Je vous ai souvent parlé de l'excellence de la scène death technique canadienne du milieu des années 2000 avec d'excellents albums de Quo Vadis, Augury, Neuraxis et même de Cryptopsy avec un « Once Was Not » inhabituel de qualité de la part de ce groupe. Mais je ne vous ai jamais parlé de Martyr, pourtant actif à cette époque avec
Feeding The Abscess, car s'il n'y a pour moi qu'un seul album digne d'intérêt chez le groupe aux frères Mongrain c'est bien
Hopeless Hopes. Qu'importe qu'il soit l'album le moins apprécié des fans de la dernière période du groupe, c'est le seul qui puisse être labellisé « death technique » alors que le style était totalement au creux de la vague cette année là, et qu'à l'époque où les seuls représentants connus du death canadien étaient Gorguts, Cryptopsy et Kataklysm. C'est en effet en 1997 que le premier opus de Martyr vit le jour, 3 ans après que les frères Mongrain décidèrent de s'entourer de Pier-Luc Lampron et François Richard.
Et oui, c'est bien encore à l'époque du death technique (presque) pur jus que pratiquait Martyr, loin des saccades et des riffs mélodiquement lacunaires, certes bien plus techniques, mais bien moins death metal, de
Warp Zone et
Feeding The Abscess. Le style des canadiens est ici plutôt à rapprocher de Death, une sorte de
Symbolic croisé à mi-temps aux rythmiques très thrash non dénuées de subtilités d'un Pestilence. Car même si les guitares s'autorisent de temps à autre un peu de répit dans une succession d'accords montés sur ressorts, ce sont la batterie très aérienne au jeu de cymbale assez développé et la basse vrombissante de François Mongrain qui apportent la touche de subtilité nécessaire pour maintenir l'originalité dans les compositions. L'exemple frappant de la variété du registre de Martyr se trouve dans le morceau « Hopeless Hopes », avec son contre-temps totalement assassin à 1:50, son passage très calme vers 3:00 et sa rythmique thrash qui s'enchaîne avec un passage dans la grande tradition du death technique amorçant un solo très agréable. Les mélodies sont délicates, les riffs efficaces et les morceaux très variés à l'image du titre éponyme décrit ci-dessus. Il est amusant de noter que le riff de « Inner Peace » de 3:20 à 3:30 et de 3:55 à 4:12 est exactement le même (mais sur un ton différent) que celui qui sert d'intro à « Spirit Crusher » de Death, que l'on retrouve sur
The Sound Of Perseverance, qui sortira un an plus tard. Chuck aurait-il tout piqué aux frères Mongrain ?
Autre point commun avec la dernière œuvre de Death, le chant de Daniel Mongrain qui divise sacrément les auditeurs, tant il ressemble à un mélange entre un chant metalcore et une voix death metal criée. Pour moi, c'est le plus gros défaut de Martyr, les vocaux allant même jusqu'à l'insupportable, en particulier sur « Non Conformis » que j'ai du mal à écouter. Pourtant si la voix de Daniel Mongrain n'est pas un must sur
Hopeless Hopes, ce n'est rien par rapport à l'horreur atteinte sur le second album des canadiens ! Heureusement, la section instrumentale relève déjà plus de l'excellence, et c'est une foison de moments mémorables que l'album propose, avec en ce qui me concerne le titre éponyme (que je continuerai de prendre en exemple tout au long de cette chronique, oui-oui !) comme point d'orgue. Les très bonnes lignes de basse de François Mongrain que l'on retrouve tout au long de l'album illuminent les mélodies des guitares ou apportent un énorme plus quand elles se cantonnent à un rôle exclusivement rythmique. Si François Richard n'a pas le talent de son successeur, Patrice Hamelin, son jeu a suffisamment de variété pour bien coller au death technique que Martyr pratiquait alors, bien qu'il ne fasse jamais rien d'impressionnant, faute de vitesse et de densité aussi bien dans son jeu que dans la musique du groupe, d'une manière générale.
Les saccades qui deviendront plus tard caractéristiques du groupe (composant à peu près 80% de leurs morceaux) se retrouvent déjà sur le très poussif « Ars Nova », de loin le plus mauvais morceau de l'album, mais qui n'arrive tout de même pas à la cheville du degré de médiocrité que le groupe atteindra avec
Warp Zone et
Feeding The Abscess. On retrouve aussi quelques passages désagréables disséminés çà et là au détour d'un break, mais heureusement ils durent rarement assez longtemps pour gêner totalement l'écoute.
Évidemment, une voix irritante et des compositions imparfaites ne placent pas
Hopeless Hopes au panthéon des albums de death technique sortis à ce jour. Pourtant, nombre de passages agréables attendent l'auditeur qui jetterait une oreille sur le premier opus des québécois, qui fût une des rares sorties du style à l'époque. Et si la personnalité de Martyr ne s'est effectivement affirmée que dans ses deux réalisations ultérieures, cet album reste pour moi ce que le groupe a fait le mieux. La nouvelle face de Martyr est bien plus orientée sur le côté rythmique au détriment de la mélodie, ce qui s'explique par un changement de style radical aussi logique que bienvenu pour le groupe, qui allait sortir de l'anonymat. Pour moi, les québécois ont gagné en originalité ce qu'ils ont perdu en qualité, mais heureusement pour leur compte en banque, mon avis semble minoritaire. Je ne saurais désormais que vous conseiller de vous procurer la réédition de
Hopeless Hopes via Galy Records en 2006, non pas pour quatre titres déjà présents dessus mais cette fois-ci en version démo, mais bien pour le remaster de l'excellent Yannick St-Amand, qui tel Midas transforme tout ce qu'il touche en or. D'ailleurs ça doit être vraiment embêtant quand on a envie de se gratter les gonades...
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