Attention, le contenu de cette chronique ne reflète que l'avis de son rédacteur, et n'engage pas la responsabilité de Thrashocore, ses dirigeants, ses actionnaires et ses ayants-droit. Toute réclamation concernant cette publication, toute lettre d'insulte et tout colis piégé est à envoyer directement à Chris, après tout, c'est lui qui est à l'origine de tout ça.
Souvenez-vous, la chronique de
Cosmogenesis a maqué un tournant dans l'histoire de Thrashocore, notre beau webzine au poil soyeux qui est à la pointe en matière de death technique depuis que votre serviteur a rejoint ses rangs. C'était en effet la première fois qu'un extrait d'une de nos chroniques figurait sur un sticker promotionnel de la version française d'un cd, joie un peu entachée par le fait que la phrase en question était une pure invention d'un chargé de comm' probablement défoncé au schnaps et qui n'avait rien trouvé de mieux que de mal orthographier le nom de Thrashocore. On pouvait donc y lire « Le meilleur album de métal de l'année – Trashcore webzine », ce qui était plutôt cocasse sachant que je n'écris jamais metal avec un accent et que je m'avance rarement à faire des conjectures hasardeuses sur notre bilan annuel alors que février ne touche même pas à sa fin. Mais le temps aura au moins donné raison à cette prophétie éthylisée, puisque
Cosmogenesis a été littéralement plébiscité par la rédaction et nos lecteurs, et à juste titre puisqu'il a marqué un retour en force du véritable death technique à l'ancienne, aussi efficace et direct que mélodique et accessible. Et bien cette fois-ci, aucune raison de mal orthographier Thrashocore : je peux vous garantir que je ne figurerai pas sur le sticker.
Je ne vous laisse pas dans l'expectative plus longtemps car vous le savez si vous lisez notre forum,
Omnivium, le troisième album de nos camarades d'outre-Rhin est pour moi une véritable déception. Mais qui dit déception ne dit pas forcément mauvaise qualité, et gardez à l'esprit tout au long de cette chronique que d'aucuns pourraient juger assassine que cet album est très loin d'être mauvais, il est même par bien des aspects excellent, voire exceptionnel. Non,
Omnivium n'est « que » décevant car, bien que partant des mêmes bases, il n'arrive jamais à retrouver la grâce naturelle de
Cosmogenesis. Le trio Thesseling/Muenzner/Grossmann entourant Kummerer abat toujours un travail considérable, Obscura a toujours ces accents de death technique à la fois rétro et extrêmement travaillé, l'enchaînement des riffs est toujours aussi naturel, les solos sont délectables, la basse est encore une fois le joyau de cet album... Bref, a priori, pas de quoi déverser mon fiel légendaire sur un groupe que j'ai, et à juste titre, encensé au même titre que la plupart de mes confrères rédacteurs du net – incluant même certains sachant de quoi ils parlent – il y a de cela à peine plus de deux ans. Mais si les lieux semblent toujours aussi beaux et que l'état de sortie est impeccable, il faut dévisser la tuyauterie et ressortir les photos du précédent locataire pour se rendre compte qu'il y a bel et bien un vice caché.
Que pouvait-on objectivement reprocher à
Cosmogenesis ? Pas grand chose, hormis une légère propension à la redondance, une digestion pas tout à fait complète de ses influences les plus évidentes (le parfait
Individual Thought Patterns en tête) et un mixage peut être un poil déséquilibré au profit de la basse. Qu'à cela ne tienne, Obscura a bien pris en compte ces quelques critiques, et en plus de revenir avec une production en béton armé totalement irréprochable,
Omnivium est imprégné du maître mot qui fonde toute sa logique : diversité. Finies les comparaisons incessantes avec Death et Cynic, même si les Allemands font toujours dans le death technique véloce et ultra mélodique, les tempos sont désormais plus variés, et par « variés » il faut comprendre alternativement « vachement plus lent » ou « contrastés au sein d'un même titre », puisque si le pachydermique « Ocean Gateways » ne décolle jamais, un titre comme « Velocity » ne conserve quant à lui jamais le même débit de notes plus de vingt secondes de suite. Même Kummerer a décidé de plus varier ses vocaux, démontrant des capacités impressionnantes aussi bien dans son chant extrême de toujours très haute qualité que dans ses voix claires qu'il expérimente désormais beaucoup plus, au risque de déplaire aux moins tolérants d'entre nous. Et c'est exactement ce qui se produit.
En voulant à tout prix éviter d'emprunter le même chemin que son prédécesseur,
Omnivium n'en hérite pas du trait principal : son efficacité. Alors que
Cosmogenesis, en mettant constamment en avant ses racines death metal était d'un entrain perpétuel, ce nouvel opus peine fortement à entretenir l'envie de headbanguer passés ses deux meilleurs titres, « Septuagint » et « Vortex Omnivium ». Cette fois-ci Obscura se perd dans des considérations plus expérimentales : on pense aux incessantes arpèges disgracieuses du passable « Velocity », ou plus simplement à une visée nouvelle et plus bassement terre à terre qui tombe complètement à plat, comme le riff d'intro de « A Transcendental Serenade » ou cette horreur de « Ocean Gateways ». J'étais à mille lieues de m'imaginer, avant d'écouter ce titre, que les Allemands pourraient verser dans ce genre de rythmique horriblement bas de gamme, à la lourdeur à ce point démesurée qu'elle n'en est même pas contrebalancée d'une mélodie correcte et à l'intérêt rythmique tellement inexistant qu'il n'en fera même pas mouiller les amoureuses du djent. Je n'ose évoquer le nom du groupe français auquel je me réfère bien trop souvent comme synonyme de médiocrité, je vais donc reprendre une comparaison tout à fait justifiée avec « Where The Slime Live » de Morbid Angel. Oui, le seul titre raté de la carrière de l'ange morbide, un gros vide qui n'arrive même pas à groover correctement et qui n'a rien d'autre que la voix de celui-qui-les-a-vu pour le maintenir à flow (attention, ceci est un jeu de mots). Voilà vers quoi Obscura a décidé de diversifier son style, le death metal dans ce qu'il a de plus médiocre et facile ; un comble quand toute la promotion du groupe est basée sur le renouveau du death technique. Cela passerait si seul « Ocean Gateways » – dont il n'y a presque rien à sauver hormis le pont qui précède un solo effroyablement chiant – était aussi insupportable, mais le problème c'est qu'à partir de cet instant chaque titre de l'album dévoilera avec une jubilation malsaine digne du pire exhibitionniste vétéran de guerre son moment de laideur caractéristique, en étant souvent mis en avant par des arrangements les plus bas (tant dans l'instrumentation que dans la voix) possibles, voire par l'absence des subtilités qui enrobent habituellement presque tous les riffs du groupe.
On pourrait alors penser que la cohérence et l'efficacité perdues sont compensées par un travail de composition plus minutieux, un souci plus grand accordé au détail et une démarche ancrée dans une mouvance plus progressive. Et bien ce n'est pas le cas : bien que
Omnivium donne une impression de complexité à l'auditeur peu attentif il suffit là encore de le comparer avec son prédécesseur pour comprendre qu'il procède d'une logique complètement différente. Le leitmotiv de
Cosmogenesis était simple : des structures simples sur lesquelles viennent se greffer des riffs relativement compliqués, à la manière de ce qu'a toujours fait Death par exemple. Ce nouvel opus ne reprend pas cette recette éprouvée et tente, parfois avec succès comme sur « Celestial Spheres », de rendre sa structure moins intuitive, sans toutefois en arriver à des extrémités à la Theory In Practice. Effort qui serait louable en soi si les riffs ne donnaient pas aussi souvent l'impression d'être bêtement divisés en deux : le rythmique et le mélodique. C'est à se demander, quand on écoute « Prismal Dawn » ou « Revum » si l'on parle bien du groupe qui a composé des titres comme « Universe Momentum » ou
« Cosmogenesis ». Heureusement ce n'est pas constant, mais la simplification des riffs n'est que rarement compensée par des trouvailles structurelles ou des moments de grâce d'un des quatre musiciens.
Et en plus des rythmiques ignobles que j'évoquais précédemment, un autre élément participe de ce sentiment de simplification de la musique de nos camarades germaniques : les arrangements, qui s'avèrent être soit assez redondants (comptez le nombre de fois où une guitare en arpèges créée seule la mélodie, c'est impressionnant) soit un peu faciles par rapport à ce à quoi le groupe nous avait habitué. Où sont passés en effet les merveilleux accords slidés de Thesseling qui faisaient tout le sel de « Anticosmic Overload » ou de « Incarnated » ? Même Muenzner, pourtant irréprochable sur
Cosmogenesis – où le meilleur solo est tout de même à mettre au crédit du génial Ron Jarzombek – se perd dans des solos disgracieux sur « Ocean Gateways » ou pire, sur « Velocity », alors qu'il s'essaye à une technique de tapping à huit doigts audacieuse qui n'apporte strictement rien hormis une pointe de vitesse d'autant moins appréciable que la mélodie est ratée. Si vous vous attendiez à un plan de tapping avec un éclair de génie créatif à la Mithras vous repasserez, Muenzner n'a définitivement pas la vision de Leon Macey. Sur
Omnivium il n'y a en fait que Grossmann qui apporte plus de subtilité dans son jeu qu'auparavant, bien aidé par les variations et les changements de tempo qui sont désormais bien plus nombreux. Il est juste dommage que, comme Kummerer, on ait l'impression que ses gimmicks prennent le pas sur son inventivité, tant ils me paraissent faire tous deux faire la même chose à chaque accélération, à tort la plupart du temps.
Car oui, j'oubliais dans ma longue liste de griefs cette sale manie que semble avoir Obscura de ne pas pouvoir se défaire de gimmicks de composition : chaque accélération, chaque reprise ou presque a le même impact, et les variations sont anticipables dès la première écoute pour peu que l'on ait suffisamment assimilé
Cosmogenesis. Ce qui paraissait auparavant être un hommage à la norme du death technique commence à sentir quelque peu l'absence de prise de risque, et ce alors même que la diversification des sonorités du groupe plaiderait en faveur d'un renouvellement que l'on ne ressent pas malgré son évidence.
Et c'est là le véritable malheur de
Omnivium : alors qu'on imaginait aisément Obscura s'engouffrer dans une voie plus progressive, en poursuivant sa route sur les pas des derniers Death, de Cynic, de Atheist, voire de groupes comme Blotted Science ou Exivious, c'est vers la simplification et le death metal presque bas du front que le groupe élargit son horizon. Pourtant ce nouvel album parvient parfois à innover, conserver son impact et son incroyable travail mélodique ; on pense particulièrement à la fin de « Prismal Dawn », l'approche harmonique atypique de « Celestial Spheres », la construction de « A Transcendental Serenade » et surtout la merveilleuse progression au milieu de « Vortex Omnivium », qui marquent toutes un pas intelligent dans l'évolution de Obscura. Savoir que le groupe peut avoir de pareilles inspirations qui confinent au génie me rend un titre comme « Ocean Gateways » encore plus insupportable, et le grand écart stylistique ne passe vraiment pas quand on alterne ainsi le talent et la facilité. Il est dommage de constater que
Omnivium est un album de death technique qui oublie tour à tour d'être du death metal et d'être mélodique, là où la force du groupe (et du death technique en général) est de réunir les deux en même temps !
Il n'en reste pas moins que la patte Obscura est bien là, que la plupart des phrases mélodiques sont superbes, que l'agencement des plans de chaque musicien est aussi naturel que délectable et qu'au final
Omnivium est un très bon album – il est même encore meilleur quand on saute la piste 3. Mais
Cosmogenesis lui est supérieur en tous points quand, comme moi, vous attendez un véritable album de death technique, et pas cet ersatz de death-technique-progressif-mais-aussi-un-peu-lourd-quand-même qui a le cul entre deux chaises et chute lourdement alors même qu'il vient d'inviter l'excellence au restaurant du coin pour se remémorer le bon vieux temps sans se rendre compte qu'il venait de passer la porte d'un fast food au lieu de celle d'un trois étoiles. Il faudrait vraiment méconnaître la profondeur et la qualité de cette scène pour prétendre que ce nouvel essai d'Obscura en est un des meilleurs représentants. Si j'étais mesquin, j'évoquerais pour expliquer cette contreperformance l'incompatibilité des contrats des labels qui obligent les groupes à sortir un album tous les deux ans avec le processus de composition d'une musique aussi travaillée. Le temps du contrat n'est pas celui du death technique, et il n'est pas rare de voir des formations talentueuses partir en roue libre après un premier essai qui a mis du temps à parvenir à maturité et un second écrit dans la précipitation imposée par une stipulation contractuelle.
Omnivium est l'archétype de l'album sorti un peu trop vite et que le groupe, sans toutefois le renier, regrettera de ne pas avoir pu finaliser dans ses futures interviews. En attendant, la machine promotionnelle fonctionne à plein régime, le monde du metal extême s'enthousiasme à nouveau pour ces Allemands qui savent si bien faire du death technique en oubliant un peu vite que leur véritable chef d'œuvre est – pour l'instant – derrière eux (tiens j'ai déjà l'impression d'avoir dit ça d'un autre groupe...). La différence c'est que cette fois-ci, je me demande vraiment comment les chargés de promotion de Relapse vont réussir à me faire dire que
Omnivium est l'album de l'année...
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