On avait quitté les norvégiens sur un
Vertebrae en forme de point d'interrogation, tant il semblait être l'aboutissement (en demi-teinte pour ma part) d'un groupe lorgnant d'album en album vers plus de progressif et moins de black metal. Qu'allait faire Enslaved, virer Grutle le moustachu et se renommer Jethro Tull ? Hé non, il a préféré sortir de l'impasse en se retournant, simplement !
Tes cheveux virevoltent et s'emmêlent à l'évocation du morceau « Entroper » et son black prog' velu ? Alors pense à changer d'après-shampoing car ils t'en ont préparé une pelletée de cet acabit ! Dès « Ethica Odini », l'intensité est palpable et baissera rarement, juste ce qu'il faut pour respirer (lors de l'interlude « Axioma »). La batterie est en mode punk, les guitares ne font pas de prisonnier et Grutle joue de nouveau à domicile. Que les amateurs de Herbrand Larsen se rassurent, sa voix de miel sortie de la cuisse de Jupiter a toujours une place importante et, bien que ce dernier se fasse moins envahissant que sur
Vertebrae, il nous gratifie d'une performance plus qu'honorable, ses apparitions n'en devenant que plus marquantes (« Warunn », « The Beacon » ou la belle de nuit « Night Sight »). Les déçus seront à chercher chez les groupies des soli bourrés de feeling de Arve Isdal, de courte durée et présents uniquement sur « Ethica Odini », « Raidho » et « Lightening ». Mais elles auraient tort de bouder leur plaisir tant ce retour fait passer
Ruun pour une pichenette d'anorexique ! Entre accélérations fulgurantes, tremolos sauvages, breaks incessants ou pesanteur doomy, il y a de quoi se sentir vite acculé. Surtout que les différents types de chant criard/growlé/clair ne font plus la file indienne comme avant mais se bousculent de manière jouissive, à l'image du break vicieux de « Lightening ». Une production multicouche accompagne à merveille ces compositions chargées.
Mais n'oublions pas que l'on parle d'Enslaved, une bande de foutus pour la vie qui, la trentaine passée, passent leurs soirées à fumer des joints en causant Bifröst et Walhalla. Ça pilonne sec, certes, mais au service de la transe. Il y a le thème général traitant des relations entre l'ordre et le chaos d'un point de vue interne et externe (
foutus pour la vie) mais aussi ces décharges irradiantes sortant de ce foisonnement de riffs comme la fin de « Ethica Odini », « Giants » ou les voix claires montantes de « Lightening ». Chaque morceau possède ses frissons et la tristesse des norvégiens s'exprime sur « Night Sight », où Herbrand s'habille d'une mélancolie d'ange solitaire à la Nick Drake.
Tout ça aurait pu se casser la gueule avec ces explosions à gogo donnant un côté Hollywoodien/Michael Bay à ce disque. Mais ce serait sans ce qui fait de
Axioma Ethica Odini un must have de l'année : la maîtrise. L'oreille est au départ déçue, cherchant sans résultat le morceau-ultime qu'elle est en droit d'attendre pour le ranger à côté de « Grounds », « Neogenesis » ou « Essence ». Elle se rend vite compte que le plaisir nait d'autre chose, de cette fluidité qui est un tour de force vu les structures labyrinthiques des compositions, de ces arpèges savamment posés ou de ces notes parfaitement enchainées et de cette constance dans la qualité, où l'efficacité ne tombe pas dans l'écueil du putassier mais sert une profonde émotion. Pas seulement « le bon riff joué au bon moment » mais le sentiment d'entendre un groupe passionné, usant de son expérience sans oublier la spontanéité, au point d'arriver à allier accroche directe et jeu alambiqué. Chaque écoute de
Axioma Ethica Odini me laisse admiratif, alors que je suivais depuis
Vertebrae l'actualité d'Enslaved d'un œil morne. Des cramés du bulbe mais avec le feu sacré !
Les défauts se comptent sur une main de lépreux. J'ai beau chercher, il n'y a que le début étrange de « Singular » et la fin de « Lightening », terminant sèchement l'album, qui éveillent mon regard critique. Mais non, on excuse et même que l'on ferme les yeux sur la pochette ridicule et le manque de prise de risque. De toute façon, il ne faut pas attendre d'Enslaved un nouveau changement radical mais une déclinaison de son univers fait de viking et de flamant rose, mélange suffisamment rare pour que chaque offrande soit accueillie avec bienveillance. Il n'a pas cependant cette plus-value qui faisait de
Isa et
Below The Lights des chefs-d'œuvre mais
Axioma Ethica Odini n'en est pas moins incontournable du fait de sa rage retrouvée et son atmosphère théâtrale, un clair-obscur brûlant. Un album zénithal pour un groupe loin de décliner.
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