Abduction - Toutes Blessent, la Dernière Tue
Chronique
Abduction Toutes Blessent, la Dernière Tue
Après un début de carrière où les choses ont été un peu longues à se mettre en place en interne, le combo d’Île-de-France a depuis rectifié le tir en revenant désormais dans la lumière à intervalles réguliers... tout en continuant à creuser son sillon si personnel et original où violence, harmonies, cassures rythmiques et ambiances éthérées se mêlent en parfaite harmonie. Ayant délaissé les aventures de Jeanne d’Arc du précédent album pour nous embarquer aujourd’hui vers le romantisme en vigueur au XVIIIème siècle (dont la pochette tirée du tableau d’Hubert Robert « La promenade solitaire » - 1777, en est un parfait exemple), le quatuor ne va pas laisser une fois encore indifférent, manquant de haine rageuse pour les uns ou trop baroque et barré pour d’autres... ce qui est sûr en revanche c’est qu’il possède une véritable personnalité immédiatement identifiable, et qui a tout pour plaire au plus grand-nombre si on prend la peine et le temps de se laisser embarquer par sa musique. Si l’ensemble reste totalement dans la lignée des précédentes sorties de ses géniteurs, on y voit poindre néanmoins un côté plus direct et accessible qui se mêle facilement aux nombreux breaks et passages calmes apaisants qui rendent grâce à des textes très travaillés. Et une fois encore il faut saluer le boulot vocal impressionnant de François Blanc qui a joué encore plus sur les tessitures à la fois énervées comme plus chuchotées, et mis en valeur par les textes magnifiques du bassiste Mathieu Taverne qui rendent hommage à différents moments réels ou fictifs de l’histoire de France.
D’ailleurs tout cela va exploser au grand jour dès les premières secondes de « Toutes Blessent, la Dernière Tue » qui va nous offrir une vision très classique du style des franciliens, où la longueur des blasts est majoritaire au début comme à la fin et se voient entrecoupés en leur centre par des accords doux où le chant chuchoté et la batterie jazzy peuvent nous faire penser à une berceuse enfantine. Offrant en prime quelques accents médiévaux et nostalgiques bien troussés cette première plage au grand-écart affirmé va servir de lancement idéal à « Disparus de leur Vivant » qui s’enchaîne juste après en reprenant à peu près les mêmes bases, et en y ajoutant des passages mid-tempo épiques à souhait où l’envie de prendre l’épée y est instantanée tant le rendu y est immédiat et addictif. Même constat sur « Dans la Galerie des Glaces » qui suit juste après et qui garde cette facette guerrière malgré les nombreuses variations et ces relents plaintifs impeccables, tant ceux-ci ne tombent jamais dans le ridicule grâce à un vrai sens de l’écriture où l’on sent que chaque chose n’est pas là par hasard. Moins débridé et plus atmosphérique ce morceau qui nous envoie au château de Versailles à l’époque royale nous parsème d’ambiances nostalgiques d’avant la révolution française, où le faste ici est uniquement musical mais jamais guindé.
Tout le contraire de « Les Heures Impatientes » plus religieux et ambitieux dans sa construction, vu que tout le panel rythmique est ici de sortie aussi bien dans la virulence que le calme (les différents ralentissements aériens amenant un supplément d’âme) et clôt ainsi une première partie impeccable et sans aucune faute de goût, avant d’enchaîner sur l’interlude « Par les Sentiers Oubliés » qui permet de respirer sans dépareiller avec le reste. Et puis après tout cela la seconde moitié va arriver via le tribal et solaire « Carnets sur Récifs » aux riffs harmoniques et à la chaleur omniprésente au milieu des rasades de noirceur, et dont les ambiances apaisantes contribuent grandement à ce ressenti où la nostalgie et une certaine tranquillité d’esprit prennent une place plus importante... sans que cela ne tombe dans l’ennuyeux et le tristoune. Si un esprit mélancolique surnageait de ce titre ce ressenti va être amplifié sur le magnifique « Cent Ans Comptés » qui nous renvoie à la Grande Guerre et ses vaillants poilus, sur fond de montée en pression progressive et d’arrangements cotonneux comme pour rendre hommage à ces braves et à leur souvenir. Hargneux comme un combat dans les tranchées mais aussi ode à la vie une fois la paix revenue ce passage est un parfait récital prouvant le diamant brut signé par le groupe, qui va terminer les débats en allant encore plus loin sur le romanesque « Contre les Fers du Ciel » tribal et rampant à la fois, et qui nous conte l’histoire de Cyrano de Bergerac dans un style qui aurait sûrement fait plaisir à Edmond Rostand. Misant sur une variété constante des plans vindicatifs l’entité joue à merveille les montagnes russes afin de créer une densité supérieure où ça se défie en costumes d’époque... tout ça en étant diablement efficace en mode cape et d’épée, et où les deux facettes les plus extrêmes de ses créateurs y sont dévoilés avec brio et dans une grande forme générale.
Et comme on n’est plus à une surprise près ceux-ci vont en finir avec une reprise étonnante de « Allan » originellement chantée par Mylène Farmer en 1988, et dont le tempo rapide aux accents embrumés correspond très bien à la mélancolie gothique de la célèbre rousse. Version personnelle surprenante mais qui finalement s’accorde avec le contenu de ce disque, celle-ci montre une facette plus directe et instinctive où le talent de ses auteurs éclate définitivement, en finissant de convaincre les derniers sceptiques avec ce long-format qui est clairement leur meilleur publié à l’heure actuelle. Car effectivement tout ici est supérieur à tout ce qu’ils ont pu produire auparavant, tant la fluidité et la technique ont grimpé d’un échelon sans pour autant se perdre en excès inutiles... malgré un temps important pour tout bien assimiler et le mémoriser. Tel un diamant qui se découvre et se travaille avec amour et précision cet enregistrement très digeste va offrir de quoi s’occuper un bon moment, et prouve donc qu’ABDUCTION est définitivement à part au sein du pays tant il aime cultiver une certaine discrétion pour mieux réapparaître de temps en temps avec du bon matos sous le bras. Et vu ce qu’il nous pond à chaque fois on se dit qu’il a raison, et surtout qu’il continue comme ça en se bonifiant avec l’âge tant de fait il y’a de bonnes raisons de penser que sa prochaine publication se placera encore plus haut au-dessus de la mêlée... bref on a déjà hâte !
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