Kaleikr - Heart of Lead
Chronique
Kaleikr Heart of Lead
La scène Islandaise est, décidément, aussi surprenante que qualitative... Si l'on connaissait bien son pendant profondément ésotérique et chaotique, l'album qui passe sur la table d'opération aujourd'hui ne riffe pas dans un volcan en éruption. Il est plutôt la retranscription musicale d'un Caspar Friedrich : il prête plus à la contemplation, la mélancolie et la minutie qu'au cassage de bouche dans les règles de l'art.
Inconnu jusqu'alors, Kaleikr est pourtant né en 2016 sous forme d'un duo. Et... Rien. Pas plus de démo que d'EP, ou même de petit split, qui aurait pu marquer le coup d'essai du combo. Les Islandais ne font rien comme tout le monde, on commence à avoir l'habitude. Non non, eux se paient le luxe de sortir leur premier full-length, "Heart of Lead", chez notre Debemur Morti national, excusez du peu. Le label a eu du flair, puisque ce que donne à entendre et imaginer ce premier opus est plutôt impressionnant de maîtrise et de minutie... Ha, on me dit dans l'oreillette que ce n'est pas tant du flair qu'un secret de polichinelle ? Hé oui, ce qui n'était pas précisé dans la fiche promo ni ailleurs, c'est que Kaleikr a été formé sur les cendres de Draugsól, auteurs d'un "Volaða Land" de qualité, sorti chez Signal Rex en 2017. Petits cachottiers... On comprend mieux le niveau affiché par ce soit-disant "premier opus" !
Le niveau, mais aussi les moyens mis en œuvre par l'écurie pour défendre leur nouveau poulain. Production en béton armé (malheureusement...), belle promo, et surtout, un habillage à la hauteur des ambitions de l'album : si j'avais tendance à dire qu'il sombrait dans l'auto-caricature, Metastazis me contredit en réalisant ce qui s'impose comme l'une de ses plus belles pochettes, qui colle parfaitement à l'ambiance mi-romantique, mi-tourmentée, de ce "Heart of Lead".
Noble mélange d'influences Black Metal et Death Metal, saupoudré d'arrangements classiques (ce violon qui hante les compositions), "Heart of Lead" jongle entre parties délicieusement maniérées et passages plus agressifs avec aisance, même si certaines transitions, un poil bancales, peuvent prêter à sourire (le break "Psyopus au rabais" à 4:40 du titre "The Descent", par exemple). L'album entier est malheureusement un peu difficile à avaler et digérer d'une traite, pas à cause d'un manque d'idées, mais à cause de sa relative longueur et de sa production : si cette dernière est effectivement très professionnelle, elle devient rapidement étouffante dès lors qu'il s'agit de blaster, la batterie et les cymbales prenant alors le pas sur tout le reste. Dommage, surtout quand on devine le travail d'orfèvre qui se planque derrière les arrangements relégués à l'arrière plan.
Ne crachons pas non plus dans le Skyr en faisant les fines-bouches, "Heart of Lead" reste bourré d'instants majestueux qui invitent autant au spleen qu'à la méditation. La désillusion semble être le fil rouge de l'opus, et ça se ressent, tant dans le pompier de certains riffs (l'ardent final de "Of Unbearable Longing") que dans ces hurlements déchirants, très Black, qui viennent apporter de la variété à ce chant grave, guttural, très présent et devenant malheureusement assez vite linéaire sur la longueur. Néanmoins, le duo sait composer et apporter de nouvelles couleurs à ses titres, proposant tantôt des motifs qu'on croirait sortis d'un disque de Death technique (à 2:48 sur "Internal Contradiction") ou d'un Enslaved alternatif dans lequel Ivar Bjørnson aurait laissé trop longtemps son nez dans la poudreuse (le final en crescendo du morceau titre), sans jamais hésiter à calmer les guitares pour laisser à la batterie le soin de s'exprimer, tout en ghost notes et en petites frappes sur les cymbales... Dommage, encore une fois, que la subtilité du jeu de Kjartan Harðarson soit réduite à néant par cette production gonflée aux amphétamines, puisqu'à l'image de son acolyte, il semble avoir mis ses tripes sur la table. C'est d'ailleurs ce qui fait qu'on persévère dans l'écoute, et qu'on se surprend même à retourner à ce "Heart of Lead" : à défaut d'être passionnant de bout en bout, l'album est passionné. Les émotions transmises sont palpables, prenantes, et ce même si leur intensité est un peu atténuée par les quelques défauts que nous avons évoqués.
Pas la baffe annoncée ni espérée, mais très loin d'être honteux pour autant, "Heart of Lead" est un disque varié, subtil mélange de Black et de Death malheureusement desservi par une production trop musclée, qui comblera aussi bien les amateurs de sensations fortes que ceux recherchant une expérience personnelle. On peut attaquer l'album sur bien des points, dire qu'il est un peu long, parfois un poil maladroit, mais on ne pourra pas accuser Kaleikr de tricher en cédant à l'appel de la facilité : les sept titres de ce "faux" premier opus transpirent la sincérité par tous leurs pores. C'est pourquoi, à défaut de votre entière attention, ce qu'il renferme méritera au moins votre curiosité.
| Sagamore 27 Janvier 2019 - 1751 lectures |
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