A l’annonce d’un nouvel album de Hateful Abandon, j’ai eu deux réactions l’une après l’autre : une moue dubitative à constater que le groupe existe encore et – malgré tout – un achat sans écoute de
Threat.
C’est comme ça ; il y a des groupes qui éteignent tout jugement. Et le duo Vice Martyr / Swine est pour moi de ceux-là, sans doute en raison d’un premier album qui est un classique personnel (le trop méconnu
Famine) et une discographie qui, en dépit de nombreux défauts (à commencer par un manque d’envergure), n’a jamais cessé de tourner lorsque le temps se fait gris et froid, que les couleurs s’éteignent et qu’il s’agit de marcher dans les rues d’une ville où tout le monde semble aller au turbin. L’hiver vécu comme on vit en Angleterre.
Et
Threat est on-ne-peut-plus anglais. Onze années le séparent de
Liars / Bastards – des années de galère pour la formation, qui annonce avoir sorti cet album dans la douleur – et pourtant, rien ne semble avoir changé dans les obsessions de Hateful Abandon. Industrial, dark ambient, post et anarcho-punk, une lichette de post-metal neurosien pour la puissance de certains moments (« Nuclear Thread Worker »), des libellés qu’on a déjà pu utiliser pour définir la musique de la paire et qu’on retrouve ici, datés et sans âges, la fin des années 80 en 2025 s’invitant dans notre présent pour dire que les choses n’ont pas tant changé aujourd’hui. Un discours brut, sans compromis – le groupe ne s’est pas assagi avec le temps, précisant davantage le propos que le diversifiant, cf. ses hurlements renvoyant à Amebix sur « Waster » – mais que l’on n’a pas envie de mettre en défaut tant l’émotion se ressent. Le projet a bien travaillé sa copie, rendant ses collages – exercice particulièrement présent sur un titre comme « Scavenger » et ses empilements de samples – percutants et entêtants, vague de froid sur les usines, glacis faisant office de glace, le cœur battant sous les couches.
Car on sent derrière ce cynisme – moquant les rythmiques imitant le travail mécanisé par une voix à l’ironie mordante – une pareille tristesse qui accable Hateful Abandon. Les racines dépressives et black metal de leur premier album ont beau avoir disparu formellement par la suite, les sentiments usent d’autres vecteurs tout en restant inchangés. On écoute
Threat pour avoir une bande-son à cette sentimentalité particulière, hargneuse, vindicative, voyant l'isolationnisme comme seule solution envisageable, à deux doigts de claquer la porte et s’enfermer chez soi, défait par le froid extérieur, aussi bien au sujet de la météo que de la vie qu’on nous propose. Clairement, on ne saute pas de joie, malgré des instants d’une efficacité imparable (l'enchaînement « Nuclear Thread Worker » / « Shithouse »), auprès de ces punks nihilistes possédant une forme d’empathie derrière les réprimandes hautaines (« Shimmer Road » renvoyant aux grandes heures de
Famine).
Cela ne fait pas de
Threat un album réussi de bout-en-bout. Le caractère répétitif trop marqué – le groupe ayant toujours tendance à montrer son jeu dès le départ lors de chaque titre sans développer outre-mesure – ainsi que la courte durée de l’ensemble continuent de donner un côté « pastille » à la musique de Hateful Abandon. Elle l’inscrit également comme une parenthèse, offerte à soi quand le besoin s’en fait sentir, celui de trouver une mise en notes de cette baisse de forme qui peut venir quand les temps se font plus aigres et pessimistes. Quelque chose me dit que quelques personnes peuvent y trouver un lien avec leur état et celui du monde en ce moment.
Par Jean-Clint
Par Jean-Clint
Par Lestat
Par Jean-Clint
Par xworthlessx
Par Ikea
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par Lestat
Par Krokodil
Par Niktareum
Par Jean-Clint
Par Jean-Clint
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène