Obscura - Cosmogenesis
Chronique
Obscura Cosmogenesis
À ma grande honte, je dois avouer que j'ai eu au départ un gros a priori sur Obscura, groupe que je confondais avec une obscure (sans jeu de mot) daube de black niais dont j'ai oublié le nom. Alors la première fois que j'en ai écouté des extraits, j'ai été fortement surpris ! Après un premier album apparemment assez orienté brutal death, le groupe s'est en effet tourné vers un death technique des plus convaincants. Steffen Kummerer, guitariste fondateur de Obscura et allemand de son état, s'est retrouvé bien embêté quand il a voulu faire un album plus technique, il a donc viré ses premiers comparses et s'est adjoint les services de Christian Muezner (de Defeated Sanity, ça devrait faire plaisir à Keyser !) à la guitare et Hannes Grossman à la batterie, qui ont tous deux joué sur Epitath de Necrophagist, ainsi que de Jeroen Paul Thesseling à la basse fretless, c'est-à-dire ni plus ni moins que l'homme qui a joué sur l'excellent Spheres de Pestilence. Avec un line-up pareil, vous vous doutez bien que Cosmogenesis est un album qui officie dans le technico-technique, et c'est sans grande surprise qu'il s'avère être excellemment bon.
Aux premières notes du fantastique « Anticosmic Overload », une évidence s'impose : Obscura a réussi à digérer les influences du death technique des années 90 pour un rendu résolument moderne. Cosmogenesis ce n'est ni plus moins que Individual Thought Patterns croisé avec Symbolic rehaussé d'une pointe de Focus de temps à autre, et qui sonne aussi actuel que peut le faire Quo Vadis avec Defiant Imagination. Oui, cette seule description devrait faire saliver n'importe quel amateur de death technique, surtout quand on sait que comme ces illustres références, toute la technique du groupe ne sert qu'à enrichir l'aspect mélodique des compositions, sans pour autant tomber dans la veine démonstration. Ne vous y trompez pas, Cosmogenesis est aussi efficace qu'il est technique.
Alternant avec le talent commun aux grands du style des morceaux tour à tour soutenus et un peu plus posés, cet album s'avère très diversifié. Le chant death va du crié au growlé, aussi convaincant dans un cas que dans l'autre, « Desolate Spheres » et « Infinite Rotation » s'avérant même comporter de nombreuses pistes de chant clair voccodé à la Cynic (bien que clair soit un grand mot, les intonations étant bien plus proches de la déclamation). C'est d'ailleurs sans grande surprise que l'on retrouve en invités Ron Jarzombek (génial guitariste de Watchtower, Spastic Ink et Blotted Science pour les incultes) sur le titre éponyme, ainsi que Tymon Kruidener (guitariste de Exivious et Cynic) dont le solo sur « Incarnated » est immédiatement identifiable pour les connaisseurs, car il ne fait ni plus ni moins que reprendre une partie de celui du mythique « Veil Of Maya » !
Il me serait bien difficile de continuer la description de cet album sans évoquer le dernier Necrophagist sur lesquels Grossman et Muezner ont joué. Bien sûr, la ressemblance entre Cosmogenesis et Epitath est flagrante, mais elle ne se ressent vraiment qu'au niveau des jeux respectifs de deux musiciens. En effet, on retrouve les formidables solos extrêmement chantants de Muezner (bien meilleurs que ceux de Suicmez) et le jeu de batterie à la fois massif sur les parties rapides et tout en subtilité quand on y fait attention de Grossman, c'est-à-dire tout ce qui fait la force de Epitath. Mais permettez-moi de le dire, Obscura est bien supérieur à Necrophagist, et ce sur tous les plans. En effet, là où ce dernier manque cruellement d'efficacité et s'avère redondant sur la longueur d'un album, Obscura manie bien mieux les passages rapides, qui ne tombent jamais dans une surenchère de notes indigestes, et arrive sans peine à captiver l'amateur de death metal moyen (la preuve Keyser semble apprécier !). Le début de « Orbital Elements » est à ce titre un petit joyau, et s'enchaîne parfaitement avec un solo magnifique sur fond d'arpèges, avant de repartir de plus belle en orbite.
Outre cette efficacité détonante, Cosmogenesis regorge bien entendu de subtiles mélodies, jouant autant sur la guitare que sur les merveilleuses lignes de basse de Thesseling. Très honnêtement, je ne me souvenais pas qu'il avait un pareil niveau à l'écoute de Spheres ! C'est bien simple, son jeu est quelque part entre ceux de DiGiorgio et Malone (on revient toujours au tryptique Death/Cynic/Quo Vadis), en encore plus audible, pour ne pas dire intrusif, à notre grand bonheur ! Aucune de ses interventions n'est injustifiée, même sur les accélérations subites (preuve en est le titre éponyme), à tel point que la basse en devient le point fort du groupe.
Si la basse est si audible, outre le jeu de Thesseling qui se démarque habilement des guitares, c'est aussi dû au clair surmixage de l'instrument. Globalement, la production de l'album est très agréable, la mise en avant de la basse ne gênant absolument pas. Le mixage de la batterie est très équilibré, et au final aucun instrument ne couvre un autre. Seul petit point noir, les aigus des guitares sont assez agressifs, rien de bien méchant, mais ça peut gêner les plus tatillons.
Il y a-t-il une ombre à ce tableau idyllique alors ? Pas vraiment, Cosmogenesis est comme on peut s'y attendre, une tuerie de death technique. Si aux premières écoutes je l'ai trouvé un peu inégal, la fin de l'album étant plus posée que les premiers morceaux, une plongée plus profonde dans l'opus m'a convaincu quant à son homogénéité. On peut aussi lui reprocher un relatif manque d'originalité, mais personnellement je préfère entendre un groupe qui se revendique ouvertement des grands anciens qu'un simili death technique teinté de modernisme comme on voit trop aujourd'hui. La seule chose qui explique le point manquant, c'est la relative monotonie qui s'installe le long de l'album : elle est très mineure, mais elle est là. Nul doute que si le prochain essai des allemands comporte plus de contrastes entre ou au sein des morceaux, avec notamment plus de passages éthérés, il y aura matière à atteindre la note maximale.
Vous l'aurez donc compris, Obscura s'impose comme une nouvelle référence du death technique européen, Cosmogenesis pouvant directement prétendre à une place au panthéon du style. Alors que la mode core-isante entraîne une évolution immonde du death technique vers le modernisme avec des groupes comme The Faceless ou Centaurus-A, marchant dans les pires pas des horribles pionniers (d'il y a seulement quelques années) que sont Martyr et Cryptopsy, il est réjouissant de voir que de nouvelles formations n'ont pas oublié ce qui fait l'intérêt du death metal. Obscura marche d'un pas décidé dans les seules traces intègres que sont celles de Death, en s'inspirant ingénieusement des œuvres ayant jalonné la route du style jusqu'à présent. Classer Cosmogenesis parmi les meilleurs albums de death technique européens quelque part entre Tribe et Colonizing The Sun ne semble alors pas usurpé. Mais qu'importe sa place à l'échelle continentale, Cosmogenesis est juste le meilleur album de death metal de l'histoire de l'Allemagne.
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