Martyr - Feeding The Abscess
Chronique
Martyr Feeding The Abscess
La terrible attente engagée pour l’album n’augurait rien de bon : un cd live pour faire patienter, un changement de guitariste et Daniel Mongrain sortant en 2003 un album avec Capharnaum et effectuant différents remplacements guitaristiques par la suite, mais concernant l’album des titres de pre prod puis plus rien. Le nouveau Martyr semblait toujours repoussé.
Soudain fin 2005 on nous annonçait enfin que l’écriture des morceaux était finie et qu’il serait vraisemblablement enregistré en début 2006. Après les rééditions des deux premiers opus c’est Galy records qui se charge de promouvoir le troisième effort studio des québécois et donc 6 ans après le précédent chef d’œuvre, revoici Martyr les bien nommés.
D’entrée la première constatation est l énormité du son. Rarement une production ne m’a mis une telle claque, que dis-je une telle mandale, elle est absolument parfaite ; puissante sans être synthétique.
L’association basse batterie vient véritablement te chercher au fond des entrailles. (Havoc ou Nameless, Faceless, Neverborn par exemple) et te plonge au fond du canapé subissant l’effet d’un surplus d’apesanteur. Tu essayes de te ressaisir et tu t’accroches à ce que tu as sous la main en donnant un petit coup d’œil au livret.
Daniel Mongrain ayant été quand même bien occupé entre la sortie des 2 albums, on peut remarquer qu’au niveau des crédits son rôle reste prédominant même s’il a un peu diminué et laissé place à celui de son frère François, bassiste émérite.
Cela se traduit auditivement sur tout le cd par une basse vraiment bien présente. (Encore plus que sur les 2 premiers)
On note aussi une participation un peu plus prononcée de ce dernier dans les vocaux qui apportent une diversité bien venue, surtout lorsqu’ils sont employés en accord avec ceux de son frère comme sur Silent Science.
Puisque l’on en est au problème des vocaux, sachez que des progrès on été fait.
Le seul reproche peut venir de certaines parties de François Mongrain qui sonnent un peu trop forcées comme sur Lost In Sanity « Battling Sailless Windmills » ou bien encore sur Silent Science alors que ça passe tout seul sur Feast Of Vermin ou Romancing Ghouls.
Je regrette également la disparition des vocaux « heavy » de Prototype qui auraient réellement apporté un plus et qui correspondent vraisemblablement plus à la voix de François.
Musicalement, entre chaque album (enfin entre le premier et le second) Martyr nous avait habitué à complexifier les choses de manière exponentielle et à se réinventer ou peaufiner son style si caractéristique. Pas une mince affaire après Warp Zone qui plaçait déjà la barre très haut, mais si avec Warp Zone martyr inventait le fast bury contre les concurrents, ici c’est carrément le saut à la perche.
Oubliez vite les schémas traditionnels de composition, car ici les variations sont légions.
Le métal progressif délivre une musique alambiquée ponctuée de breaks qui permettent de casser toute éventuelle linéarité. Certains représentent de véritable tour de force pour permettre l’enchaînement des riffs. La musique fonctionne par un assemblage de couches instrumentales qui s’enchevêtrent à la perfection. La mise en place et l’exécution sont donc nécessairement de très haute volée.
Parmi les spécificités inhérentes à l’album on dénombre :
- Les solos Martyriens qui proposent des envolées mélodiques de toute beauté.
- Des rythmiques toujours très syncopées pour un impact des plus percutant.
-L’ajout d’instruments orchestral avec parcimonie mais surtout employés à un juste dessein. (Ensemble de cordes à 00:42 puis 5 secondes avant le solo sur Lost In Sanity ou bien encore le violon de Antoine Bareil qui clôt Havoc et son solo aux consonances expérimentales sur Shellshocked) qui viennent enrichir les compositions.
- des riffs qui retournent le cerveau comme une crêpe. C’est déstabilisant au début, mais tellement bon de se dire qu’il existe encore des idées musicales à découvrir.
Finalement, je ne sais pas quelles sont les raisons, le temps imparti à la gestation, le passage de Daniel Mongrain chez Cryptopsy ou la nouvelle venue de Martin Carbonneau mais il est certain que Martyr n’a pas cherché à rendre sa musique plus accessible. Plus brutal que ses prédécesseurs (Perpetual Healing ; Havoc ; Nameless, Faceless, Neverborn), plus complexe (Dead Horizon), plus mélodique aussi (Feast Of Vermin) les superlatifs manquent pour qualifier le travail des compositions.
Mais cette surenchère entreprise dans l’élaboration des riffs complexes qui s’éloignent des structures classiques aussi bien rythmiquement que mélodiquement est déstabilisante. L’étrange sentiment que certaines parties sont des essais purement stylistiques laisse un goût âpre.
Heureusement tout ce côté expérimental passe plutôt bien car il s’associe à un côté futuriste/science fiction plus ou moins développé dans les textes et l’imagerie. De même certains passages plus directs entrecoupent les plans de folie et permettent une accroche pour l’auditeur.
Dans la section petits reproches on peut questionner la pertinence des titres instrumentaux comme Desolate ruins et Stasis field qui n’ont à mes yeux qu’une fonction de pause, véritable repos pour l’auditeur mais qui n’apporte pas grand-chose musicalement étant trop court et ne s’enchaînant pas bien (la rupture entre Stasis Field et Shellshocked), de même pour la fin rajoutée de Nameless, Faceless, Neverborn qui s’éternise un peu trop.
Enfin, l’oeuvre se conclut dans un hommage à Denis D’amour par la reprise de Voivod intitulée Brain Scan. Les sonorités développées dans le titre ne dénotent pas avec le reste de l’album et si Voivod à su de par ses expérimentations apporter de nouvelles idées au métal et influencer de nombreux groupes, Martyr fait de même aujourd’hui et je leur souhaite au moins une carrière aussi riche d’albums que celle de leur compatriotes.
Pour résumer, on retiendra donc au niveau des instruments une batterie qui sait tout faire, une basse bien présente aux vibrations percutantes, d’une agilité féline rugissante ou ronronnante quand il le faut et des joutes de guitares alternant des motifs rythmiques subtils et aux sonorités d’une grande richesse.
Cependant, l’album reste une œuvre difficile à appréhender, heureusement la quête d’originalité et les expérimentations ne se font pas au détriment de la musicalité selon mes critères. L’ensemble est mitigé : certes les fans de musique originale qui n’ont pas peur de faire un effort d’écoute (comme moi) seront ravis, les autres amateurs de musique privilégiant l’efficacité passeront sûrement leur chemin.
Mais à mon humble avis, Martyr reste un groupe qui mérite une attention toute particulière pour encore aujourd’hui apporter une touche si personnelle à chacun de leurs albums en sortant des autoroutes embouteillées par la masse d’albums sans identité et sans prise de risque.
DONNEZ VOTRE AVIS
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
AJOUTER UN COMMENTAIRE
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène