Stortregn - Finitude
Chronique
Stortregn Finitude
Désormais valeur-sûre de la Confédération Helvétique et bien installé dans le paysage local STORTREGN a pris l’habitude de revenir tous les deux/trois ans avec un nouveau long-format, et ce « Finitude » n’échappe pas à la règle en faisant suite au très bon
« Impermanence » tout en reprenant les mêmes éléments entendus depuis la bascule musicale effectuée à partir de « Singularity ». Terminé en effet les débuts où résonnaient l’ombre du grand DISSECTION et place depuis à une œuvre plus personnelle et mature où le niveau technique s’est élevé en même temps que l’intérêt général pour la formation, même s’il faut bien reconnaître que depuis la précédente livraison tout cela devient parfois difficilement audible et écoutable. Car à l’instar de nombreux combos évoluant au sein du catalogue d’Unique Leader comme de Comatose on avait vu dernièrement apparaître des excès sonores en tous genres qui faisaient que certains passages en devenaient difficilement digestes, et du coup on se demandait si le quintet allait un peu calmer le jeu et revenir à plus de simplicité ou au contraire continuer dans cette voie... quitte à devenir chiant et ennuyeux.
Et c’est cette deuxième option qui a été choisie par celui-ci qui reprend les choses où elles en étaient restées précédemment et pas forcément pour le meilleur... car le court et brutal morceau-titre ouvre les hostilités de façon totalement infâme, tant ça part dans tous les sens en se montrant violent mais bourratif tant la radicalité y est excessive. Tout ça en n’oubliant pas des parties jazzy certes réussies mais qui tombent comme un cheveu sur la soupe, et font ainsi de cette ouverture un ratage complet faisant apparaître nombre d’inquiétudes pour la suite à venir. Pourtant malgré les difficultés à rentrer dans les compositions on va s’apercevoir que la technicité des mecs et la fluidité des guitares sur les solos vont permettre de créer certaines ambiances impeccables, idéales pour se laisser embarquer très loin dans le cosmos comme dans la tempête, et cela va se montrer au grand-jour sur le cohérent « A Lost Battle Rages On ». Si là-encore le rendu en fait des tonnes il faut quand même saluer le travail des guitares et la précision du batteur qui reste métronomique que ce soit sur les blasts déchaînés que sur les passages travaillés plus lents, où la basse ronflante se fait entendre. Jouant sur tous les tableaux entre virulence électrique débridée et plans plus mélodieux aériens le résultat est impressionnant de virtuosité même si ça aurait largement pu être raccourci, au lieu de cela on sent un certain enlisement dommageable mais qui heureusement va se faire oublier dès l’apparition de la plage suivante (« Xeno Chaos »), qui va étonner mais être en raccord avec le genre proposé. Jouant aussi bien sur les harmonies que des passages acoustiques latinos les Suisses offrent un visage plus détendu et moins haineux (sans pour autant que l’explosivité ne soit absente) doté d’une certaine originalité, et dont le côté aérien va progressivement s’étoffer. Car bourrés d’accents froids, futuristes et inspirés par la science-fiction les plus accessibles « Cold Void » et « Rise Of The Insidious » vont un peu étonner de prime abord en se montrant plus accessibles et directs que ce qui a été proposé jusque-là, tout en dévoilant quelques rythmiques syncopées et d’autres plus éthérées au milieu de déferlements réguliers de tourbillons totalement incontrôlables.
Et puis à partir de « Omega Axiom » cette haine suintante va légèrement s’effacer au profit d’une noirceur accentuée où la lourdeur va prendre plus d’ampleur ainsi que les plaisirs harmonieux tout en douceur, qui se posent entre les rasades débridées où ça joue fort et de manière explosive. Tout cela montre que dans ce domaine où les guitares s’emmêlent les unes dans les autres les gars ont toujours cette faculté à sortir des éclairs lumineux au milieu des ténèbres avec simplicité et brio, tranchant ainsi quand les choses se font plus brutales et chaotiques - voire même martiales, comme le dévoile la conclusion intitulée « The Revelation » qui clôt tout cela par un dernier mélange ultime de toute la palette de jeu et d’influences (qui passe assez facilement et revient à un schéma plus classique). Résultat on est donc sur une galette qui à l’instar des précédentes va demander du temps et de la patience pour être totalement assimilée tant les limites ont encore une fois été repoussées, mais pas forcément de la meilleure façon vu qu’on va vite avoir tendance à saturer devant ce déluge de notes qui part dans tous les sens.
Donnant l’impression d’avoir été mis en boîte dans foulée de son prédécesseur ce sixième volet de l’entité est incontestablement celui qui fera le plus parler, car bien que gardant une large place à son classicisme habituel ses nombreux breaks aérés même s’ils sont bien foutus et exécutés à la perfection, vont avoir tendance à casser la dynamique générale. Attention donc à la sortie de route qui est frôlée à plusieurs reprises et comme elle ne l’a jamais été de la part de la bande, qui a intérêt à franchement faire gaffe la prochaine fois au risque sinon de n’intéresser que les geeks fans de branlette de manche, et de devenir comme nos locaux d’EXOCRINE ou CATALYST un truc sans âme et bouffi, bourré d’effets inutiles où l’attractivité et le feeling se retrouvent noyés sous une masse de plastique et de plans alambiqués à outrance. Si elle n’en est pas encore là elle devra quand même se ressaisir et revenir à une écriture plus directe tant on sent qu’elle a les moyens de conjuguer brutalité et folie créative sans pousser l’expérience aussi loin. Alors oui ce nouveau cru sans être parfait passe encore l’épreuve du feu mais sans être pour autant au niveau des antérieurs, mais nul doute que le choc et la chute seront rude la prochaine fois si les choses continuent dans ce sens et ne changent pas radicalement... en tout cas les Genevois savent ce qu’ils ont à faire dans le futur, on verra maintenant s’ils l’appliquent... ou pas.
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