allemand déroulait déjà à l’époque un Black / Death particulièrement convaincant. Moins concis dans son expression qu’il ne l’est aujourd’hui, le trio prenait plaisir à dérouler ses visions d’horreurs sur des compositions s’étirants de six à dix-sept minutes (une durée qui pour ce dernier titre fleuve peut néanmoins être pondérée puisque les (cinq) trois dernières minutes de "Craving In Infinite Void" ne servent finalement pas à grand chose). Une musique résolument intense et exigeante marquée notamment par de nombreuses accélérations menées le couteau entre les dents (des séquences relativement variées malgré une dynamique commune) ainsi que par un riffing à la fois diffus, sournois et torturé qui va largement participer à ce sentiment de menace insidieuse qui plane à l’écoute de ces quarante-cinq minutes particulièrement éreintantes. Naturellement, le groupe n’est pas sans proposer quelques variations que ce soit sur les derniers instants de "Raise And Hail The Dead In Mortal Utter Madness" et "As Omniferous Domination Ruled With Zero Clemency" ou sur "Down In The Valley Of Eden's Horizon" à 4:02, "Depravity Shall Triumph" à 3:13 et les cinq premières minutes de "Craving In Infinite Void". Des moments parmi d’autres qui servent évidemment à contrebalancer la nature intransigeante et punitive d’Hadopelagyal lors de ces phases les plus virulentes mais également à étoffer ces ambiances pesantes et perfides qui constituent à n’en point douter l’un des points de mort du Black / Death d’Hadopelagyal.
Définitivement plus sale et plus hermétique, le Black / Death des Allemands n’en reste pas moins sur cette première démo particulièrement convaincant avec en sa possession tout ce qu’il faut pour séduire l’amateur de ce genre de formations peu disposées à sortir des clous. Une mise en bouche des plus généreuses qui sera suivie deux ans plus tard par deux "collaborations" en compagnie de Kosmokrator et Thorybos sous les couleurs de Ván Records et Amor Fati Productions avant de poursuivre avec un premier album dont je vous ai déjà parlé avec enthousiasme. Bref, les clients de groupes tels que Portal, Impetuous Ritual, Teitanblood et compagnie qui lisent cette chronique seraient bien avisés de jeter une oreille sur cette première offrande. Les risques d’être déçus sont en effet plutôt minimes...
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