Rien qu’en ne considérant que les éléments extérieurs à la musique, tu as la certitude que «
Contamination Rises » est un album qui va compter. Déjà, alors que ce n’est que le deuxième LP du groupe,
NO RETURN s’envole pour les Etats-Unis, en direction de Tampa et du célèbre
Morrisound Studio à la rencontre de
Tom Morris, autant te dire que c’est mieux que le Pape, le Dalaï-lama et Gandhi réunis. Aujourd’hui, l’impact est moindre mais, à l’époque, cela voulait tout dire, tu savais d’emblée qu’un disque enregistré là-bas allait forcément peser à mort ! Tu l’achetais les yeux fermés. Ensuite, il y a cette pochette… Putain mais j’en rêvais quand je la voyais passer dans les magazines d’alors ! Elle était et reste l’une des plus belles illustrations réalisées, complètement morbide, agressive, avec ses teintes glauques, on pigeait alors rapidement que les Parisiens avaient changé de dimension avec ce disque, il n’y a même pas besoin de l’écouter pour en être convaincu.
Et pourtant on l’écoute quand même. Les mecs nous refont le coup de l’introduction instrumentale, sauf qu’à la différence de celle présente sur
« Psychological Torment », elle pose une putain d’ambiance oppressante que, dans un élan d’optimisme, je serais tenté de comparer à « The Invocation » sur «
Abominations of Desolation » (de
MORBID ANGEL pour ceux qui sèchent) avant que l’auditeur se fasse éclater la rate par « Memories ». Là, ça ne rigole plus, tout, absolument tout sur «
Contamination Rises » a été galvanisé. Evidemment, il y a cette production américaine en béton qui décuple la noirceur de l’écriture de
NO RETURN, lui donne sa pleine mesure. La moiteur floridienne te fait salement transpirer du fion. Ensuite, mais peut-être est-ce un corollaire de cette délocalisation, les influences
thrash s’amenuisent au profit d’un renforcement des aspects plus brutalement
death metal, les passages blastés et le riffing me faisant principalement penser au
« Harmony Corruption » de
NAPALM DEATH plutôt qu’aux purulences typiquement US. Conséquence immédiate de cet accroissement de violence, la voix de
Philippe Ordon descend davantage dans les graves alors que la basse de
Laurent Janault est mieux mise en valeur que par le passé. Ses lignes claquent, sourdes, posent des bases robustes pour que les guitares puissent cracher leurs riffs fatals.
Pourtant, tout comme
LOUDBLAST qui avait fait le voyage pour
« Disincarnate » puis le à jamais dans nos cœurs
« Sublime Dementia », le quintette ne dénature pas son identité musicale, les douze compositions ayant certainement été écrites bien avant l’enregistrement, ce qui semble assez logique au regard de ce que cela devait coûter au label
Semetery Records en termes d’investissement financier : quand tu arrives en studio, tes chansons sont déjà poncées jusqu’à l’os, il n’y a pas le temps de faire cinquante prises ou de te poser des questions existentielles sur tes textes ou tes riffs. J’ai donc tendance à voir le
Morrisound Studio comme un accélérateur, une expérience qui devait t’aider à te professionnaliser plus vite tout en te permettant de gagner une aura internationale.
L’aura, il est indéniable qu’elle est bel et bien là. Les deux ans qui séparent «
Psychological Torment » de cet album sont un gouffre abyssal tant les musiciens (le line up est resté le même) ont gagné en intensité de jeu : c’est plus rapide, plus technique, plus bestial, plus précis, plus ambitieux également, plus personnel aussi… Et peut-être conscient qu’en étant aussi virulent tout du long, les quarante minutes de «
Contamination Rises » pourraient asphyxier l’auditeur, nous avons droit à un petit interlude acoustique, « Sorrow », gimmick que reprendra d’ailleurs l’année suivante
MERCYLESS dans son «
Coloured Funeral » (« Agrazabeth ») et qui, maintenant que je le réécoute, me laisse à penser que
GOJIRA l’a un peu pompé avec « Mandragore » dans sa démo «
Possessed ». Quoi qu’il en soit, elle fait du bien cette brève pause acoustique. Parce qu’on vient déjà de se bouffer neuf compositions bien brutales et les musiciens attendent pour nous achever avec « Mass Grave » puis « Revolt of the Hanged », un titre en guise de synthèse ce qu’est désormais
NO RETURN : une entité qui a su transcender ses influences
thrash 80’s pour muter vers un
death metal qui aurait cependant conservé des racines
hardcore, sachant que plus j’écoute, plus je campe sur mes positions quant au parallèle avec
NAPALM DEATH.
Bizarrement, à l’instar de
MASSACRA sur
« Sick », de
MERCYLESS avec «
C.O.L.D. » puis «
Sure to be Pure » ou encore de
CRUSHER sur l’EP
« Act II : Undermine ! »,
NO RETURN ne poursuivra pas dans cette voie extrémiste et se tournera avec son troisième album «
Seasons of Soul » vers des choses plus « power », davantage « groove »… Les membres étaient-ils dans une impasse musicale ? Pensaient-ils avoir fait le tour du
death metal en seulement un disque ? Ont-ils pensé que la course à la violence ultime était perdue d’avance car sans fin ? Ils n’aimaient pas le death peut-être… Quoi qu’il en soit, la suite de la carrière semble donner raison à ses orientations musicales, la formation devenant rapidement une pointure dans ce registre
thrash death certes exécuté avec une grande maestria mais qui a fini par me perdre du fait de ses accents trop mélodiques. Il restera cependant toujours ce joyau du début des années 90, un diamant au sein d’une discographie brillante.
4 COMMENTAIRE(S)
03/09/2023 10:35
M'avait pas marqué par rapport aux pointures du genre de l'époque, notamment ricaines, mais du coup... c'est l'occasion de le ressortir !
02/09/2023 17:25
02/09/2023 17:18
02/09/2023 14:21
100% Death Metal, avec la prod Morrisound, loin de l'amateurisme touchant de Psychological, un album trop peu cité dans le Death Français.