Agruss - Morok
Chronique
Agruss Morok
Le drame de Fukushima aura peut-être été l’élément déclencheur de cette trilogie lancée par Agruss. Nés pendant la catastrophe de Tchernobyl (1986) en Ukraine, les six membres d’Agruss (formé en 2009 à Rivne) vont tenter d’exprimer leur colère et de retranscrire musicalement ces terres désolées les entourant. Des séquelles innommables qui seront laissées sur les êtres vivants par les retombées radioactives (les images jonchant la toile sont assez explicites). Un désastre qui aura fait plus d’un million de victimes et qui continue encore de tuer chaque jour, que ce soit les hommes (environ 200 personnes meurent tous les jours), les animaux ou bien les plantes. Point de non retour, 5 millions de personnes au total devraient y laisser de leur vie dans les 50 prochaines années. Telle est l’introduction plombante d’Agruss pour présenter son premier album sous la bannière italienne de Code666. La sortie de ce premier opus Morok (notion slave intraduisible) est fixée au 26 avril, date anniversaire de l'accident de Tchernobyl …
Vous l’aurez compris, oubliez la thématique sur Satan, le gore, la science-fiction (impossible de ne pas penser à l’univers d’un cultissime Fallout) ou encore certains discours pseudo-écologistes. Morok est une fenêtre « réelle » sur ce paysage post-apocalyptique abandonné où ruines et poussières règnent autour de la centrale Lénine. Comme l’indique l’artwork typé « black metal dépressif », l’atmosphère demeure sombre et triste, sorte de pamphlet sur les dérives de l’humanité et l’annihilation progressive de son monde. La dénomination « Post-Atomic Black Metal » sied parfaitement à la description du style inclassable d’Agruss. Mixture entre black (socle musical), death, doom, crust, metal barré (le mathcore d’un « Ashes of the Future ») et musiques « post ». Définition qui ressemble à s’y méprendre aux récents Anglais de Dragged Into Sunlight (ces derniers étant plus extrêmes cela dit) propulsée par une production toute droit sortie d’un abris nucléaire, crade et puissante à souhait. Une ambiance suffocante et des plus dérangeantes (le contexte relativement grave) où l’auditeur fera face à des passages ambiant frissonnants (particulièrement sur les introductions des morceaux) et à une musique corrosive. Pour cela, deux hurleurs aux cordes vocales semblant irradiées alternant le chant : les cris inhumains déchirés et torturés (« Morok » et « Under The Snow III ») d’un côté puis les vers ultra gutturaux de l’autre. Une dynamique et un effet aliéné (l’aura d’un The Axis Of Perdition) non négligeables à la musique des Ukrainiens.
Les premières écoutes de Morok seront ainsi plus qu’enthousiastes, l’auditeur rentrera sans trop de difficultés dans l’univers noir mais aussi poignant d’Agruss, outre les hurlements (unes des forces majeures du groupe), certains riffs (« Fire The Savior From Plague », « When The Angels Fall », « Under The Snow I ») sauront indubitablement vous prendre aux tripes (à l’image d’un Totalselfhatred). La richesse des morceaux est bien palpable, pas mal d’écoutes seront nécessaires avant de bien cerner Morok. Mais il faut avouer qu’il sera assez difficile de tenir l’écoute entière (plus d’une heure)... Quelques passages imparables gâchés par des longueurs aisément amputables, notamment sur la fin de l’album où l’aspect atmosphérique domine. Les titres ne paraissent pas si fluides que ça (sorte de juxtaposition de passages sans réel lien) des transitions mal amenées qui crisperont par moment nos tympans. Dommage qu’Agruss n’ait pas d’avantage approfondi l’ambiance de son disque. Cet aspect demeure bien trop inégal, bouleversant par moment (« Ashes Of The Future ») ou imperméables sur certains passages… Des défauts de jeunesse acceptables même si l’on reste malgré tout sur sa faim, un style qui gagne encore à mûrir.
Traumatisme raconté par les témoins de la tragédie de Tchernobyl, Morok est un cri de douleur sur des dégâts inquantifiables causés uniquement par l’homme. Un « No Man’s Land » où régnaient jadis forêts, marais, rivières mais aussi une population. Un témoignage qui vaut bien plus que des discours et qui fera débat encore longtemps (à l’heure où j’écris ces lignes, la centrale de Penly vient d’avoir une avarie sur le refroidissement d’un réacteur…). La comparaison avec le nouvel album de Dragged Into Sunlight (Widowmaker) prévu dans le courant de l’année, risque de porter préjudice à Agruss. Sauf que le groupe est jeune, il ne devrait que progresser et affûter son style complexe et touchant sur les prochaines œuvres, c’est inéluctable. Une très bonne surprise en cette année 2012.
| Mitch 9 Avril 2012 - 2628 lectures |
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