Parfois, lorsqu'un album ne veut décidément pas se laisser apprivoiser – non pas qu'il soit trop dense, trop complexe ou bien trop hermétique, mais juste qu'on ne rentre pas dedans – parfois disais-je, il devient nécessaire de coller des images sur la musique afin d'en faire surgir le sens véritable. J'ai par exemple eu la révélation sur ce
A Deeper Kind Of Slumber, lorsque après de multiples écoutes infructueuses je me suis par hasard projeté dans un univers enfumé de science fiction dont il est devenu la bande originale. Ça a l'air con comme ça, mais c'est ce qui m'a tout bonnement permis de répondre à la question que chacun se pose lorsqu'il s'envoie une galette : quelle est l'ambiance de cet album ?
On tient là, avec
Wildhoney, l'un des deux albums pivots dans la carrière des Suédois. Avant cela, un doom/death atmosphérique aux réminiscences seventies et autres joyeuseries progressives, après cela un rock gothique pur jus très sympathique mais tout de même moins étrange. Alors pourquoi ai-je eu du mal à apprécier cet album ? D'abord parce qu'à première vue la musique de Tiamat s'y veut souvent minimaliste, avec des combinaisons très « sages » mariant lignes de guitares simplistes, batterie neurasthénique et profusion d'arrangements semblant habiller ce corps chétif d'un drap synthétique. Ensuite parce que là où certaines chansons ont immédiatement titillé ma fibre progo-atmosphérico-mélancolique, d'autres à l'impacte tant mélodique qu'émotionnel (a priori) nettement moins prononcé se sont gentiment fait tatouer « remplissage » sur l'arrière train. Et le problème avec les tatouages c'est que quand on vieillit ça colle au cul, mais bon la chirurgie fait des miracles de nos jours…
Aujourd'hui, en vérité je vous le dis, je suis un homme nouveau.
A Deeper Kind Of Slumber, « une forme plus profonde de sommeil », autrement dit un degré supérieur d'inconscience. Non, merde, de conscience. Euh… bref, Johan Edlund vous invite à un voyage au pays des psychotropes, mais dont l'atout principal est de ne pas donner dans le psychédélique. Les influences sont nombreuses, allant du metal/rock gothique au bon vieux prog des Floyds en passant par le trip hop (« The Desolate One »), l'Orient (« Four Leary Biscuits ») et l'electro qui tapisse et texture l'ensemble de l'album. Mais tout cela ne serait pas suffisant sans le suprême liant qu'est la voix de Edlund : grave, apaisante, caressante, c'est un authentique bercement qui pousse à ce recroqueviller en position fœtale en accueillant ses paroles comme du liquide amniotique.
Seulement pour rentrer dans sont trip il en faut de la bonne, parce que paradoxalement il ne va pas les chercher bien loin ses compos, le bonhomme. En fait de structures les chansons tiennent souvent sur trois accords, une basse qui vole parfois la vedette aux grattes très effacées et un duo percutions/arrangements pour donner un peu de relief au tout, si bien qu'on en vient à se demander si quelque chose passe dans ce minimum syndical. Le tube d'introduction, « Cold Seed », donne un exemple type du riff honteusement basique qui te fait bouger la tête sans pour autant susciter en toi une adhésion indiscutable. Et pourtant quelque chose se fait sentir: faute d'être d'une richesse effective,
A Deeper Kind Of Slumber est incroyablement sophistiqué, et puise sa force dans les menus détails qui le parsèment. Que seraient « Only In My Tears It Lasts, « Alteration X 10 » et « A Deeper Kind Of Slumber » sans ce clavier façon Blade Runner, que serait « Cold Seed » si des émanations électroniques ne prolongeaient pas les palmmutes sporadiques des couplets, « The Whores Of Babylone » sans ses instrumentations menaçantes et son arsenal de sons artificiels ? Si je parle d'ambiance et de science fiction, c'est parce que ces chansons ont fini par m'évoquer un univers cyberpunk où les visions hallucinées d'une ville futuriste vue depuis les hauteurs succèdent aux arpentements insomniaques des bas-fonds, où des figures lessivées par l'opium émergent des maisons de jeux et où les putains te proposent de toucher leurs trois vulves.
Et puis il y a, comme je le dis plus haut, certains titres qui font mouche dès le début, notamment « Teotananacl », dont le puissant chuchotement diffuse un amour triste, « Phantasma De Luxe » qui irradie une chaleur à la fois douce et amère, « Mount Marilyn », long morceau dans la même lignée, qui se taille une route solitaire en contrées Floydiennes, et enfin « A Deeper Kind Of Slumber » qui pour finir s'enfonce avec abnégation vers un stade de rêve et d'extase plus avancé encore.
Voilà en quoi cet album porte si bien son nom. Il m'a fallu du temps pour le comprendre, mais j'imagine que d'autres l'auront probablement saisi plus rapidement. Le calme profond qu'il inspire – attention c'est très lent et ça ne blaste point – et les sens cachés qu'il met en éveil en font une l'expérience d'une élégance rare : un must listen en matière de metal/rock progressif et atmosphérique.
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène