Stortregn - Emptiness Fills The Void
Chronique
Stortregn Emptiness Fills The Void
Si Jon Nödtveidt est mort et enterré depuis déjà de nombreuses années, son œuvre continue à lui survivre et nul doute que cela sera le cas durant encore longtemps, tant DISSECTION a marqué les esprits malgré son existence fulgurante et une fin de carrière plus riche en faits divers qu’en musique. On ne compte plus les formations actuelles qui ont décidé de perpétuer son héritage de façon presque tapageuse (et plus proche du plagiat) à l’instar des allemands de THULCANDRA, ou plus personnelle comme les suisses de STORTREGN. Avec une précision digne d’une horlogerie qui a fait la renommée de leur pays, le combo revient déjà avec un quatrième album en sept ans qui continue petit à petit de s’éloigner de l’hommage au regretté suédois tout en conservant son style inimitable, malgré encore une fois du mouvement en interne. Si jusqu’à présent les genevois évoluaient sous forme de quatuor ils sont désormais un quintet depuis que le chanteur Romain Negro a abandonné la guitare rythmique (reprise depuis par l’ancien bassiste, qui a laissé son instrument initial au nouveau venu), pour le reste rien n’a changé ou presque, la recette est toujours la même et la qualité encore une fois est au rendez-vous, tout en étant musicalement de plus en plus élaboré et personnel.
Ce virage avait déjà commencé il y’a deux ans avec le très bon « Singularity », où la technique se faisait plus importante tout en étant plus diversifié au niveau créatif, et cette fois le chemin a été poussé plus loin car même si on retrouve des bribes de leurs premiers faits d’armes les helvètes semblent désormais avoir en grande partie tourné la page de ce passé proche. Si des traces de leurs deux premiers opus (« Uncreation » et « Evocation Of Light ») sont encore présentes de manière éparses celles-ci s’effacent progressivement sans pour autant avoir disparu, on en retrouve en effet dès le départ avec le rapide « Through The Dark Gates » où le rythme global ne va presque pas ralentir. Alternant entre vitesse élevée et blast déchaînés ce titre d’ouverture n’oublie pas d’ajouter sa touche mélodique par un démarrage acoustique et un solo prometteur, tout en ajoutant quelques courts moments plus remuants, pour un rendu très classique et inspiré de la première période, tout comme avec le très bon « Circular Infinity » qui s’enchaîne dans la foulée et reprend la même trame que précédemment. Ici cependant au milieu de ce tabassage en règle la mélodie va prendre une place un peu plus importante, et cela va aller crescendo sans que pour autant elle ne se fasse au détriment de la puissance, avec d’abord le réussi « The Forge » où les forces en présence s’équilibrent.
En effet ici tous les éléments se retrouvent sur un même pied d’égalité tous comme les tempos qui jouent le yo-yo et permettent ainsi de densifier la musique du groupe, qui a rarement trouvé un tel mélange entre brutalité et douceur, mais sans y perdre en qualité à l’instar du redoutable « Nonexistence » qui montre là-aussi toute la palette musicale et technique de ses créateurs. D’ailleurs plus on avance dans l’écoute et plus on s’aperçoit du boulot fourni par la paire de guitaristes, dont les nombreux riffs et arrangements sont d’une précision sans failles, tout comme les parties lead de Johan Smith d’une fluidité impressionnante (et qui confirme que son jeu s’améliore à chaque sortie) et qui amènent une vraie plus-value. Après ce début impeccable il est temps de faire une petite pause, et l’interlude « The Chasm Of Eternity » sert de transition avant de repartir de plus belle. Très planant et spatial, il se conjugue avec une batterie jazzy entraînante tout en offrant une facette plus aérienne qui sied à merveille avec ce qui a été entendu depuis le départ, tout en ne faisant pas désordre avec le reste et à ce qui va suivre. Bien que restant de facture classique « Lawless » va être découpé en trois parties distinctes et toujours en raccord parfait, vu que son démarrage et sa conclusion conservent une violence débridée que rien ne semble arrêter, qui s’altère uniquement en son centre par un mid-tempo agréable agrémenté d’arpèges superposés entre les deux guitares (sèche et électrique). D’ailleurs les suisses usent énormément des arpèges acoustiques, mais heureusement sans jamais en faire trop, car on retrouve encore sur « The Eclipsist » qui montre là-encore toute leur palette d’arrangements et leur qualité d’écriture, via une grande variété de rythmes où accélérations et ralentissements sont de mise, entrecoupés de passages supersoniques à la batterie et de solos plaintifs superbes.
Si le brutal et énergique « Shattered Universe » montre là-encore que les mecs ont gardé leurs racines originelles (grâce notamment à son introduction qui peut faire penser au mythique morceau « The Somberlain »), c’est surtout avec le progressif et étonnant « Children Of The Obsidian Light » qu’ils finissent de nous convaincre du bénéfice de leur nouvelle voie, et surtout du pas en avant franchi. Car jamais une de leurs compositions n’avait été poussée si loin, entre une durée à rallonge (onze minutes au compteur) ainsi que de nombreuses cassures et changements divers (le tout sans jamais de longueur), il y’a de quoi faire et satisfaire tout le monde. Après une longue introduction acoustique (une constante sur cette galette tant on en retrouve régulièrement) l’électricité va reprendre la main via pendant un bon moment via une alternance de différentes parties speedées où les bpm restent très hauts, avant une première pause pour mieux repartir ensuite de plus belle toujours à cent à l’heure. Mais cependant on y trouve ici plus de lourdeur, histoire de ne pas se répéter et surtout de permettre au reste de mieux redémarrer et de reprendre de façon tout aussi énergique et en continu, avant qu’une seconde pause ne retentisse et permette ainsi aux guitares douces de ressortir de leurs étuis. Mais là où le résultat va atteindre des sommets c’est avec le long solo qui va suivre et qui va sublimer l’ensemble en s’étirant de manière douce, cohérente et subtile (et n’étant pas sans rappeler celui de « Waters Of Ain » de WATAIN), tout en faisant monter légèrement la température afin d’amener l’auditeur vers des contrées en apesanteur et particulièrement éloignées. Autant dire que là-encore toute la palette de jeu y est présente, et que ça fait mouche une fois encore car ça conserve la ligne de conduite globale, sans partir dans des expérimentations ou errements qui sont trop souvent l’apanage de ces compos d’influence progressive.
Même si quelques plans similaires et interchangeables se retrouvent de temps en temps de façon discrète, cela n’est absolument pas rédhibitoire tant cette œuvre est excellente de bout en bout et ne comporte que de très légers moments de faiblesse. Définitivement affranchi dans des grands noms du genre le groupe passe ici un cap décisif et majeur dans sa carrière où son expérience accumulée au fil des années se ressent de façon flagrante, et trace désormais sa voie avec une vision plus mature et recherchée. Sans jamais tomber dans la surenchère technique et les plans ennuyeux il propose à la fois plus de légèreté et de force sans y perdre son identité, pour s’affirmer dorénavant non plus comme un second couteau mais bel et bien comme une entité sur laquelle il faut désormais compter actuellement, et aussi très probablement dans le futur, tant elle possède les cartes pour être reconnue à sa juste valeur.
DONNEZ VOTRE AVIS
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
AJOUTER UN COMMENTAIRE
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo