Alkhemia - Abraxas
Chronique
Alkhemia Abraxas
Si le nom d’ALKHEMIA ne va pour l’instant pas parler à grand-monde cela risque de prochainement changer avec la sortie de ce premier album particulièrement soigné au niveau du concept comme de l’écriture, et qui comporte en son sein des membres de la scène française particulièrement expérimentés. On y retrouve en effet des musiciens ayant fait leurs armes notamment dans IN HELL, AZZIARD, THE NEGATION, MALCUIDANT, NIRNAETH ou encore EN FINIR... et de fait il n’est donc pas surprenant de retrouver de fortes influences de ces entités sur ce disque très prometteur, malgré une concurrence locale forte et une musique certes assez classique mais parfaitement exécutée. Nous contant le combat de l’homme contre la machine et la modernité - tout en s’inspirant largement de l’œuvre de George Orwell, la thématique générale va aussi nous dévoiler un Black Metal froid, violent et mécanique et parsemé de passages plus lumineux et mélodiques, comme pour nous dire que l’espoir existe et qu’on peut se détacher de la prison où nous enferment nos smartphones, fléaux sociaux et autres traqueurs internet.
Cependant avant de s’échapper de toutes ces sources de nuisances il va falloir faire un travail sur soi et surtout affronter des tempêtes particulièrement virulentes, vu que le long « Homopresence » ne va pas laisser indemne ceux qui auront le malheur de ne pas prendre l’avertissement au sérieux. Car ils vont être embarqués illico dans une furie sonore à l’obscurité intégrale et sans once d’optimisme ni de calme à l’horizon vu que ça va jouer sur les blasts la majeure partie du temps, mais où heureusement quelques cassures en mid-tempo vont apparaître aidées en cela par des discrètes nappes de claviers éthérées aux accents religieux très efficaces. Brutale et hermétique mais sans jamais être lassante cette première composition sait se montrer efficace et accrocheuse grâce à ces subtiles alternances, ainsi qu’à l’ajout d’un solo réussi montrant donc que les gars ne sont pas là pour rigoler mais que néanmoins au milieu des ténèbres tout n’est pas perdu du côté de la renaissance ultérieure. Ce ressenti va effectivement apparaître dès la plage suivante (« Toxikon ») qui va se faire beaucoup plus remuante... voire même quasiment épique sur certains passages, vu qu’ici ce sont surtout les plans rapides et en médium qui sont mis à l’honneur tout en étant particulièrement dynamiques et en donnant l’envie de secouer la tête au milieu de ce méandre couleur noire encre. D’ailleurs afin de continuer sur cette lancée « Transhumanization » va reprendre les mêmes éléments que sur le morceau précédent, en gardant cette facette tempétueuse et combattive mais en y ajoutant une froideur supplémentaire où le blanc supplante le noir vu qu’on a la sensation d’être pris dans un blizzard impressionnant, où la neige et le brouillard renforcent ce sentiment de perdition. Portée par une intensité permanente où toutes les vitesses sont mises sur un pied d’égalité cette composition frontale et plus directe ne se perd pas en longueurs inutiles, montrant que le combo est aussi à l’aise sur ce côté radical et primitif que sur les longues ambiances occultes et orthodoxes.
Car si on avait pu entendre en ouverture ces derniers éléments cités ils vont apparaître encore plus aisément durant les onze minutes de l’impressionnant « Primaveal Pantheons », où la densité musicale va ici atteindre des sommets. Mettant en avant de doux arpèges froids dans le vide sidéral en guise d’ouverture et de clôture, le reste du temps va être marqué par une rythmique bridée et étouffante où quelques accents martiaux et tribaux vont essaimer au milieu d’accents neigeux et glaciaux, où la perdition de l’âme humaine est absolument totale. Si les plans vont se faire un peu prévisibles sur la durée ceci ne va en rien casser l’enthousiasme propice ici à la prière et à la réflexion, où les accents rampants et oppressants créent un sentiment de montée en pression progressive mais où ça n’explose jamais, afin de mieux maintenir cet environnement défavorable à l’écriture cohérente et désespérée. Du coup après cela il faut relâcher l’étreinte et il n’est donc pas surprenant que « Reminiscence Quintessence » revienne aux fondamentaux en balançant la purée à l’ancienne, avec haine et entrain débridé. Encore plus opaque que tout ce qu’on a entendu jusque-là l’ensemble des rythmes est ici joué de façon assez équilibrée même si les blasts vont dominer un peu plus l’ensemble, créant ainsi un ultime récital classique et redoutable qui se montre idéal pour clôturer cette galette calibrée mais parfaitement jouée et qui a de quoi créer de l’écoute durant un bon moment.
En effet si l’épaisseur et le nihilisme dominent ici ça n’est jamais repoussant, grâce notamment à une technique sans excès où la fluidité prime sur le reste et où l’on sent toute l’expérience du quintet dans son vécu musical antérieur. S’il lui manque encore un truc pour devenir un incontournable national l’entité a néanmoins de belles promesses pour l’avenir : un concept travaillé et efficace, un entourage de qualité ainsi qu’une ligne directrice visiblement partie pour durer et où l’on sent que le sujet a été potassé intensément. Du coup on a hâte de voir ce que vont rendre ces quarante minutes sur scène ainsi que celles qui suivront dans le futur, vu que tout est réuni pour que la bande prenne du galon. Elle sait désormais ce qui lui reste à faire tout en continuant à travailler pour progresser encore, et ainsi délivrer un message encore plus flamboyant et ésotérique qui captivera le plus grand-nombre... chose qui est déjà en place à l’heure actuelle et cela sur lequel on se concentrera pour l’instant.
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