Si j’avance, toi tu
FLOSCULE, comment veux-tu comment veux-tu que je… Allez, vous connaissez tous la suite de la chanson, canailles ! Sous ses airs de jeune groupe qui débute, avec ses deux singles et son premier album «
Ї », les Ukrainiens réunis ici ne sont pourtant pas vraiment des débutants, avec notamment la présence au chant d’
Andrey Pechatkin, un ancien (2015 – 2022) du reconnu
WHITE WARD, cette seule information tendant déjà à nous confirmer que le quintette ne sera pas un rassemblement de petits joueurs ou de bras cassés.
D’un point de vue purement esthétique, si je conçois qu’il faille remettre la pochette en perspective de l’actualité du pays, il reste qu’elle ne m’emballe pas trop, la gerbe de fleurs semble rendre hommage à des innocents disparus dans les décombres d’une Europe (au sens de continent) de plus en plus dissolue, une Europe (économique) que nous autres Français n’avions d’ailleurs pas voulue en 1992 et dont nous ne voudrions peut-être toujours pas si l’on daignait nous reposer la question (sur ce sujet, je recommande le visionnage d’une interview de Ségolène Royal à la BBC où elle explique clairement qu’il n’y aura pas de referendum pour la sortie de la France de l’union européenne car, je cite, «
nous croyons à la démocratie mais nous croyons aux bonnes questions par rapport aux bonnes réponses », donc autant vous dire qu’on va continuer à être invité à aller se faire cuire le cul pendant encore longtemps et que si nous attendons qu’on nous demande notre avis, nous aurons des escarres bien avant). Je suis évidemment mal placé pour comprendre ce que cela peut être que de vivre dans un pays en guerre, aussi sera-t-il plus sage de s’intéresser à ces neuf compositions de
black metal made in Ukraine.
"Ї" stands as our manifesto against this imperial oppression and a tribute to those resisting the Goliath.
Belliqueux est sans doute le premier adjectif qui me vient à l’esprit à la découverte de cet album. Sans trop savoir pourquoi, j’attendais une musique un peu
post, un peu expérimentale, il n’en est rien. Tempos rapides, faible luminosité (à peine un pont clair au cours de « Glimmer of Light »), si je trouve un petit côté
HATE FOREST dans la rugosité des vocaux,
FLOSCULE se montre cependant davantage mélodique ainsi que plus diversifié dans ses structures, même si « mélodique », il faudra le dire vite, où alors tout dépendra de votre degré de tolérance. Disons que ce n’est ni
true ni
raw mais que cela avoine quand même très sérieusement tout du long, on ressent bien la colère gronder au fil des compositions, colère fortement amplifiée par les alternances vocales, deux chanteurs étant crédités sur le disque. Et puis c’est compliqué de parler de mélodie dès lors qu’il n’y a aucun solo, aucune envolée
heavy aux guitares et que, finalement, tout demeure dans un strict cadre
black certes assez moderne mais toujours noir, décrépi, bâti sur les ruines de vies bafouées que, pour la noblesse de l’Histoire, on espère toujours qu’elles l’ont été pour des raisons autres que bassement économiques. Toujours se bercer d’illusions, préserver un fond de naïveté…
Il reste que, pour une première apparition sous la bannière de
Vendetta Records,
FLOSCULE fait bien plus que simplement prendre ses marques. Selon mon goût, la formation ukrainienne s’impose d’emblée comme l’un des fleurons de ce pays tant les chansons dégagent à la fois des sentiments de grandeurs, de ferveur mais également d’une souffrance rentrée, étouffée, larvée. D’ailleurs, cette dualité me semble bien mise en lumière par ce choix d’une doublette de vocalistes,
Andrey Pechatkin donc, accompagné de
Vitali Chelovenko (
THE INFESTATION,
SILVERN), les deux timbres s’avérant joliment complémentaires : l’un dans des tonalités
black criardes, classiques, l’autre dans un registre plus rauque, les deux se partageant les lignes selon les climats, les envies, les partitions, se rejoignant rarement (« A Tree of Life ») mais toujours pour le meilleur.
Je ne perçois pas «
Ї » comme un grand album de
black metal, persuadé que le groupe a encore une marge de progression qui présage d’une excellence future. Cependant, pour un LP avoisinant les cinquante minutes, je ne vois guère de reproches majeurs à lui adresser. En effet, entre la diversité des titres, la qualité de l’exécution, la propreté de l’enregistrement, une inspiration pas vraiment prise en défaut, ainsi qu’une certaine forme d’originalité qui n’est pas vraiment donnée à tout le monde à l’époque actuelle, j’espère un avenir radieux pour
FLOSCULE (« petite fleur », du latin
flosculus), si demain la paix devait l’amener sur des terrains moins orageux, j’irai acheter quelques orchidées.
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