Si on m'avait dit il y a quelques années qu'un jour je chroniquerais du doom sur Thrasho je pense que j'aurais bien ri (quoique von et Toto s'y soient eux aussi essayés) et pourtant... Pourtant je me retrouve aujourd'hui à chroniquer le deuxième album d' Eye Of Solitude, « Sui Caedere », sorti il y a peu sur le label lillois Kaotoxin Records. Autant mettre les choses au clair d'entrée de jeu, le doom est sans aucun doute le style de métal que je connais le moins puisque pour ainsi dire je n'en écoute jamais. J'ai bien une fois en passant posé mes oreilles sur un ou deux titres de My Dying Bride, Candlemass, Yearning, Ataraxie ou encore Amorphis et Draconian (en s'éloignant un peu du doom pur et dur) mais aucun ne m'avait réellement donné l'envie de pousser plus loin la découverte du style. Alors peut-être est-ce l'âge, mais il semblerait que cela soit en train de changer... Les choses étant posées, intéressons-nous donc à nos chers Anglais. Tout à commencé pour moi l'an dernier avec une belle claque lors de la découverte par hasard de
cette video du titre « At The End » tiré de leur premier effort « The Ghost », tellement beau et puissant. C'est donc avec un brin d'appréhension que je me jette sur « Sui Caedere » dès la mise en bac.
C'est sans surprise que des cri de corbeaux accompagneront les premières secondes de l'opus, assez convenu certes mais toujours efficace pour planter une ambiance sombre et lancer la grande marche funeste de « Sui Caedere ». Le rythme se veut d'entrée de jeu lourd et oppressant comme un mauvais présage pour l'auditeur qui se serait égaré sur ces terres que l'on devine hostiles (la sombre pochette ne laissant aucun doute à ce sujet), l'ambiance générale étant plutôt à la désolation qu'aux jolis champs de coquelicots. Et si le groupe recourt à quelques samples afin d'épaissir cette atmosphère lugubre qui enveloppe l'opus (les corbeaux de « Awoken By Crows », le début de « Strigoi », les voix chuchotées dérangeantes de « A Note To Say Farewell » ou « Depth Of A Sick Mind ») c'est avant tout la musique elle-même qui tisse ce maillage désenchanté ambiant. Guitares saturées grondantes, basse menaçante et nappes de clavier se fondent en une masse musicale nébuleuse, rampante, mouvante, illuminée de leads décidant de l'ombre ou de la lumière. Omniprésents, ces derniers lorsqu'ils ne se parent pas d'accents gothiques (« Depths Of A Sick Mind », « Yet I Breathe ») revêtent un aspect plus envoûtant (« The Haunting », « A Note To Say Farewell », « Those Who Don't Return ») voire lumineux (« Performed In Graphic Pain » avec ce break superbe à 2'19 avant de s'envoler dans un passage à l'emphase proche du sublime, « Totem Of A Pagan Thought »). Mais Eye Of Solitude connaît aussi l'importance du calme qui annonce la tempête, ménageant de nombreux passages atmosphériques ponctués de quelques notes de piano comme la pluie sur la terre sèche (« Awoken By Crows » à 1'41, « Strigoi » à 1'46, « Depths Of A Sick Mind » à 1'09), de guitares claires (le break basse et guitare à 3'42 sur « The Haunting »), n'hésitant pas à laisser s'étendre ces moments d'accalmie où l'on ne sait trop si l'on doit pleurer, sourire ou trembler. Mais quand bien même quelques rares passages nous laissent entrevoir le soleil à travers les nuages, c'est un vent de désenchantement qui souffle inexorablement durant ce voyage de soixante douze minutes bizarrement aussi éprouvant que reposant. N'occultons pas toutefois, malgré sa facette mélodique/atmosphérique/désespérée, l'une des grandes forces de « Sui Caedere » : la puissance.
A vrai dire avant de découvrir Eye Of Solitude je ne pensais pas qu'un groupe de doom pouvait dégager autant de puissance; c'est pourtant le premier sentiment qui m'est venu à l'esprit lors de l'écoute de cette galette. Et ici la puissance a un nom : Daniel Neagoe. Le frontman (officiant également au sein des brutes de Unfathomable Ruination) possède un growl hallucinant parfois à la limite du pig squeal (« Performed In Graphic Pain »), d'une puissance, d'une profondeur et pourtant d'une sensibilité incroyables. Il se place tout simplement pour moi parmi les meilleurs vocalistes de metal actuel. Puissance également dans le jeu de batterie d' Ewan Ross (Trifixion) - récemment remplacé par Adriano Ferraro. Pourtant peu habitué à de tels excès de lenteur, j'ai été soufflé par sa frappe sèche et juste, ses rafales de double pédale opportunes et même quelques blasts vicieux (« Totem Of A Pagan Thought ») rappelant que Eye Of Solitude sait, quand il le souhaite, donner une couleur plus death à sa musique (le début de « Strigoi », « Depths Of A Sick Mind » à 2'43).
« Sui Caedere » est, vous l'avez compris, une grosse claque froide et douloureuse mais de ces douleurs qui font du bien et qui vous rappellent que vous êtes vivant. Sinistre mais parfois lumineux, atmosphérique mais terriblement terre à terre, puissant tout autant que paisible... Même si le chemin est long (plus d'une heure), le voyage en vaut clairement le coup. Eye Of Solitude vient de sortir l'album qui est sans conteste mon plus gros coup de coeur depuis ce début d'année et trônera sur le podium quand sera venue l'heure du bilan. Ne passez pas à côté de ce monument.
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