Fin 90, début 2000, le
groove thrash metal, également appelé
power thrash metal, était le style à la mode. De ce mouvement musical dont on pourrait affirmer que l’acte fondateur fut la sortie de
« Vulgar Display of Power » en 1992 (mais que d’autres préféreront peut-être attribuer à
EXHORDER dès 1990 pour son album
« Slaughter in the Vatican »), que
« Burn My Eyes » enfonça le clou et qu’à partir de là, les formations évoluant dans ce registre ont commencé à poper un peu partout dans le monde. Quelques trucs sortirent du lot :
DEARLY BEHEADED,
DARKANE,
THE HAUNTED,
CARNAL FORGE… Beaucoup de Suédois dans cette histoire, au nombre desquels il s’agira de rajouter
THE DEFACED qui, avec son premier album «
Domination Commence » le bien-nommé, a fait sautiller pas mal de croupions.
Il faut dire que le
casting initial pesait alors très lourd : le batteur de
SOILWORK et de
TERROR 2000 (
Henry Ranta), le bassiste ainsi qu’un guitariste de
DARKANE (
Jörgen Löfberg,
Klas Ideberg), un guitariste de
KAYSER (
Mattias Svensson)… À l’époque, il y avait de quoi filer le tournis sans compter qu’à la différence de nombre de formations au
line-up jouissif qui ont terminé en triste pétard mouillé, cette première sortie tient absolument toutes ses promesses.
Ainsi, lorsque j’ai acheté le CD en 2001 et qu’« October Ruins » s’est lancé pour la première fois, j’ai immédiatement su que je tombais amoureux : gros riffs ultra efficaces, maxi patate, putain de chanteur puissant, breaks nets et précis dignes des meilleures horlogeries, énorme ralentissement « panteresque » à 02:42, il n’y aurait pas pu y avoir plus aguicheuse entrée en matière que cette composition. Dommage que ce soit peut-être la meilleure chanson de l’album car on a ensuite parfois l’impression de chercher à retrouver, sans totalement y parvenir, les sensations pures (oui, comme la publicité pour les produits laitiers en 1998) provoquées par cette ouverture tonitruante.
Cependant, lorsque j’écris cela, je ne cherche pas à sous-entendre que la suite du LP s’affaisse tel un vilain soufflet au fromage. Que ce soit « Grow », dont la dynamique plus basiquement
thrash du fait de son tempo élevé maintient l’auditeur sur un haut niveau d’attention, ou globalement chacun des onze morceaux, tous contiennent au moins un passage, un gimmick saillant qui accroche instantanément l’oreille (par exemple le pont
heavy à deux guitares suivi d’un superbe solo sur « Forsaken Life »), rattrapant facilement les minimes baisses d’inspiration sans doute dues à une certaine facilité : les mecs connaissent ce genre sur le bout des doigts, ils ne sortent jamais de leur zone de confort. Cela pourrait être un reproche,
THE DEFACED n’apportant finalement pas grand-chose de plus que ce que l’on connaît des formations précédemment citées mais, au moins, c’est musicalement impeccable et j’adore cette production épaisse, bien
groovy, qui met en valeur le travail rythmique (prestation nickel de monsieur
Rata). J’ajouterai que le LP perdrait beaucoup de sa saveur sans le chant complètement dans l’air du temps de
Henrik Sjöwall, hélas disparu des radars après la sortie de «
Karma in Black » en 2003, remplacé par
Jens Broman, lui aussi en provenance de
DARKANE (il officia sur le
« Demonic Art » de 2008).
C’est peut-être cette consanguinité qui finit par causer le déclin des Suédois car, s’ils sont au top lorsqu’il s’agit de tartiner les tronches (environ 80% du disque), le propos devient vite moins pertinent, voire anecdotique, sitôt qu’une trop grande part de mélodie est injectée, à l’image d’un « Sown by Greed » sauvé de la noyade grâce à son
finish radicalement
thrash (même si cela ne dure qu’une poignée de secondes) ou encore du trop gentil « Prozak Nation » qui ne doit sa survie qu’à l’excellent solo planté en son milieu. Le talent, ou l’intelligence, des musiciens est donc de savoir défendre un titre bateau par quelques éclairs d’inspiration, ces baisses de régime étant encore rares et largement compensées par ce qui se passe autour : des culs bottés à la chaîne (« The Icon », « Pitched World Collapse », « Fanatic Minds »). «
Domination Commence » s’achève sur un dernier
climax, « Destination Devastation » combinant le meilleur de tous les mondes : la force rythmique du
thrash groove, la touche mélodique d’un héritage
heavy metal.
La suite de la carrière ne sera en revanche plus jamais à la hauteur de ce commencement. Je pense sincèrement que si les musiciens étaient venus d’horizons musicaux plus variés,
THE DEFACED aurait pu être un terrain de jeu intéressant, rafraîchissant, mais en l’absence de sang neuf, le truc a fini par tourner en rond, voire s’écrouler («
Anomaly » en 2008). Cela semble assez logique : si tu veux remettre un peu de piment dans ta vie de couple, tu évites de demander à ta sœur de se joindre à vous pour un plan à trois. Et si elle accepte, ne t’étonne pas de bander mou.
1 COMMENTAIRE(S)
27/08/2025 11:33
Jamais été transcendé à l'époque malgré les membres deluxe (j'adore le jeu d'Henry Ranta), je vais tenter cet album.