Hateful Abandon - Famine
Chronique
Hateful Abandon Famine
(Or Into The Bellies of Worms)
Que dire d'autre, que ce jeu sur les pochettes ne contient pas ? Expliciter, dire qu'Hateful Abandon est ici l'enfant de Joy Division – on connaît le talent d'imitateur de Ian Curtis de Vice Martyr, et il est ici à son plus confondant – à un point que c'en est dérangeant au départ ? Qu'en fait,
Famine est un peu plus que cela une fois le jeu des différences effectué ? Que si l'un est urbain, à forme humaine esquissée derrière la déprime anglaise, l'autre est glacé, mortuaire comme une mer grise dont on nous fait parcourir le chemin ? Que l'un est hivernal et encore attaché à un soupçon de rage romantique montrant une envie d'ailleurs alors que l'autre y est, dans cet autre monde d'horreurs raffinées et ternes, le chemine avec ses démons et la peau violacée par le froid ? Ou alors qu'en bon fils trop conscient des qualités de son père, Hateful Abandon ne fait finalement pas du Joy Division pur jus, le pousse un peu plus loin, là où on ne souhaite pas aller : sur le bord de la route, quand la question demande réponse, un pied semblant vouloir marquer le pas de trop ? Où l'on attend, statique, hors champs d'un paysage beau et terrible, pris entre le désir d'agir enfin et l'incapacité de dire ces deux phrases qui pourraient nous sauver ? Je ne vais pas bien. J'ai besoin d'aide.
Non. On va garder cette porte fermée et simplement faire état de la petite réussite de ce disque, suffisante pour expliquer pourquoi
Famine mérite sa place particulière au-delà de toutes considérations généalogiques : Hateful Abandon est ici ce qu'aurait pu être le post-punk s'il avait surgi dans les années 2000, époque où les ouvriers ont été supplantés par les classes moyennes en tout, moyennes dans leurs envies, moyennes dans leurs idées, moyennes dans leurs plaisirs. L'époque où William S. Burroughs a laissé place à des panoptiques appelés Facebook ou Twitter où tout le monde voit et tout le monde est vu, rythmée aux cliquetis des touches appuyées sur les claviers. La paranoïa dont la seule échappatoire paraît une mort, symbolique ou réelle. Hateful Abandon est le Joy Division du monde ne croyant plus aux idées mais tâchant en toutes circonstances à rester digne, dans une esthétique sans but qui ricane d'elle-même. Voilà.
| lkea 11 Janvier 2015 - 1171 lectures |
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