Year Of No Light - Ausserwelt
Chronique
Year Of No Light Ausserwelt
Il y a un truc qui me chiffonne avec le post hardcore. On le sait, ce n'est pas un style que l'on écoute pour avoir sa ration d'enchainements legato/sweeping ou de gravity blast, on n'en a rien à foutre. Non, ce qui compte, c'est l'émotion, le paysage dans lequel on va rentrer. Et on a vécu milles vies grâce à cette musique : des voyages en mer, dans l'espace, le désert, les vallées, l'Apocalypse elle-même parfois. Pourtant, à ma connaissance, aucun disque n'a su figurer le sentiment ultime, celui qui fait que des hommes rejettent ces belles images matérielles pour une autre, qui naît de l'intérieur. De la foi.
Et là arrive Ausserwelt, cette œuvre d'architecte. Les bordelais laissaient planer le doute quant à leur avenir après le départ d'un de leur pilier, leur chanteur, parti chez les mignons d'Adam Kesher. L'édifice ébranlé a été reconstruit, fortifié dans ses fondations par l'ajout d'un second batteur (venant d'Aeroflot) mais aussi étendue d'une aile supplémentaire, en la personne d'un guitariste de Monarch!. La rénovation a été si radicale qu'une comparaison avec le déjà sculptural Nord ne tient pas. En résultent des structures tentaculaires, où les bas-fonds frappent de manière complémentaire, une double-rythmique qui est un dialogue (la grange aux bois Kylesa peut aller se rhabiller). La basse planifie un sol bétonné, granuleux mais aux notes malléables permettant aux guitares d'ancrer leurs voûtes shoegaziennes ou leurs pierres pesantes sans risque d'éboulements, malgré l'orfèvrerie aussi progressive que cassée. La bâtisse ainsi créée possède une acoustique faite d'échos/drone mêlés à une froideur proche du doom ou du black metal de la cave irlandaise Altar Of Plagues (avec qui un split est prévu !). Un son fait de fenêtres expirantes et de cloisons moulées dans le plomb, profond, sublime au point de sublimer chaque part du temple.
Car même l'œil profane arrivera à cette conclusion : Ausserwelt est un temple, divisé en quatre labyrinthes. Entrer dans « Perséphone (Enna) » revient à pénétrer dans ces chapelles de centre-ville, le silence intérieur contrastant avec le bruit extérieur, aidé d'une ligne de basse aérienne. La majesté des lieux s'impose lentement aux yeux encore étourdis lors du brumeux « Perséphone (Coré) », alternant accords doom purgatifs et vols illuminés, haut-le-cœur et le-cœur-haut rappelant que l'impression divine naît du tourment. « Hiérophante » enfonce le clou avec ses guitares sombres, non pas glauques mais où la lumière pâlit, étouffée par des charges impétueuses. Définitivement une musique pour ceux qui voient la spiritualité comme un chemin de croix et non une bigoterie du dimanche de messe ! Cette expérience sensorielle au service de la transe trouve son point le plus élevé dans « Abbesse », morceau qui n'apporte aucune solution finale mais décuple ce brouillard épique par des mélodies victorieuses, où les deux batteurs sont déchainés, laissant place à un riff fiévreux comme un derviche tourneur. Year Of No Light n'a plus de chanteur ? La belle affaire ! Il s'est fait lui-même chant, une oraison parfois démoniaque, souvent séraphique !
Ausserwelt arrive à donner une patine neuve aux cordes usées du post hardcore instrumental grâce à une vision, chose finalement rare. J'ai retrouvé ici ce que j'ai pu ressentir lors de pauses dans des églises (allez-y en écoutant cet album, effet garanti) ou des lectures d'écrivains mystiques (En Route de Huysmans notamment) et ces titres, faisant références à diverses religions ou mythologies (Abbesse désignant par exemple la dirigeante d'une abbaye), sont autant d'indices indiquant que ce deuxième album est à voir comme une réponse au nihilisme musical d'aujourd'hui. Je vois difficilement comment ils pourront aller plus loin, à part en améliorant certains passages manquant de substance. En attendant, le sextet nous a offert un toit où iront s'abriter les âmes fatiguées, celles qui veulent croire malgré tout.
| Ikea 15 Septembre 2010 - 3180 lectures |
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