Il y a peu, je faisais ce triste constat: les albums dits « classiques » découverts sur le tard se révèlent en règle générale – tout du moins en ce qui me concerne – être de véritables déceptions. Et c'est encore pire avec les albums « cultes ». Le
« Blood Fire Death » de
Bathory fut pour moi une récente et heureuse exception à cette règle. « Warp Zone » par contre, non. Je me rappelle encore, lors de la sortie européenne de l'album via le label Sekhmet en 2002, qu'un concert de louanges unanimes avait accueilli ce nouvel espoir d'une scène technodeath alors franchement moribonde. Habitué à commander sur les 3 grosses VPC nationales de l'époque, je n'avais pas réussi à mettre la main dessus… Jusqu'à récemment, où le 2e album de nos amis québécois se décidait enfin à rejoindre le bestiaire musical de ma cdthèque.
Entre temps, les enthousiastes s'étant à nouveau enthousiasmé sur le retour du fils prodigue, j'avais craqué pour le 3e et plus récent des méfaits de la bande aux Mongrain brothers,
« Feeding the Abscess ». Bien que fan de technodeath et passablement impressionné par le numéro de haute voltige offert à cette occasion, j'étais resté stoïque et froid, à se demander si je n'étais pas atteint de frigidité auriculaire. Comble du manque de réceptivité, le seul morceau qui m'avait vraiment marqué, c'était « Brain Scan », la reprise de
Voivod. Bref, ça partait plutôt mal …
Le constat est un peu moins noir pour « Warp Zone », quoique, à peine. Mais laissons un instant les impressions pour en revenir aux faits. La musique proposée par le groupe se situe à la croisée de trois grandes influences notables:
* cette batterie jazzy, cette basse alerte, ces fulgurances soudaines, ce canevas complexe: la patte d'
Atheist est ici clairement identifiable, même si la touche tech'death se traduit également par quelques faux airs de
Nocturnus (
cf. le début de « Virtual Emotions », aux alentours de 0:30) et de
Cynic (
sur certaines parenthèse zen et jazzy, comme celle à 3:31 sur « The Fortune-Teller »)
* ces dissonances sombres et froides, cette pointe de neurasthénie spatiale, ce mimétisme vocal occasionnel (
sur « Deserted Waters » ou à 2:05 sur « The Fortune-Teller »): les grands-frères et voisins de
Voivod se sont clairement penchés sur le berceau du bébé martyrisé
* enfin ces saccades franches, ces crocs-en-jambe rythmiques et autres passages peu fluides aussi agréables que le port d'un string doublé en laine de verre: à n'en pas douter, le train
Meshuggah a marqué l'arrêt dans cette gare
Sur le papier tout cela pourrait être alléchant. Sauf qu'une fois encore, après le constat d'échec du «
Measuring the Abstract » de
Terminal Function, je me dois de constater que le technodeath de papa et le modern metal syncopé de cousin Kevin n'ont toujours pas trouvé la recette de la symbiose parfaite. D'autant plus que les frères Mongrain, quand ils ne lorgnent pas vers les platebandes de
Snake, ont une fâcheuse tendance à adopter l'aboiement éraillé et irritant récemment popularisé par les jeunes scènes en –core (
« … un mâtin », rajouterait Jean-Jacques, au comble de la Québec attitude). Conséquence de ce choix et pièce à conviction supplémentaire à mettre au dossier des erreurs Martyriennes, le groupe nous livre un trop plein de refrains à la limite du supportable (
« Virtual Emotions », « Carpe Diem », « Retry? Abort? Ignore? »).
Personnellement, je ne suis pas insensible au charme des saccades à forte teneur en bûcheronnitude, à condition qu'elles apportent groove ou supplément de puissance.
Trepalium,
Textures, voire
Decapitated ont su, chacun dans leur registre, tirer avantageusement parti de ce gimmick rythmique. Et Martyr, n'en déplaise aux intégristes, réussit lui aussi parfois à en tirer le meilleur, notamment en support d'échappées lead ou solo remarquées (
à 1:42 sur « The Fortune-Teller » par exemple, à 1:42 encore sur « Virtual Emotions ») comme lors de l'ouverture de « Warp Zone ». Mais l'adjonction de dissonances, d'arythmies et de parties rebrousse-poilesques à son technodeath est une faute de goût fatale. Non mais franchement, il vous branche vous, le début de « Deserted Waters »? Et celui de « Fortune-Teller »? Pareil pour celui de « Realms of Reveries » qui est tout retors … Et des morceaux comme « Endless Vortex Towards Erasing Destiny » et « Carpe Diem » qui n'ont de cesse de provoquer, dans un enchevêtrement inextricable des genres, frissons de plaisir et de quasi-dégoût. Aaaaah, ce « Endless Vortex Towards Erasing Destiny »: comment peut-on démarrer ainsi un morceau avec la grâce d'un
Cynic et continuer dès 0:46 sur un tel sac de nœuds, l'horreur commençant réellement à 1:14? Certes, le retour dans les hautes sphères se fait à nouveau vers 1:50, mais le mal est fait. Quel gâchis vraiment!
Heureusement, le groupe nous abandonne sur deux superbes morceaux où la composante « modern casse-tête » reste la portion congrue – ou tout du moins se dissout bien mieux dans l'ensemble – et où la magie commence enfin à opérer. En effet, si l'on occulte son refrain immonde, « Retry? Abort? Ignore? » (
un hommage à l'Amstrad de mes années collège?) fait preuve de l'effervescente maestria d'un
Atheist ne tenant pas en place et de la finesse d'un
Cynic en pause flânerie, le tout agrémenté d'un solo des plus psychédéliques. De son côté, « Realms Of Reverie » porte bien son nom, et même s'il est loin d'être exempt de toute malheureuse dissonance, il nous transporte agréablement au royaume des songes, après nous en avoir fait magistralement passer les lourdes porte lors d'une ouverture fantastique à 0:26. Ce final fait d'autant plus regretter les errances du reste de l'album…
Bref, « Warp Zone » est plein de (
très) bonnes choses disséminées ça et là, au milieu de la tourmente, sans que jamais – à l'exception des 2 derniers titres – aucun morceau vraiment solide de bout en bout ne sorte du lot. Personnellement, je vois ça comme un énorme gâchis, mais je me console en me disant qu'après tout, on n'est pas si nombreux que ça à le penser. N'empêche, au vu de ce constat, du featuring que fait Luc Lemay sur 3 des titres de l'album et de cette maudite malédiction qui m'empêche d'apprécier un classique comme celui-ci, j'appréhende fortement le jour où je réussirai enfin à mettre la main sur un exemplaire du « Obscura » de
Gorguts à un prix raisonnable …
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